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            11 novembre 1918 : la guerre
            était terminée...
            
             
            
            l  Novembre 1918 :
            l'armistice entre l'impérialisme français
            et allemand est signé à Rethondes. Quand la
            nouvelle tombe, c'est le soulagement : la grande
            boucherie se terminait, enfin.
            
             
            
                    Depuis septembre 1918,
            les généraux allemands s'évertuaient
            à accélérer les négociations
            de la reddition : il leur fallait a tout prix gagner du
            temps pour sauver l'armée allemande de la
            déroute totale, trouver une paix encore honorable
            pour l'impérialisme allemand. En Allemagne
            même, le Kaiser venait d'abdiquer et fuir en
            Hollande, chassé par la montée du mouvement
            révolutionnaire.
            
                    En France, Clemenceau
            préparait ses plans de paix pour "faire payer
            l'Allemagne". Le peuple, lui, comptait ses morts.
            Pour lui, l'armistice c'était la fin de la tuerie,
            la fin des privations bien plus que le sentiment de la
            victoire. Victoire ? Peut être mais à quel
            prix ? Et pour qui ? 
            
            4 millions de victimes sur le
            front
            
             
            
                    Verdun, Craonne, le
            Chemin des Dames et d'autres autant de noms qui
            désormais allaient prendre les résonances
            sinistres des tueries tristement célèbres
            de l'Histoire.
            
                    En août 14, ils
            pensaient tous en avoir pour 3 mois, 6 mois au plus.
            L'invasion éclair du Nord et de l'Est du pays,
            l'approche aux portes de Paris des armées de
            Moltke et Von Kluck, le départ
            précipité du gouvernement pour Bordeaux
            avaient montré les faiblesses de la défense
            de l'impérialisme français. La bataille de
            la Marne en septembre 1914 avait évité le
            désastre mais en novembre 1914, la ligne du front
            commençait à se stabiliser de l'Oise
            à Ypres. En 5 mois, plus d'un million et demi de
            soldats français et allemands étaient
            déjà tombés. L'enfer des
            tranchées allait commencer.
            
                    Les
            généraux Joffre puis Nivelle,
            méprisant le sous-équipement
            matériel patent de l'armée française
            allaient engager les hommes dans des
            opérations-massacres : jurant, à chaque
            engagement, que celui-ci serait le bon, que le front
            ennemi serait cette fois-ci percé, que
            l'adversaire serait mis en déroute. Aux enfers de
            la Somme et de Verdun en 1916, succédaient ceux du
            Chemin des Dames en avril 1917.      
             
            
            La révolte alors éclate, brutale, dans
            les régiments les plus touchés.
            
                    Le 4 mai 1917, une
            compagnie à Laffaux refuse d'aller se faire tuer
            pour 5 sous par jour. En deux mois, le mouvement des
            mutins fait tâche d'huile pour s'arrêter fin
            juin. Pétain a remplacé Nivelle. Il a fait
            donner le tribunal militaire, il a en même temps
            tiré un habile parti des revendications des
            soldats : des directives améliorent les conditions
            de vie sur le front, dispersent les régiments
            mutins, les permissions deviennent plus
            fréquentes, le système de rotation entre
            les soldats du front et ceux parqués à
            l'arrière dans les camps de repos, s'organise.
            
                    En 1918, plus de trois
            ans après le déclenchement de la guerre,
            l'armée dispose alors qu'un équipement
            matériel suffisant. C'est le prix de l'effort de
            guerre gigantesque exigé des ouvriers de
            l'intérieur, c'est aussi l'effet de l'aide
            matérielle des États-Unis, entrés en
            guerre en 1917 aux côtés des alliés.
            Foch et Pétain ont dû aussi tirer des
            leçons des tactiques désastreuses de leurs
            prédécesseurs Joffre et Nivelle, leurs
            alliés arrivent à se donner un commandement
            unifié. En août 1918, ils passent à
            l'offensive, contraignant l'armée allemande
            à la retraite.
            
            
            
            
               
                  | 
                        LA REPRESSION DE PETAINLes mutineries
                        de 1917
                        
                          l    17
                        avril à Auberive : Une vingtaine de
                        soldats abandonnent leur poste au moment de
                        partir  à l'assaut.
                        
                          l    20
                        avril : 200 soldats se dispersent au moment
                        de monter en ligne.
                        
                          l   
                        Fin mai, début juin : Le nombre de
                        refus collectifs augmente. En tout, 250 cas
                        de refus collectifs,  121 régiments
                        touchés. Parmi les mouvements les 
                        plus importants :
                        
                        -Villiers en Tardenois et Chambrecy :
                        pendant trois jours, 2 000 soldats
                        manifestent avec le drapeau rouge : "On tire
                        sur les femmes en grève à Paris
                        ! ". Menace de mort contre le
                        général Bulot "Assassin, buveur
                        de sang !".
                        
