POUR LE SOCIALISME 59 -du 18 février au 3 mars 1982-
Organe central du PCR -page 8-

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Pour Le Socialisme n°59
-du 18 février au 3 mars 1982-
 
Tribune de discussion du 4e congrès du PCR

A propos du bouleversement idéologique du milieu des années 70
 
      Vers le milieu des années 70, on assiste à tout un bouleversement idéologique, dont quelques aspects sont décrits dans le bilan, et sur les lesquels il ne me semble pas utile de revenir.
     
      Quelle va être la position du PCR face à cette " crise de la subjectivité révolutionnaire " ?
Il est dit dans le bilan que le PCR adopte une position " défensive " ( " Défense et maintien des valeurs révolutionnaires " ), qui " ne peut tenir lieu de réponse aux mises en cause du marxisme ". Ce n'est pas non plus là-dessus qu'il me semble utile de revenir. C'est par contre l'explication de cette attitude qui me semble insuffisante. A ce propos, le bilan mentionne : " On peut penser que dans cette période le Parti a eu tendance à sous estimer l'ampleur des questions idéologiques qui se trouvaient posées et qui appelaient un dépassement des réponses alors formulées, un renouvellement de la doctrine ".
 
      Le fait que le PCR ne se soit pas engagé franchement et publiquement dans le débat idéologique va bien au-delà de l'appréciation sur l'ampleur des questions soulevées.
 
      Prenons l'exemple de la campagne qui se développe à cette époque-là autour de la remise en cause du marxisme, de l'assimilation du socialisme au fascisme d'une part; et d'autre part, les questions que suscitent les goulags des pays de l'Est, et, entre autres, la question du stalinisme. André Glucksmann intervient en publiant plusieurs ouvrages, qui ont un certain impact.
 
      Comment le PCR intervient-il, lui, par rapport à ces idées qui font boule de neige ?
          - Glucksmann fait l'objet de quelques lignes virulentes dans le Quotidien du Peuple (ce n'est pas la virulence, bien sûr, qui est contestée, mais les quelques lignes !).
          - La Cuisinière et le Mangeur d'hommes (ouvrage-clef de Glucksmann) fait l'objet d'un article détaillé dans Front Rouge de décembre 1977, revue à diffusion oh combien restreinte !
          - Le PCR apporte une réponse politique, fruit d'une réflexion importante, avec le Manifeste pour le Socialisme.
Ce Manifeste, qui représente un effort non négligeable, à mon avis, est diffusé à la base, par les militants, en fonction de leur implantation et de l'importance de leur intervention.
 
      Le PCR peut-il prétendre avoir touché réellement la frange de gens qui n'était pas insensible aux arguments d'un Glucksmann ? Sur quel terrain s'est-il placé pour apporter ses réponses et ses propositions ?
 
      Sur son propre terrain, en restant dans son coin, sans aucun doute ! Et cette conception frileuse de l'intervention dans le champ idéologique est à rattacher à la façon dont est envisagé le développement du Parti, c'est-à-dire l'accumulation des forces Elle pourrait se résumer dans la formule de la tache d'huile : les militants, par leurs interventions dans les entreprises, dans les quartiers, convainquent individuellement des gens qui tôt ou tard, doivent rejoindre les rangs du Parti, et c'est ainsi qu'il grossit.
 
      Ainsi, en privilégiant cet aspect-là on tourne le dos aux médias, qui sont pourtant l'instrument qu'utilisent ceux qui sont à l'initiative de cette campagne pour faire circuler leurs idées (l'édition en particulier et la publication d'articles dans les grands journaux).
 
      Ce choix, cette attitude place le PCR en décalage par rapport aux interrogations qui naissent, avec toutes les conséquences que cela peut avoir quant à son impact, et à sa crédibilité. Cette situation marginale par rapport aux médias dans laquelle s'est tenu le PCR soulève des questions sur lesquelles il serait important de réfléchir pour intervenir efficacement dans le champ idéologique.
      1) Quel est le rôle des intellectuels dans la diffusion des idées qui, à un moment donné, correspondent aux préoccupation d'un groupe social ?
      2) Quel est, à ce moment-là, le rapport entre les intellectuels et
            a) les gens qui ont ce type d'interrogation ;
            b) ceux qui n'y seront sensibilisés que plus tard ?
      Toujours dans le même ordre d'idées, quel est le rôle des médias dans la propagation des idées en France, et dans leur infiltration du tissu social ? De la réponse que l'on fournit à ces questions dépendent des interventions tout à fait différentes.
      - soit l'on reste dans son coin et on continue à faire confiance à la " tache d'huile ".
      - Soit on engage une réflexion sérieuse sur le moyen matériel d'intervenir dans les médias, mais aussi sur une réelle politique de recherche théorique. Et dans ce cas. il ne faudrait pas hésiter à faire un appel dans les rangs du PCR lui-même, mais aussi à l'extérieur. Il ne faudrait pas hésiter non plus, l'enjeu en vaut la peine, à prêter attention aux travaux qui sont faits dans tous les domaines et qui font avancer la connaissance (histoire, sociologie,
sciences, etc.)
 
      Enfin, cela impliquerait également deux choses.
 
      La première serait de ne plus cacher le débat, pour l'extérieur, sur des questions brûlantes, débat qui existe dans les rangs du PCR. Et pour cela, il faudrait consentir à se départir de cette méfiance paralysante envers une position non encore élaborée. Pourquoi ne pas montrer publiquement que dans le PCR on débat ? Et le montrer, cela veut dire que l'on sait que l'on peut être amené à modifier des analyses, toujours publiquement, cela s'entend.
 
      La deuxième serait de sortir de cette conception étroite du centralisme démocratique qui consiste à se contenter de " centraliser et concentrer les idées justes des masses ". Là aussi un certain nombre de questions méritent d'être posées.
 
      Comment peut-on isoler les aspirations des gens, si justes soient-elles, du contexte politique et idéologique dans lesquelles elles se trouvent ? Quelle valeur opératoire cela peut-il avoir, de ne concentrer que ces idées sans, par ailleurs, porter une appréciation d'ensemble sur la situation politique et le champ idéologique dans lesquels elles se développent ?
 
      L'article 15 des statuts est un bel exemple de cette conception, ainsi que le 7 octobre 1976 où la " centralisation des idées justes " avait pourtant bien fonctionné. Ce jour-là, la surestimation de la situation n'est-elle pas explicable non seulement par le fait que n'ont été pris en compte que les points de vue d'une frange avancée de gens, mais aussi que ces points de vue ont été isolés de tout le contexte politique, comme si la réalité était si simple que l'on puisse se contenter d'en ponctionner les " idées justes " ?
 

 Martine J.
(cellule Aubervilliers-
Saint-Denis) 

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