FRONT ROUGE n°157 -22 mai 1975- hebdomadaire
organe central du
Parti Communiste Révolutionnaire (m.l.)
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LES OUVRIERS DE BESANÇON
ENGAGENT FERMEMENT LA LUTTE CONTRE LA CRISE

      La semaine dernière, 3 boîtes en grève ensemble à Besançon. Cela ne s'était pas vu depuis longtemps : à Unimel (Pain d'épice), chez Weil, usine de confection où depuis 68, il n'y avait eu que des débrayages d'atelier, chez Bourgeois, usine métallurgique qui était déjà entrée en lutte, il y a 1 an.
      Des grèves pour les salaires
      André, ouvrier chez Bourgeois " en décembre, je touchais 1.700 F., maintenant, avec la réduction d'horaire et les jours chômés j'en suis à 1.200 F. C'est pour ça qu'on demande 1.500 F. "mini net et garanti contre le chômage et 1,50 F. de plus de l'heure ", 1.500 F. mini aussi chez Unimel, 500 F de prime annuelle et la suppression des contrats de travail. " Dans mon atelier le patron a voulu chronométrer pour nous mettre aussi au rendement, explique Youssef qui travaille chez Weil. On a refusé, on a établi un cahier de revendications contre le salaire au rendement. Après, il y a eu des discussions dans les autres ateliers et tout le monde a été d'accord pour demander le 13ème mois (pas de " gratification " à la tête du client). 9,50 F mini et 200 F. d'augmentation pour tous. "
      " Dans les 3 usines, le patron a cogné, ce n'est pas un hasard "
      " Ces grèves, c'était impensable, il y a 6 mois. La crise, ça marche de moins en moins ", c'est une idée que nous avons entendue plusieurs fois. " Regarde, chez Weil, les gars voyaient bien qu'on ne pouvait continuer les grèves par ateliers qu'il fallait intensifier, unifier le mouvement. C'est pour cela qu'on a décidé les piquets de grève mercredi ", nous a dit Youssef. A l'organisation des ouvriers pour la lutte, le patron a répondu par le refus de négocier et par la violence pour briser net le mouvement ; n'hésitant pas dès le 1er jour, à frapper les grévistes à coups de poing, puis aux piquets suivants, à cisailler la chaîne cadenassant les grilles (installée par les grévistes), à braquer son chalumeau sur les grévistes massés derrière la grille, à armer de matraques la maîtrise. A cette violence fasciste, les ouvriers, réunis en Assemblée Générale, ont répondu par une organisation toujours plus précise de piquet de grève (chaînes et cadenas, voitures barrant l'entrée...), par son renforcement massif (vendredi, une centaine y participait) par la contre offensive (jets de pierre). " Loin de diminuer, la combativité s'est multipliée, explique Youssef. Au fur et à mesure, les gars voient bien qu'il n'y a pas d'autre solution que la violence maintenant, qu'il faut s'y préparer. " Chez Bourgeois, la riposte de la bourgeoisie a été très vive aussi : alors qu'un petit groupe d'ouvriers séquestrait le patron qui refusait de négocier, la police municipale (les commissaires ceints d'une écharpe tricolore !) appuyée par un bataillon de policiers en civil, attaque les grévistes et libère Bourgeois, fait la chasse aux immigrés. Pourquoi cette violence ?
      " Ils veulent la révolution " (le patron Bourgeois)
      " A mon avis, il y a des choses qui ont changé chez Bourgeois depuis un an " dit André. D'abord les gens n'ont plus confiance dans les directions des syndicats ; la grève, elle n'est pas organisée, les gens sont partis par ras-le-bol mais il ne savent pas où ça va. Par exemple, à la mécanique, ils ont fait grève seulement vendredi... ce n'est pas parce qu'ils sont contre, c'est parce qu'ils n'ont pas de perspectives ". Attente, mais attente qui se change en lutte, questions qui peu à peu trouvent une réponse. André : " les gars, avant la grève, disaient : " si on fait grève, on pourra pas tenir plus de 10 jours ", mais aussitôt, ils ajoutaient : " donc, il faut gagner en 10 jours. Est-ce qu'on peut s'organiser pour gagner en 10 jours ? "

     
                  Vente sauvage de pain d'épice dans la cour d'UNIMEL

      Encore une fois, les ouvriers ont lutté pour fixer eux-mêmes leurs revendications, leurs modes d'actions, se heurtant à chaque fois aux directions syndicales révisionnistes et réformistes. Chez Unimel, la direction CGT a accepté la vente de pain d'épice " pour éviter qu'il s'abîme "... chez Bourgeois, la direction CFDT passe d'une séquestration (celle de Troch, directeur financier) avec 15 personnes, complètement coupée de la masse des grévistes, à l'approbation d'une augmentation de 10% du salaire pendant un an ! Et c'est la police municipale du maire " socialiste " Minjoz (déjà bien connu des ouvriers de Lip) qui a libéré M. Bourgeois !

