Lu dans la presse ML...

Partisan n°178 -juin septembre 2003- mensuel de l'OCMLVP

 

Retraites

La grève générale, au cours des mois de mai et juin est apparue pour beaucoup comme la seule réponse efficace face à l'ensemble des attaques. Les regards se sont alors tournés massivement vers la CGT, seule capable de l'organiser. Mais la CGT ne voulait pas de cette grève générale et n'y a pas appelé, pas plus qu'elle n'avait appelé en 1936 ou en 1968. Son attitude s'explique plus particulièrement par le recentrage de ces dernières années.

La CGT contre la grève générale

La grève de 95 et le compromis avec l'État. L'accord de fin de grève de 95 a marqué un accord avec l'État : les restructurations à la SNCF ne devaient plus toucher la bureaucratie ouvrière. Le PDG de la SNCF sera désormais un homme <<de gauche>> qui s'appuiera sur un partenariat avec les syndicats. Les dividendes ne tardent pas. Les heures de délégation augmentent ainsi que le nombre de délégués. Cette attitude se confirme avec l'arrivée de la gauche au gouvernement. Un ministre PCF est nommé aux transports. Les grèves ne sont plus appelées que par FO et SUD Rail.
La CGT étend son attitude à l'ensemble de la confédération et évite soigneusement toute lutte coordonnée mettant en cause l'État et le système. La ligne nouvelle est d'être <<propositionnelle>>.

Le changement de gouvernement en 2002 modifie à peine la ligne. La CGT ne revendiquera jamais le retrait de la réforme Fillon. Elle est pour une autre <<réforme>>.
Les 37,5 annuitées, dont Thibault et Le Duigou, ne parlent jamais, font partie du marchandage. Face aux attaques, elle cherche non pas à les combattre mais à les accompagner. Typique est sa position sur l'épargne salariale : les fonds de pension à la française. Le but de la CGT est tout simplement que ces fonds soient gérés de façon paritaire, à travers un <<Comité Intersyndical pour l'Épargne Salariale>>. Et Fabius leur en a donné la possibilité avec une loi dont même la doite ne dit que du bien. Autre exemple, la réforme du régime de retraite particulier d'EDF, parrainée par la CGT Énergie et rejetée par les salariés. C'est une logique d'accompagnement des dégâts, en épargnant un peu telle ou telle base mais surtout en sauvegardant la place des dirigeants syndicaux dans la société réorganisée. Le <<Monsieur plus>> de la croissance (plus de beurre dans les épinards) est devenu le <<Monsieur moins>> de la crise (moins de cailloux dans les lentilles).

Une tactique de découragement.
Alors, la CGT à appelé à se mobiliser. Mais elle a dû éviter un certain nombre d'écueils. Déjà ne rien faire pour un mouvement d'ensemble qui pourrait la déborder et mettre en cause la continuation de sa politique de collaboration.
Ensuite, Thibault, a enchaîné des déclarations invitant sans cesse le gouvernement à ouvrir une porte pour de nouvelles négociations. Ces déclarations ne s'adressaient pratiquement jamais aux travailleurs. Et, au moment où ceux-ci sont le plus mobilisés, le 13 mai, la CGT appelle, mais pour plus tard, le 3 juin, et dans les seuls transports. Cela a servi à donner une perspective afin que ceux qui ont envie de lutter n'en prennent pas d'autre.

Exemples d'attitude. À la RATP, les salariés ont fait grève les 14 et 15 mai, au lendemain de la grande manifestation du 13 mai. Les dirigeants cégétistes ont affirmé leur désaccord dans les AG et n'ont pas posé de préavis, laissant la direction agiter les menaces de sanction.
À la SNCF, les dirigeants syndicaux sont intervenus dans tous les dépôts pour que la grève n'ait pas lieu. D'abord sous le prétexte de ne pas gêner la manif du 25 mai, ensuite, soi-disant, pour mieux partir le 4 juin. Mais le 4 juin, le gouvernement avait réussi à dissocier plusieurs syndicats dont les autonomes. Résultat : alors que le 14 mai, les salariés des transports étaient <<bouillants>> et rêvaient d'en découdre, les chiffres de grévistes du 4 juin seront en baisse.
Autre exemple : pour bien maîtriser et décourager, les assemblées de cheminots se feront par petits secteurs et pas par dépôts. Résultat : les assemblées réuniront rarement plus de 100 à 150 personnes. Difficile, dans ces conditions de sentir la force de la classe ouvrière.

Un interpro qui n'en a que l'apparence.
Ces reports de date ont aussi servi à ce que le mouvement de l'Éducation Nationale s'essouffle. La direction de la CGT se méfiait de cette grève.
Organisée en coordination, elle était capable, le cas échéant, d'être un centre de décision au-delà des rangs de l'enseignement. Alors, la CGT évitera les liens avec ce mouvement. Par exemple, sur le 93 ou à Vitry, la direction CGT se bat contre l'interpro et se débrouille pour qu'il n'ait pas lieu. Puis, elle appelle seule à une manifestation qu'elle contrôle. Au lendemain du 10 juin, la CGT généralise cette tactique et occupe le terrain de l'interpro. Thibault annonce des initiatives les 12 et 15 juin, puis d'autres dates sont données dans la semaine qui suit. Là où le mouvement est encore très fort comme à Marseille, le 12 juin se fait dans l'unité avec les grévistes de l'Éducation Nationale. Mais là où ça décline, comme en région parisienne, la CGT boycotte les enseignants, propose une avalanche d'initiatives locales et les sabote elle-même pour être sûre de ne pas être débordée.
La logique en est : construire un semblant d'interpros CGT pour que l'interpro de lutte, unifiant les salariés de l'Éducation, des Transports, de la Santé, des Postes n'ait pas lieu.
Au final, Fillon et Raffarin peuvent remercier la CGT. L'attitude de celle-ci n'est pas le fruit d'erreurs d'évaluation, mais d'une volonté consciente de brider le mouvement. Son but était d'empêcher tout essor de luttes qui auraient pu poser des problèmes économiques ou politiques et ce aussi bien pour le MEDEF et le gouvernement que pour les partis de <<gauche>> qui préparent l'alternance.

Sauvons-nous nous-mêmes. Le bilan qu'on doit en tirer est qu'il ne sert à rien de s'égosiller à faire des appels aux directions confédérales (CGT comme FO).
De tels appels aboutissent généralement à maintenir les travailleurs dans l'illusion que les dirigeants confédéraux pourraient organiser la lutte d'ensemble.
La seule issue est de construire nous-mêmes, dans le mouvement, nos organisations de lutte : comités de grève, coordinations de secteurs, comité central de grève. Ce sont ces organisations qui pourront lancer des initiatives et structurer un tel mouvement général.
Évidemment, ces structures ne naîtront pas par enchantement. Cela demande une construction patiente d'organisations syndicales de lutte de classe et surtout celle d'un parti réellement communiste implanté dans la classe ouvrière.

Claude Magnan 

  

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