L'Humanité Rouge n°192 -jeudi 21 juin 1973- page 7-

 

Une responsabilité des dirigeants du P " C "F
La remontée du Parti Socialiste
 

    Alors qu'à la veille de son Congrès de Grenoble, le Parti Socialiste offre un visage rayonnant et baigne dans l'optimisme voire dans l'euphorie, l'" Union de la Gauche " et le P." C. "F. lui-même connaissent quelques difficultés. Les " attaques " succèdent aux " calomnies ", les " mises en demeure " aux " dénonciations ". Les dirigeants révisionnistes du P.C.F. s'étonnent (un peu tardivement !) que les socialistes s'allient aux centristes dans certaines municipalités, ils insistent lourdement sur le passé de collaboration de classes du P.S. et " découvrent " que Mitterrand veut faire de son parti le premier de France, prétention jugée antiunitaire et intolérable.

    D'autant plus intolérable qu'elle est loin d'être irréaliste. Le Parti Socialiste, s'il est bien toujours le même parti bourgeois social-démocrate, préparé à gérer les affaires du capitalisme, comme nous l'avons maintes fois rappelé dans nos colonnes, ce Parti Socialiste connaît un essor vigoureux : c'est là un facteur politique nouveau et important dans notre pays.
    Le Parti de Mitterand compte maintenant plus de 100 000 adhérents et. lors des dernières élections, il a approché de 120 000 voix seulement le score du P.C.F., résultat sans commune mesure avec les 5 % de Defferre en 1969. De nouvelles sections s'implantent un peu partout, y compris parfois dans la classe ouvrière, même si elles recrutent principalement dans la petite et moyenne bourgeoisie.
De nombreux ex-adhérents du P.S.U. se retrouvent maintenant au P.S.. et on parle même d'un ralliement du P.S.U. - un retour à la source en quelque sorte.
    Le dernier Congrès de la C.F.D.T., par ailleurs, marque l'engagement plus ou moins clair de Maire et de certains autres dirigeants de cette centrale dans le sillage du Parti Socialiste : la majorité des délégués à ce Congrès déclaraient avoir voté socialiste en mars dernier, et près de la moitié de ceux qui sont inscrits à un parti le sont au P.S. Ce renforcement de l'aile social-démocrate de l'" Union de la Gauche " n'ira sans doute pas sans créer des contradictions au sein de la C.F.D.T. En tous les cas, Maire s'est proposé comme leader de ce qu'il appelle lui-même " le courant autogestionnaire au sein de la gauche " (courant qui vient de recevoir un précieux renfort en la personne... de Maurice Faure !).
    Enfin, les socialistes, renforçant leurs traditions de démagogie et de mystification, redécouvrent le " langage marxiste ", n'hésitent pas à tenir des propos " anticapitalistes ", tentent de prendre une part " active " à certaines luttes et s'emparent des idées à la mode sur l'autogestion et le " contrôle ouvrier " pour masquer leur programme capitaliste et leur pratique de collaboration de classe.
    Tous ces faits, au demeurant fort prévisibles, ne cessent pas d'inquiéter les dirigeants révisionnistes. Et pourtant, ce sont bien eux les principaux responsables du nouvel essor du parti social-démocrate !
 