 
La séquestration de Bourgeois, le jeudi 15 mai

      La réflexion de ce patron, parlant de ses ouvriers à la négociation " leurs revendications, je les comprend suis d'accord, mais ils sont pour la révolution, alors je ne peux pas céder... " montre bien que l'enjeu de ces grèves est clair pour la bourgeoisie : c'est un enjeu politique, c'est la crédibilité (ou non) du modèle de crise, c'est la crédibilité (ou non) de la " gauche " qui est en cause. Et si la classe ouvrière ne croit plus à la crise, à la " solution de rechange " que veut être le Programme Commun, que reste-t-il à la bourgeoisie si non la violence organisée, contre-révolutionnaire ?
      La réponse du Parti à la crise politique de la bourgeoisie
      " Maintenant les gars se rappellent ce que le Parti a dit sur la gauche aux élections et beaucoup pensent que Mitterrand n'en ferait pas plus que Giscard " dit André. Aux aspirations des ouvriers d'Unimel, le Parti a répondu par l'organisation active de l'occupation, la participation d'ouvriers de l'usine au travail de la cellule, par l'organisation du soutien. Samedi, le Parti a appelé largement par voiture-sono et tracts, à une manifestation pour soutenir et unifier les travailleurs en lutte. Au lieu de rassemblement, un débat s'engage : beaucoup d'ouvriers prennent le micro, expliquent leur soutien aux luttes, puis la manifestation démarre. Peu nombreuse, mais militante, répondant directement à la volonté de poursuivre la lutte, cette manifestation a rencontré un large soutien. Maintenant le Parti prépare activement le rassemblement communiste de vendredi prochain. De plus en plus nettement à Besançon, le Parti apparaît comme la force qui répond aux questions que les ouvriers posent dans leur volonté de lutte décisive contre la bourgeoisie.

Le 19.5.75

   UNIMEL : filiale de la Générale Alimentaire qui fabrique outre les " produits sucrés ", (Franco-russe, Vandamme), les condiments Aurora-Dessaux et Aussage, des produits pharmaceutiques, diététiques et chimiques et des aliments pour animaux (Sanders). Ce n'est pas une boîte en crise : le chiffre d'affaires par employé a augmenté de 50% en 73 !

   BOURGEOIS : important producteur français de moteur pour l'électro-ménager ; découpage de tôles pour l'automobile.
Touché par la restructuration de la branche " biens de consommation ", il a licencié 100 personnes depuis 1 an sur 400 ouvriers de production.

   WEIL : usine de confection prêt à porter, employant 1 500 ouvriers (dont beaucoup de femmes et de jeunes) répartis en 3 usines. Des patrons de choc militants UDR (les frères Weil : " quand il y en a un devant, il y en a toujours un autre qui vient derrière toi " disent les ouvriers). Salaire au rendement, cadences... " c'est l'usine la plus dure de Besançon ".


   la fête des mères

   masquer en un jour l'esclavage de la femme

 

    " La fête des mères ce jour-là c'est un plaisir pour moi, même sans avoir de cadeau. Mais je l'attend parce que je vois que les enfants sont heureux de préparer un petit dessin, un simple petit dessin ; ce jour-là, ils font un peu plus, ils font le ménage, ou me disent " ne te lève pas de table, je vais servir". C'est Christiane qui parle, mère de 4 enfants, locataire d'un HLM de la banlieue parisienne. Les enfants, que j'ai interrogés, assis sur les marches d'escalier de la cité Balzac, me disent que " la fête des mères, c'est bien, parce que ça fait plaisir aux mères. C'est leur seule fête ; c'est un moyen de les remercier, car c'est elles qui nous mettent au monde et qui nous élèvent. Mais on devrait faire encore plus, leur acheter de temps en temps quelque chose, ou même les aider plus souvent. "

     Ces déclarations sont révélatrices. Le jour de la fête des mères apparaît dans beaucoup de familles du peuple l'aspiration à une famille différente, sans oppositions graves, sans tensions, sans colère où /es enfants sont heureux ; ce Jour-là, ces derniers remercient leur mère de ce que, disponible jour et nuit, elle passe souvent sa vie à se dévouer entièrement à eux ; ce jour-là, c'est avec leur argent et leur talent, signe de leur indépendance, et de leur personnalité, qu'ils font un cadeau à leur mère.

