LE QUOTIDIEN DU PEUPLE n°501 -jeudi 8 septembre 1977-

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La soif de pouvoir de Marchais

L'Humanité de mardi insiste particulièrement sur le refus opposé par les socialistes aux propositions du PCF concernant les mesures sociales. Mais l'éditorial ne se contente pas d'enfoncer le " clou du SMIC ", il conteste les prises de position des dirigeants socialistes à la suite de l'Huma spéciale de lundi.
Trois dirigeants important du PS, Mauroy, Estier, Hernu, ont fait connaître leur point de vue dans la journée de lundi : ces déclarations veulent donner le visage de l'apaisement, pour faire apparaître le PS comme étant le plus unitaire au sein de la gauche. En même temps, les dirigeants socialistes laissent entendre que le PCF souhaiterait aujourd'hui l'échec de la gauche aux prochaines législatives.
Pour accréditer cette idée, le PS peut s'appuyer sur les interrogations de certains travailleurs qui se demandent où veut en venir exactement le PCF, par l'intensité de sa polémique.
Un des raisonnements est le suivant : " Considérant qu'il parviendra au pouvoir dans une situation économique extrêmement dégradée, le PCF estime qu'il ne parviendra pas à redresser la barre et préfère rester dans l'opposition. " Ce raisonnement prend assurément les dirigeants du PCF pour bien plus naïfs qu'ils ne sont, car ceux-ci savent depuis longtemps ce que sera la situation économique lors d'un éventuel avènement de la gauche au pouvoir, et ils n'ignorent pas justement, comme le montre leur insistance sur le SMIC, que la baisse du pouvoir d'achat, le chômage sont ce qui favorisera l'existence d'une majorité possible pour la gauche.
De même, la nature du PS, la volonté de ce parti de se débarrasser du PCF dès qu'il le pourra, ne sont pas une découverte pour les chefs révisionnistes ; eux qui ont renfloué la social-démocratie en vue d'accéder au pouvoir par alliance avec elle, savaient dès le départ à quoi s'en tenir. Le raisonnement selon lequel le PC serait " surpris " aujourd'hui par la volonté hégémonique du PS, et qu'il renoncerait de fait à une victoire de gauche où il aurait la portion congrue, ne tient pas.
De plus, le PCF ne peut prendre aujourd'hui le risque de renoncer à l'union de la gauche ; lui qui, depuis une quinzaine d'années, a bâti toute sa politique sur cette union, le présentant aux travailleurs comme l'unique alternative à la situation actuelle, il ne pourrait être compris par sa base et son électorat. Surtout, l'objectif de Marchais reste le même et cet objectif ne peut commencer à se concrétiser que par l'accès de son parti au pouvoir, même pour cette période délimitée. Il veut que son parti profite du passage au gouvernement pour s'implanter solidement dans l'appareil d'Etat, gagner des postes au sein des entreprises nationalisées, des commissions de planification, au sein des appareils de la justice, la police, l'armée. Les dirigeants du PCF peuvent estimer qu'ils ne pourront pas -dans un premier temps- faire beaucoup plus. Les pions qu'ils auront placés, ils espèrent pouvoir les utiliser par exemple -dans un second temps- pour un retour en force.
Par la polémique actuelle, outre la tentative d'arracher au PS le maximum de concessions avant le sommet des partis signataires du programme commun, le PCF se place dans la perspective de l'après 78. Il essaye de se forger une image de défenseur des travailleurs, meilleure que le PS sur lequel il veut attirer le soupçon de vouloir s'opposer aux masses, si la gauche vient au pouvoir.
Mais cette polémique n'implique nullement que le PCF renonce à une victoire de la gauche. Au contraire, car jamais peut-être autant qu'aujourd'hui, il n'a eu la volonté de se hisser aux commandes de l'appareil d'Etat.

(François Marchadier)

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