LE QUOTIDIEN DU PEUPLE n°850 -vendredi 9 février 1979-

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Le PCF comme en 14...
 
" Jamais les Lorrains n'accepteront que les capitalistes Ouest-allemands obtiennent de votre gouvernement ce qu'il n'ont pu obtenir au cours des guerres de 1914 et de 1940 " écrit Porcu, député PCF de Longwy. Les trompettes chauvines entraînent le PCF bien loin de la volonté de lutte des travailleurs. -lire en page 5-

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LE PCF
ET «L'EUROPE ALLEMANDE» :
COMME EN 14....
(Par François Nolet)
 
        Dans le cours des luttes que mènent las travailleurs de la sidérurgie pour défendre leur emploi, le PCF embouche le clairon de l'indépendance nationale contre "l'Europe allemande", à qui "Giscard vend la France". Lorsque la question de l'élargissement du Marché commun se trouve posée, il développe, particulièrement dans le Midi, une campagne de protestation contre "l'abandon national". Et l'un des thèmes de sa campagne électorale aux législatives était : "Produisons Français". Un ensemble de slogans qui ont une logique, mais qui n'est pas celle des travailleurs.
 
        De récentes déclarations ont donné lieu à une polémique avec Edmond Maire. Les intentions de celui-ci ne sont évidemment pas des plus pures : ses positions européennes sont très étroitement calquées sur celles du PS ; de ce côté-là, les travailleurs n'ont pas non plus grand chose à attendre. Mais il est vrai que dans l'affaire, le PCF semble trouver plaisir à donner des verges pour se faire battre.
        Porcu, député PCF de Longwy, écrit au ministre de l'Industrie : "Vous osez évoquer le général De Gaulle pour faire passer votre politique de démission nationale ; c'est un comble !". Et Porcu, plus gaulliste que De Gaulle, retrouve des accents dignes de Barrés pour écrire : "Oui, les Lorrains sont attachés à leur terre sur laquelle tant de générations ont peiné et souffert, tant de sang a été répandu afin d'en chasser le militarisme allemand qui rêvait de faire main basse sur ces richesses nationales. Jamais les Lorrains n'accepteront que les capitalistes Ouest- allemands obtiennent de votre gouvernement ce qu'ils n'ont pu obtenir au cours des guerres de 1914 et de 1940". (l'Humanité du mercredi 7 février).
C'est ce même type de discours qui a amené la municipalité PCF de Longlaville (près de Longwy) à fleurir le monument aux morts où un poilu préside désormais à des banderoles sur lesquelles ont peut lire : "La Lorraine ne sera pas vendue aux trusts allemands" et "Leur sacrifice ne sera pas vain, Longlaville vivra".
 
 
        Au-delà de l'aspect odieux de cette propagande, il y a l'aspect proprement ridicule : qui ignore en Lorraine que la classe ouvrière des mines et de la sidérurgie est, en grande partie, d'origine italienne, polonaise, marocaine, et même, oh horreur, allemande ? Que pendant des décennies, pour reprendre l'expression du député de Longwy, "tant de générations ont peiné et souffert, tant de sang a été répandu" dans les luttes communes que menait cette classe ouvrière contre le capital ?
 
UNE LOGIQUE
DE DÉFENSE
DE L'IMPÉRIALISME
FRANÇAIS
 
        Ce n'est certes pas par un égarement inexplicable que le PCF se trouve amené à proférer de telles aberrations et à ressusciter les taxis de la Marne. II y a bien là quelque chose de cohérent. Pour le PCF, « les travailleurs, et avec eux tous les Lorrains, veulent que la sidérurgie soit sauvée, qu'elle contribue à assurer les bases de notre indépendance économique et refusent la soumission à l'étranger". En somme l'important pour le PCF n'est pas tant la défense de l'emploi et l'arrêt de tout licenciement que la sauvegarde de la capacité concurrentielle de la sidérurgie bien de chez nous. C'est dans le même ordre d'idées qu'il développe le mot d'ordre « pas un boulon ne doit être démonté" qui s'inquiète plus du sort des installations que du maintien de l'emploi.
        Et puis, à quoi rime aujourd'hui cette agressivité contre "l'étranger" ? C'est qu'à défaut de pouvoir accéder au gouvernement dans un délai rapproché, le PCF a pour objectif immédiat les élections européennes. Et pour réaliser un bon score, quel meilleur moyen que celui de tabler sur les craintes liées aux progrès de la construction européenne, mais dans des termes on ne peut plus ambigus ? Quel intérêt commun les petits viticulteurs du Midi peuvent-ils avoir avec les gros négociants qui craignent pour leurs marges bénéficiaires ? Aucun, sans doute, hormis le fait que le PCF compte bien additionner les voix des uns et des autres dans son escarcelle électorale.

François NOLET        

 

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