     Mais la fête des mères ce n'est pas seulement cela : c'est aussi une gigantesque entreprise idéologique doublée d'une entreprise commerciale de la classe capitaliste. Si elle a été instauré (par Pétain le premier) c'est pour essayer de redonner un peu de vigueur à la conception bourgeoise de fa famille. C'est pour tenter de masquer en un jour de fête l'esclavage de la femme de toute une année.

     Si c'est reconnaître d'une certaine façon la double journée de travail de la femme, reconnaître que sa vie à la maison est morne et épuisante, enfermée entre 4 murs, c'est aussi l'enfermer dans ce rôle et lui dire : c'est ainsi que l'on vous aime, restez-y.

     C'est aussi perpétuer l'idée qu'avec seulement un peu de bonne volonté, la famille pourrait devenir un havre de paix. Mais si dans les familles du peuple on en vient par exemple à se disputer, n'est-ce-pas parce que la vie est intenable, justement à cause du capitalisme qui nous fait croire, que la vraie vie, c'est en dehors du travail, et qui en même temps rend cette vie impossible parce que la fatigue est trop grande. L'ouvrier et l'ouvrière qui font les 3/8, quand peuvent-ils voir leurs enfants ? Les éduquer ? Comment peuvent-ils se reposer ? Comment peuvent-ils ne pas s'inquiéter pour leurs enfants avec la crise, avec le chômage, avec la crise morale et idéologique de notre société ?
     Bien loin de vouloir s'enfermer d'ans le rôle de mère de famille, toutes les femmes au foyer que j'ai interrogées m'ont parlé de leur désir de travailler à l'extérieur, malgré l'exploitation, pour avoir une vie qui leur soit propre.
" J'ai 5 enfants, mais je ne suis pour la femme au foyer. Je ne vais pas passer toute ma vie dans la maison. J'en ai assez ; j'étais vendeuse, j'étais bien, je vivais, j'avais des copines on avait une vie moins sauvage. "

     Mais aujourd'hui le chômage augmente et bien évidemment le chômage des femmes (plus de la moitié des chômeurs recensés sont des femmes). C'est pour les faire rentrer en douceur dans leurs foyers que la bourgeoisie recommence à faire grand tapage sur la nécessité de la femme au foyer. Et Lecanuet relance l'idée d'un salaire pour la mère de famille. C'est seulement dans une France socialiste que la mère, participant pleinement a la construction du pays, libérée progressivement des tâches ménagères et du souci matériel des enfant pourra commencer à jouer, avec le père, son véritable rôle d'éducatrice de la jeune génération.
     Rappelons nous par exemple ce que disait VITO KAPO une responsable de l'Union des femmes d'Albanie au 7ème Congrès de cette organisation.
" La famille exerce une fonction éducative distincte de l'éducation qui est reçue en dehors d'elle. En tant que collectivité mineure de la société socialiste, la famille s'est transformée, en un foyer qui prépare des citoyens égaux et jouissant de leur pleine personnalité, de véritables combattants du socialisme et du communisme. Ainsi le rôle de la femme en tant que mère de famille est considérable et déterminant pour l'éducation de la jeune génération. Il est indispensable de bien faire comprendre à tous et aux femmes en particulier que l'émancipation de la femme est un des facteurs primordiaux pour que la famille puisse s'acquitter au mieux de cette importante fonction éducative. C'est seulement dans Ies familles où le niveau d'émancipation de femme est élevé, où existent l'égalité, le respect mutuel, la culture et l'harmonie que les parents peuvent accomplir leurs devoirs envers leurs enfants tant sous l'aspect idéologique, politique et social que sous l'aspect pédagogique et psychologique ".

     Combattre l'exploitation éhontée que la bourgeoisie fait de la fête des mères, préparer la fin de l'oppression des femmes du peuple par le capitalisme, c'est se joindre dès aujourd'hui aux combats de la classe ouvrière, à la lutte pour l'instauration du pouvoir des ouvriers et des paysans.

La fête des mères :
 
une fête
commerciale

     Les capitalistes tentent avec impudence de faire de la fête des mères, une fête du profit. La publicité s'étale sur tous les murs, à longueur d'antenne à la radio. Tout est bon pour pousser les enfants à investir leurs économies ce jour là, à pousser leurs parents à leur fournir les dépenses nécessaires pour " fêter " cette fête des mères. Même les écoles participent activement à cette fête du profit, encouragent les enfants à ces dépenses, allant même jusqu'à les organiser collectivement comme témoigne cette mère de famille, qui nous disait : " Les enfants vont me faire un cadeau à l'école... mais il faut verser l'argent ! Ce qu'ils vont m'offrir m'est revenu à 3.000 francs, rien que pour la fourniture des matériaux. Cela je ne l'admets pas !

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