CONTRAIRES
AU SEIN DU PEUPLE

CONTRAIRES AU SEIN DU PEUPLE va constituer à partir de ce numéro une nouvelle rubrique de notre quotidien. Cette rubrique s'inscrit dans le cadre des transformations annoncées à nos lecteurs après le succès de la campagne de souscription des 25 millions, transformations qui visent à faire de notre quotidien une arme plus efficace dans la bataille politique d'aujourd'hui.

CONTRAIRES AU SEIN DU PEUPLE veut s'efforcer de présenter chaque fin de semaine sur un sujet déterminé au débat plusieurs points de vue différents, au sein du peuple, qui sont en présence. Nous pensons que l'exposition de ces points de vue, la confrontation des différentes argumentations dans une même rubrique de notre journal doit contribuer à faire mûrir ces débats nécessaires au sein du mouvement de masse. Il va de soi que l'exposé de ces différents points de vue, n'engage que leurs auteurs eux-mêmes et nullement la rédaction du journal qui fournit régulièrement, la plupart du temps hors de cette rubrique, en particulier dans les pages d'actualité, le point de vue des communistes révolutionnaires.

Cette rubrique CONTRAIRES AU SEIN DU PEUPLE porte sur l'opportunité de participer aujourd'hui aux journées d'action appelées, en particulier, par la direction confédérale CGT. De nombreuses idées nous venues pour cette rubrique par exemple: <<La construction européenne>>, <<L'initiative du bateau pour le Vietnam>>, <<Le problème basque>>, <<Les apports de Gramsci>>... Mais nous appelons nos lecteurs à nous envoyer leurs suggestions sur les questions qu'ils penseraient pouvoir être traitées dans le cadre de cette rubrique, ainsi que la contribution qu'ils veulent rédiger, le mieux étant pour pouvoir publier plusieurs contributions qu'elles n'excèdent pas deux feuilles dactolographiées double interligne (4 - 5000 signes). Avos plumes camarades.

QDP n°831 -du 13 /14 / 15 janvier 1979-

Le Quotidien du Peuple (organe central du PCRml) n°831 -du 13 /14 / 15 janvier 1979- page 4

CONTRAIRES AU SEIN DU PEUPLE
FAUT-IL OU NON PARTICIPER AU JOURNEE D'ACTION ?

Pas de règle générale

Tous les moyens d'action sont bons à utiliser. De la simple pétition jusqu'à la grève illimitée. Le seul problème, pour les militants, c'est de savoir faire coïncider le type d'action avec le niveau de combativité ouvrière à un moment donné.

Pour les journées de 24 heures, comme pour toute autre action, la question ne se pose donc pas en termes de choix définitif : on y participe toujours ou on n'y participe jamais. Cela dépend. De quoi ? Du niveau de combativité, de la volonté de lutte des travailleurs de telle ou telle branche, de telle ou telle région, ou sur l'ensemble du pays au moment où cette journée est décidée.

Dans quelles conditions le problème de la participation à ces journées se pose-t-il ?
C'est un problème complexe qui ne peut être éxaminé que cas par cas.

D'abord en gardant clairement en tête deux points :
-- d'une manière générale, c'est le type d'action que décident les états-majors pour répondre à leurs motivations politiques du moment. C'est uniquement le souci d'utiliser la volonté de lutte des travailleurs, de la canaliser vers leurs objectifs, qui guident les organisateurs de ces journées. Et il y parviennent dans une large mesure. Que cela produise des contradictions avec les travailleurs et les militants de base, c'est sûr et c'est positif. Mais enfin, ce ne peut être le seul, ni même le principale critère pour déterminer si l'on participe ou non.

-- quoi qu'on en dise, ce type d'action, même s'il permet ponctuellement aux travailleurs et aux militants de se retrouver, d'échanger leurs points de vue, de participer ensemble à des manifestations, est forcément, dans l'état actuel des choses, sans lendemain. La notion de <<journée tremplin>> est un leurre. Il n'y a pas d'exemple dans l'histoire récente, de lutte d'ampleur engagées à partir de journées d'action. Le 13 mai 1968 n'est pas l'exception qui confirme la règle puisqu'à ce moment-là, il est devenu évident que les états-majors avaient décidé de s'engager dans une grande offensive de masse. Même la puissante mobilisation du 7 octobre 1976, malgré la volonté affirmée de nombreux travailleurs de ne pas en rester là a été, elle aussi sans lendemain.

