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le Kampuchea démocratique (Cambodge) (1) Pour la première fois depuis la libération de Phnom Penh, en avril 1975, une délégation de Français, dirigée par Jacques Jurquet, secrétaire du Parti communiste marxiste-léniniste et directeur politique de L'Humanité rouge, s'est rendue en visite au Cambodge, à l'invitation du Comité central du Parti communiste du Kampuchea. Elle y a séjourné huit jours, du 9 au 16 septembre. Elle a eu de longs et riches entretiens avec Ieng Sary, membre du comité permanent du Comité central et par ailleurs ministre des Affaires étrangères, et avec Pol Pot, secrétaire du PCK et premier ministre. Nous commençons ci-dessous le reportage de ce passionnant voyage. II faut cinq heures d'avion
pour se rendre de Pékin à Phnom Penh, cinq
heures pendant lesquelles nous sommes souvent restés
le nez collé au hublot pour tenter d'apercevoir les
toutes premières images du Kampuchea. Mais l'avion perd de la hauteur, ça
et là apparaissent des villages isolés sur un
petit promontoire, cernés par l'eau, le toit
compliqué d'une pagode. La végétation
se fait plus précise, luxuriante, dominée par
la haute silhouette en éventail si
caractéristique des palmiers à sucre. UNE NATURE D'UNE FOLLE GÉNÉROSITÉ Des impressions, des émotions, ne manqueront pas de nous frapper tout au long de la durée de ce bref mais si dense séjour. Et d'abord, le contraste saisissant entre l'extrême richesse potentielle de ce petit pays et la pauvreté de son économie. La nature au Kampuchea est d'une folle générosité : l'eau et la terre abondent, les eaux sont les plus poissonneuses du monde, la végétation magnifique et exubérante. Les fruits et les légumes se multiplient : bananes, mangues, mangoustans, papayes, durions, Jacques, rivalisent avec les rizières verdoyantes, les champs de manioc, les énormes courges, les champs de coton et les immenses forêts de bois précieux. LES MARQUES DE LA GUERRE Mais l'économie du
pays a été ravagée par la guerre, des
villes et des villages ont été rayés de
la carte, les rares usines détruites, les voies de
communication hachées par les bombes, les champs
creusés de profonds cratères en gardent encore
la cicatrice malgré la végétation
tropicale qui a vite fait de recouvrir les ruines. Sur de
longues files se dresse le spectacle des cocotiers et des
palmiers à sucre décapités dont les
troncs gardent encore la marque des balles et l'impact des
éclats d'obus. UN PEUPLE QUI TRAVAILLE DUR II ne faut pas le nier le peuple cambodgien travaille très dur, tôt levé et tard couché. Les unités de production tournent jour et nuit avec des équipes fonctionnant en 3 X 8. Il n'y a qu'un jour de congé tous les dix jours. Même les jeunes enfants prêtent d'une manière ou d'une autre, dans la mesure de leurs possibilités et de leurs études, la main à la pâte. Mais, depuis sa libération c'est pour lui qu'il travaille, c'est à lui et à personne d'autre, que reviennent les fruits de son labeur et les richesses qu'il crée de ses mains. Déjà il mange à sa faim, il est vêtu de neuf, il commence à abandonner ses paillettes couvertes de tuiles. Il bénéficie de soins médicaux et le paludisme, ce fléau du pays, a déjà presque totalement disparu. Il accède à l'instruction. Il est désormais vraiment maître chez lui. DE NOUVEAU UNE GRAVE MENACE Mais à nouveau, une grave menace pèse sur cette indépendance si chèrement payée. Les Américains mis à la porte voilà qu'à son tour le Vietnam prétend faire main basse sur le pays. Sur place, on comprend mieux les raisons profondes de ce conflit. On comprend mieux que la situation au Kampuchea, pays riche potentiellement mais qui manque de bras pour le mettre en valeur, ne peut faire de lui un agresseur dans ce conflit. Il a déjà tout à faire pour panser les blessures d'une guerre aussi cruelle, pour édifier une économie sortie ruinée de la guerre. En même temps, ce peuple calme et modeste sait prouver de mille manières son attachement inflexible à son identité et à son indépendance. Tôt ou tard, tout agresseur le comprendra à ses dépens : le peuple du Kampuchea n'a pas une âme d'esclave. Il se battra jusqu'au bout pour défendre son indépendance et sa souveraineté, et il vaincra car sa cause est juste. Nous en sommes revenus avec l'intime conviction. Annie
BRUNEL
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