    Comme nous l'avons expliqué lors des élections, la condition principale qui a permis l'alliance contre-révolutionnaire P.C.F.-P.S.. c'est la dégénérescence révisionniste du P.C.F., et non le prétendu abandon de la part du P.S. de sa politique de collaboration de classe, comme le soutiennent les dirigeants révisionnistes. En rejetant les principes révolutionnaires marxistes-léninistes, en prêchant la voie pacifique et parlementaire de passage au socialisme, en propageant le respect de la légalité bourgeoise, en subordonnant l'instauration du socialisme à la réalisation d'une prétendue " démocratie économique et politique " au contenu capitaliste, les dirigeants révisionnistes glissaient sur les positions traditionnelles de la social-démocratie et rendaient possible la collaboration active avec ce courant bourgeois. Il n'y a pas de différence de nature entre social-démocratie et révisionnisme moderne, et la tendance entre eux, c'est la collaboration et même la fusion.
    Quand le P." C. "F., qui était encore sur des positions révolutionnaires, traçait une ligne de démarcation avec la social-démocratie en la combattant vigoureusement, le courant social-démocrate représenté par la S.F.I.O. s'affaiblissait. Une fois cette lutte abandonnée et la ligne de démarcation effacée, la sociale-démocratie n'a cessé de se renforcer, depuis la percée de Mitterrand aux présidentielles de 1965 jusqu'à l'essor du P.S.
    Bref, préparée et favorisée par la dégénérescence révisionniste du PCF, l'alliance P.C.F.-P.S. a redonné vie au vieux parti social-démocrate mal en point. Certes, il y a bien d'autres causes à la renaissance de ce parti et de ce courant, telles que le jeu propre de la bourgeoisie, le passage dans l'opposition d'importantes fractions de la petite bourgeoisie qui supportent mal le renforcement du capitalisme monopoliste d'Etat... Mais la cause principale reste l'apparition du révisionnisme moderne : c'est lui qui propage dans les rangs de la classe ouvrière une idéologie de même essence que l'idéologie social-démocrate, c'est lui qui rejette vers le " courant autogestionnaire " de nombreux travailleurs dégoûtés par les pratiques révisionnistes et par la réalité du " socialisme " en U.R.S.S., etc.
    Les dirigeants révisionnistes l'avaient d'ailleurs dit eux-mêmes très clairement : si le Parti socialiste s'allie avec nous, il se renforcera. Or aujourd'hui, Marchais et consorts s'en alarment ! Par deux fois en deux mois, le Comité central révisionniste s'est réuni pour discuter, entre autres, de cette question. Qu'est-ce qui préoccupe donc tant les dirigeants révisionnistes ?
    Leur objectif, c'est de participer à un gouvernement d'Union de la Gauche, et d'y occuper " la place qu'il leur revient ", c'est de gérer les affaires publiques en collaboration avec les sociaux-démocrates, sur la base du programme commun dont nous avons dénoncé ici le contenu capitaliste.
    Mais si Mitterrand se passait d'eux ? s'il n'était pas " loyal " en dépit de la signature " historique " d'un contrat de gouvernement avec le P." C. "F. ? La tension devient d'autant plus grande qu'on murmure, ici ou là, que les prochaines élections présidentielles pourraient être fort proches, en raison de l'état de santé de Pompidou. Mitterrand sera-t-il candidat unique de la gauche dès le premier tour, cherchera-t-il l'appui des " centristes " et autres " réformateurs " pour ne faire du P"C"F et de ses électeurs qu'une force d'appoint lui permettant d'accéder à la présidence? Voilà qui crée quelque inquiétude aux dirigeants révisionnistes et qui explique la polémique qu'ils mènent autour de deux points : d'abord ils exigent du P.S. qu'il récuse les alliances contractées dans certaines municipalités avec les centristes. Bien entendu, on imagine mal un Defferre se plier à une telle demande ! Ensuite, un petit changement de mot a jeté le trouble dans les rangs révisionnistes : les socialistes ont remplacé le terme " programme commun de gouvernement " par " programme de lutte ". A la veille, selon toute probabilité, d'élections présidentielles, ce n'est pas pour plaire aux dirigeants révisionnistes, qui se voient déjà écartés d'un futur gouvernement " de gauche ".
    Toutefois, l'inquiétude des dirigeants révisionnistes a un autre motif, peut-être plus important, et qui tient à la situation créée au sein même de leur parti après l'échec électoral accompagné du renouveau socialiste. Nombre de militants du P.C.F. ont le sentiment d'avoir travaillé non à abattre le capitalisme et le gouvernement réactionnaire, mais à renflouer le vieux navire social-démocrate. Or ces militants ne semblent pas disposés à cueillir les fruits amers de la collaboration avec Mitterrand. Ces travailleurs ont fait l'expérience négative de la voie électoraliste et de ses contraintes, telle l'alliance avec les socialistes et les radicaux. C'est pourquoi, plus que jamais, nous devons continuer à expliquer encore, l'impasse de cette voie.
    Dans " France nouvelle " des 12-18 juin, Roland Leroy déclare : " Les progrès de l'unité ne peuvent être obtenus que par des reculs de l'idéologie sociale-démocrate. " Mais il faudra qu'il nous explique comment y parvenir sans faire reculer du même coup le parti social-démocrate, donc sans briser l'alliance qui est le fondement de la politique du P"C"F. En vérité, les nouveaux sociaux-démocrates, les Leroy, Marchais et Cie, ne peuvent " obtenir des reculs de l'idéologie social-démocrate " qu'ils contribuent eux-mêmes à colporter et à implanter dans la classe ouvrière !
    Seuls les marxistes-léninistes peuvent conduire cette bataille, en portant les coups les plus durs contre les principaux responsables du renouveau social-démocrate, les dirigeants révisionnistes, en arrachant la classe ouvrière et les masses travailleuses à l'influence paralysante du révisionnisme moderne, qui reste l'obstacle principal empêchant des milliers et des millions de travailleurs de s'engager dans la lutte révolutionnaire directe contre le régime capitaliste.

 

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