On entend parfois dire : c'est cela ou rien. Si l'on ne participe pas à ces journées, il n'y a rien d'autre. Curieuse conception de l'action militante, qui élude les problèmes posés par l'action acharnée tous les jours, sur le terrain, contre les patrons et malheureusement aujourd'hui, contre ceux qui, à l'intérieur de nos syndicats, dépensent toute leur énergie pour empêcher les luttes. Et puis, si l'on ne parvient pas à développer un rapport de forces dans sa boîte, qui mobilisera-t-on pour participer à ces journées ?

Il est apparu, ces temps derniers, l'idée selon laquelle des journée de ce type pourraient d'une part oeuvrer à l'unité et d'autre part convaincre les partisans du recentrage dans la CFDT à l'action. C'est possible, mais quelle action ? quelle unité ?
L'exemple de la journée pour la sécurité sociale est intéressant : des militants et des sections CFDT y ont participé. D'accord, c'est une épine dans le pied d'Edmond Maire. Mais qui profite à qui ? à Georges Séguy ! il n'y avait qu'à ouvrir l'Humanité du lendemain pour voir comment était utilisée l'initiative de ces militants CFDT. Par ailleurs, les mesures contre la sécurité sociale sont passées sans problèmes.

Non, on ne peut réduire la question au seul niveau des problèmes que les militants ont à résoudre dans leurs sections et dans leurs structures. Posons la question au niveau de l'ensemble des travailleurs. Quel jugement est porté sur telle ou telle journée d'action ? Quelles raisons motivent la participation ou non à ces journées décidées, ne l'oublions pas, par les états-majors presque dans tous les cas. On ne peut y participer et y appeler les travailleurs que s'il en ressort quelque chose de positif, pas seulement pour crier sa colère contre les patrons et aussi contre ceux qui ne veulent pas lutter.

Du point de vue purement revendicatif, ces journées sont d'une totale inefficacité, ce point n'est plus à démontrer. Alors ? mettre en difficulté ceux qui se servent de ces journées pour leurs intérêts propres, qui utilisent la colère des travailleurs à leur profit ? D'accord, mais dans ce cas, en en prenant les moyens, en rassemblant tous ceux qui veulent lutter, en dénonçant la politique de manipulation des états-majors syndicaux... Car, il faut toujours bien garder présent à l'esprit que les travailleurs qui font le choix de perdre une journée de salaire (et parfois plus avec les primes) veulent des résultats, pas forcément immédiatement revendicatifs, mais par exemple, marquer effectivement des points dans la construction du rapport de forces. N'oublions pas que rien n'est plus démobilisateur que des actions qui ne servent à rien, des actions dont les travailleurs ne maîtrisent pas les enjeux. C'est en ne tenant pas suffisamment compte de cette donnée que l'on a - appelant inconsidérément à toutes les 24 heures - dégoûté de nombreux travailleurs, non seulement des journées d'action, mais de l'action en général, que l'on a -à son corps défendant- renforcé les idées sceptiques sur la possibilité de lutter, et surtout de gagner. Les états-majors syndicaux contrôlés par les partis de gauche y ont trouvé leur compte, eux qui continuent d'appeler à de telle journées malgré les critiques d'une partie des militants. Si la direction CFDT n'y appelle plus provisoirement, c'est surtout pour des raisons de rivalités politiques avec la CGT.

Pour conclure, on ne peut établir de règle définitive, bien sûr. Par exemple, il aurait été parfaitement faux de ne pas participer au 7 octobre 1976, alors que tout indiquait que la colère des travailleurs s'y exprimerait massivement. Même chose pour les journées <<ville morte>> dans la sidérurgie ou ailleurs. Par contre, la série des journées d'avant le mois de mars 1978 étaient clairement des initiatives de soutien à la gauche et au programme commun. Il fallait les dénoncer nettement comme telles et ne pas y participer. Être avec les travailleurs quand ils luttent ne veut pas dire se traîner à la remorque des idées les plus arriérées.

M.L.B
syndicaliste de Caen

 

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