                        - Mouvements dans 130 gares : "A bas la
                        guerre ! ". "Vive la paix ! ". "Vive la
                        Révolution !".
                        
                          l   
                        26, 27 juin à  la  85e  DI : marche
                        sur Soissons, attaques d'officiers et de
                        convois militaires.
                      
                               -629 condamnations à mort
                        
                               -75 exécutions 
                        
                              -2 873 condamnations dont 1 881
                        à des peines de prison
                        supérieures à 5 ans.
                        
                         
                      |  L'ENFER DES
            TRANCHÉES
            
            LA MORT, CHAQUE JOUR
            
             
            
                    (...) On va au milieu de
            la tempête d'eau et de vent. Il semble qu'on
            descende, qu'on descende, dans un trou. On glisse, on
            tombe et on bute contre la paroi, on se rejette debout.
            Notre marche est une espèce de longue chute
            où l'on se retient comme on peut et où on
            peut. Il s'agit de trébucher devant soi et le plus
            droit possible.
            
             
            
                    Où sommes-nous ?
            Je lève la tète, malgré les vagues
            de pluie, hors de ce gouffre où nous nous
            débattons. Sur le fond à peine distinct du
            ciel couvert, je découvre le rebord de la
            tranchée, et voici d'un coup apparaître
            à mes yeux, dominant ce bord, une espèce de
            poterne sinistre faite de deux poteaux noirs
            penchés l'un sur l'autre, au milieu desquels pend
            comme une chevelure arrachée, C'est le portique.
            
                         - En
            avant ! En avant !
            
                         Je
            baisse la tête et je ne vois plus rien ; mais
            j'entends à nouveau les semelles entrer dans la
            vase et en sortir, le cliquetis des fourreaux de
            baïonnettes, les exclamations sourdes et le
            halètement précipité des poitrines.
            
             
            
                      
            
                    Encore une fois, remous
            violent. On stoppe brusquement et comme tout à
            l'heure je suis jeté sur Poterloo et m'appuie sur
            son dos, son dos fort, solide comme une colonne d'arbre,
            comme la santé et l'espoir. Il me crie :
            
                       
             -Courage, vieux, on arrive !
            
                        On
            s'immobilise. Il faut reculer... Nom de Dieu !... Non, on
            avance à nouveau !
            
             
            
                    Tout à coup, une
            explosion formidable tombe sur nous. Je tremble jusqu'au
            crâne, une résonance métallique
            m'emplit la tête, une odeur brûlante de
            soufre me pénètre les narines et me
            suffoque. La terre s'est ouverte devant moi. Je me sens
            soulevé et jeté de côté,
            plié, étouffé et aveuglé
            à demi dans cet éclair de tonnerre... Je me
            souviens bien pourtant : pendant cette seconde où,
            instinctivement, je cherchais, éperdu, hagard, mon
            frère d'armes, j'ai vu son corps monter, debout,
            noir, les deux bras étendus de toute leur
            envergure, et une flamme à la place de la
            tête !
            
             
            
            L'ATTAQUE D'UNE TRANCHÉE
            
             
            
                    (...) Poussés
            comme par le vent, on monte et on descend, au gré
            des vallonnements et des monceaux terreux, dans cette
            brèche démesurée du sol qui fut
            souillé, noirci, cautérisé par les
            flammes acharnées. La glèbe colle aux
            pieds. On s'en arrache avec rage. Les équipements,
            les étoffes qui tapissent le sol mou, le linge qui
            s'y est répandu hors des musettes
            éventrées, empêchent qu'on ne
            s'embourbe et on a soin de jeter le pied sur ces
            dépouilles quand on saute dans les trous ou qu'on
            escalade les monticules.
            
            Derrière nous, des voix nous poussent :
            
                    - En avant, les gars, en
            avant ! Nom de Dieu !
            
                    - Tout le régiment
            est derrière nous ! crie-t-on.
            
            On ne se retourne pas pour voir, mais cette assurance
            électrise encore notre ruée.
            
            Il n'y a plus de casquettes visibles derrière
            les talus de la tranchée dont on approche. Des
            cadavres d'Allemands s'égrènent devant -
            entassés comme des points ou étendus comme
            des lignes. On arrive. Le talus se précise avec
            ses formes sournoises, ses détails : les
            créneaux... On en est prodigieusement,
            incroyablement près...
            
            Quelque chose tombe devant nous. C'est une grenade.
            D'un coup de pied. le caporal Bertrand la renvoie si bien
            qu'elle saute en avant et va éclater juste dans la
            tranchée.
            
             
            
              C'est sur ce coup heureux que l'escouade aborde le
            fossé.
            
