LE QUOTIDIEN DU PEUPLE n°888 -mercredi 4 avril 1979-
- page 3 - rubrique : luttes ouvrières
 

 

Le 6 avril à Dunkerque pour une lutte sur l'ensemble du trust Usinor

      Des avant la marche sur Paris du 23 mars, les militants CFDT de Dunkerque, Longwy et Denain avaient mis au point un projet de marche sur Dunkerque des sidérurgistes des différentes unités de production du groupe Usinor. La date avait été fixée au 27 mars. Proposition faite aux intersyndicales dans les bassins, le projet était repris par l'ensemble des syndicats mais reporté au 6 avril ; pour deux raisons : 1 - la CGT voulait reprendre souffle après les efforts importants déployés par elle pour le 23. 2 - Le 6 avril, se tient la réunion dite "de synthèse", la dernière discussion entre Etchegaray, le PDG d'Usinor, et les syndicats. Ce jour-là devrait, en principe, être scellé le sort des travailleurs du groupe.
      En fait, il n'est rien ressorti de la suite de réunions usine par usine et, logiquement, il n'y a donc pas grand chose à synthétiser. Appuyé par le gouvernement, Etchegaray ne veut rien lâcher ; il ne veut pas revenir sur son plan, ni bien sûr, sur les milliers de licenciements qu'il a décidés. Il était donc judicieux de faire coïncider cette initiative sur Dunkerque et la réunion "de la dernière chance" comme l'ont déjà appelée des sidérurgistes d'Usinor.

UNE LUTTE COMMUNE DES SIDERURGISTES

      L'idée de départ pour le rassemblement à Dunkerque, c'est de s'attaquer à la production et de porter la lutte au niveau de l'ensemble du trust et, plus loin, de l'ensemble de la sidérurgie. C'est en effet, l'une des questions majeures qui se posent aujourd'hui pour les sidérurgistes. Pour marquer des points, pour continuer à construire le rapport de forces, pour faire reculer les capitalistes de l'acier et le gouvernement qui les appuie, il est maintenant indispensable de les attaquer là ou ça leur porte des coups, c'est-à-dire à la production. Bien sûr, toutes les actions qui peuvent être menées en dehors de l'entreprise sont positives. On a vu le rôle de mobilisation, de popularisation qu'elles jouent. Mais, le moment est venu de porter la lutte à un autre niveau, de s'en prendre à la production. C'est dans cet esprit que les militants cédétistes d'Usinor ont proposé le rassemblement de Dunkerque.
 
 
Samedi et dimanche derniers, immense succès des
journées portes-ouvertes à Usinor-Denain.
 
    Par ailleurs, il s'agit également de développer largement l'idée que TOUS les sidérurgistes sont touchés d'une manière ou d'une autre par la crise et les restructurations capitalistes. A Longwy et Denain, ils ferment, ils licencient, ils mutent, ils déclassent. A Dunkerque et à Fos, ils augmentent la charge de travail, ils font pression sur les salaires, ils dégradent les conditions de travail et de sécurité. Les mouvements de grève tous récents à Usinor-Dunkerque et à la Solmer de Fos pour l'augmentation des salaires et contre la répression indiquent cette situation et montrent la combativité qui existe dans ces usines. La question de la lutte commune de TOUS les sidérurgistes contre TOUS les aspects de la restructuration est donc posée. Elle sera débattue le 6 à Dunkerque.

DEFENDRE LA PRODUCTION OU LES TRAVAILLEURS

      Cette démarche toute entière tournée vers la construction du rapport de force contre les barons de l'acier aura à lutter pour s'imposer. Tout le monde en effet ne partage pas ce point de vue. Il en est qui, au nom de la défense de la sidérurgie française, se refusent énergiquement à envisager une lutte dure au niveau de l'ensemble du trust Usinor ou de toute la sidérurgie. Quand ils parlent de lutte d'ensemble, c'est par exemple à propos du 23 mars, un point c'est tout. S'attaquer à la production, toucher les patrons de la sidérurgie là où ça leur fait mal, il n'en est pas question pour eux. Leur raisonnement simpliste se résume en ceci : il faut que la sidérurgie française soit compétitive pour s'opposer aux tentatives de mainmise des trusts germano-américains. On voit en quoi une telle démarche conduit de fait à la division des travailleurs.

      Une telle attitude connaît déjà des applications concrètes : pendant la grève à Fos récemment, la direction CGT ne s'est manifestée que pour appeler à reprendre le travail. Déjà, pour Dunkerque, ils ne voulaient envoyer qu'une délégation pour "prendre contact". Curieusement dans L'Humanité, après les pages entières pour le 23 mars, l'initiative du 6 avril sur Dunkerque n'a droit qu'à quelques lignes très vagues. Visiblement, cette marche ne dit rien qui vaille à la direction CGT. Elle y participe contrainte et forcée, mais avec l'objectif de peser de tout son poids pour éviter que ne se produise ce qu'elle appelle des "débordements", que ne s'engage une nouvelle dynamique de lutte prenant pour cible la production.

      Tel n'est pas le point de vue des militants CFDT. Depuis plusieurs jours déjà, à Longwy, à Denain et dans d'autres usines du groupe Usinor, ils mobilisent les travailleurs autour d'eux pour essayer de faire du 6 avril une grande journée, d'opposer au refus intransigeant d'Etchegaray un nouveau départ dans le combat pour la vie de leurs bassins sidérurgiques. Encore une fois, il faudra mener bataille pour imposer la voie de la lutte.

Gérard PRIVAT    

 

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