            Pépin s'est précipité à
            plat ventre. Il évolue autour d'un cadavre. Il
            atteint le bord, il s'y enfonce. C'est lui qui est
            entré le premier. Fouillade, qui fait de grands
            gestes et crie, bondit dans le creux presque au moment
            où Pépin s'y coule... J'entrevois - le
            temps d'un éclair - toute une rangée de
            démons noirs, se baissant et s'accroupissant pour
            descendre, sur le faîte du talus, au bord du
            piège noir.
            
            Une salve terrible nous éclate à la
            figure, à bout portant, jetant devant nous une
            subite rampe de flammes tout le long de la bordure.
            Après un coup d'étourdissement, on se
            secoue et on rit aux éclats, diaboliquement : la
            décharge a passé trop haut. Et
            aussitôt, avec des exclamations et des rugissements
            de délivrance, nous glissons, nous roulons, nous
            tombons vivants dans le ventre de la tranchée !
            (...)
            
            Et ici, la tranchée est toute
            foudroyée. Avec ses murs blancs
            écroulés, elle semble en cet endroit
            l'empreinte vaseuse, amollie, d'un fleuve anéanti
            dans ses berges pierreuses avec, par places, le trou plat
            et arrondi d'un étang tari aussi ; et au bord, sur
            le talus et sur le fond, traîne un long glacier de
            cadavres - et tout cela s'emplit et déborde des
            flots nouveaux de notre troupe déferlante. Dans la
            fumée vomie par les abris et l'air
            ébranlé par les explosions souterraines, je
            parviens sur une masse compacte d'hommes accrochés
            les uns aux autres qui tournaient dans un cirque
            élargi. Au moment où nous arrivons, la
            masse toute entière s'effondre, ce reste de
            bataille agonise ; je vois Blaire s'en dégager, le
            casque pendant au cou par la jugulaire, la figure
            écorchée, et il pousse un hurlement
            sauvage. Je heurte un homme qui est cramponné
            là à l'entrée d'un abri.
            S'effaçant devant la trappe noire béante et
            traîtresse, il se retient de la main gauche au
            montant. De la droite, il balance pendant plusieurs
            secondes une grenade. Elle va éclater... Elle
            disparaît dans le trou. L'engin a explosé
            aussitôt arrivé, et un horrible écho
            humain lui a répondu dans les entrailles de la
            terre. L'homme saisit une autre grenade. (...)
            
             
            
            CHARNIERS A CIEL OUVERT
            
             
            
            (...) En bas, parmi la multitude des immobiles,
            voici, reconnaissables à leur usure et leur
            effacement, des zouaves, des tirailleurs et des
            légionnaires de l'attaque de mai. L'extrême
            bord de nos lignes se trouvait alors au bois de
            Berthonval, à cinq ou six kilomètres d'ici.
            Dans cet assaut, qui a été un des plus
            formidables de la guerre et de toutes les guerres, ils
            étaient parvenus d'un seul élan, en
            courant, jusqu'ici. Ils formaient alors un point trop
            avancé sur l'onde d'attaque et ils ont
            été pris de flanc par les mitrailleuses qui
            se trouvaient à droite et a gauche des lignes
            dépassées. Il y a des mois que la mort leur
            a crevé les yeux et dévoré les joues
            - mais même dans leurs restes
            disséminés, dispersés par les
            intempéries et déjà presque en
            cendres, on reconnaît les ravages des mitrailleuses
            qui les ont détruits, leur trouant le dos et les
            reins, les hachant en deux par le milieu. A
            côté de têtes noires et cireuses de
            momies égyptiennes, grumeleuses de larves et de
            débris d'insectes, où des blancheurs de
            dents pointent dans des creux ; à
            côté de pauvres moignons assombris qui
            pullulent là, comme un champ de racines
            dénudées, on découvre des
            crânes nettoyés, jaunes, coiffés de
            chéchias de drap rouge dont la housse grise
            s'effrite comme du papyrus. Des fémurs sortent
            d'amas de loques agglutinées par de la boue
            rougeâtre, ou bien, d'un trou d'étoffes
            effilochées et enduites d'une sorte de goudron,
            émerge un fragment de colonne vertébrale.
            Des côtes parsèment le sol comme de vieilles
            cages cassées et, auprès, surnagent des
            cuirs mâchurés, des quarts et des gamelles
            transpercés et aplatis. Autour d'un sac
            haché, posé sur des ossements et sur une
            touffe de morceaux de drap et d'équipements, des
            points blancs sont régulièrement
            semés : en se baissant, on voit que ce sont les
            phalanges de ce qui, là, fut un cadavre. (...)
            
            
               
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                        DEMAIN :
                        
                        A L'INTÉRIEUR :
                        GRÈVES OUVRIÈRES 
                        
                        ET PROFITEURS DE GUERRE
                        
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