LE QUOTIDIEN DU PEUPLE n° 885 -30 mars 1979 -page 2-

POLITIQUE

A propos de la campagne du PCF sur l'Europe en Lorraine.

CHAUVINISME, DÉFENSE
DES TRUSTS CAPITALISTES FRANÇAIS,
OU SOLIDARITÉ DES CLASSES OUVRIÈRES ?

        Depuis l'annonce du nouveau plan de licenciements, le PCF a fait connaître son explication. et il la martèle. Pour ce parti, les responsables de la crise en France -et donc des licenciements dans la sidérurgie- ce sont les autres pays d'Europe, et spécialement l'Allemagne.
  Cette explication n'est pas désintéressée. A quelques mois des élections européennes. le PCF espère utiliser la colère des sidérurgistes pour en tirer des bénéfices électoraux. Il ramène donc tout ce que nous vivons dans les bassins sidérurgiques à un seul thème: l'Europe allemande. Que penser de cette explication ?

UNE CAMPAGNE
QUI DÉNATURE LA RÉALITÉ

  Dans un tract de la fédération de Moselle. le PCF déclare: "En mai 1950, on avait prôné l'heureux mariage du charbon et de l'acier (...). En fait d'heureux mariage, il y a eu un "cocu" et ce furent la France et son indépendance, les mineurs et les sidérurgistes. Comme nous l'avions prévu, les heureux bénéficiaires ont été les maîtres de forge allemands". Et les maîtres de forge français, les De Wendel et les autres, les range-t-on du côté des victimes ? C'est vraiment leur faire la part belle.

  Est-ce pour le compte des capitalistes allemands que les sidérurgistes et mineurs ont été durement exploités, ou pour celui des capitalistes français ?
 
Et en Allemagne, que s'est-il passé sinon comme ici, intensification du travail, licenciements massifs, depuis 1950 et aujourd'hui encore, en Sarre en particulier .

Les échanges de production
avec l'Allemagne en 1977

Produits plats: 800 000 tonnes importées dont 600 000 de Dilling
                      760 000 tonnes exportées

Produits longs: 560 000 tonnes importées (surtout des palplanches)
                      310000 tonnes exportées

LE PLAN DAVIGNON

  Dans un tract diffusé à USINOR, le PCF déclare : "Davignon, ce vicomte et technocrate, servant bien les intérêts des grandes sociétés multinationales-européennes et surtout allemandes, a mis dans son plan, la destruction d'une partie importante de la sidérurgie et des mines de fer françaises". A l'en croire, ce serait un "technocrate" tout puissant qui prendrait des décisions. Et il s'en prendrait aux usines françaises.

  En réalité, le plan Davignon est un plan de réduction concertée de la production d'acier dans chaque pays d'europe. Il fixe des "quotas" de production pour chaque pays, par produit et par usine.

  Et curieusement, quoi qu'en dise le PCF, sa première version, qui ne concernait que les ronds à béton a été adoptée sous la pression des maîtres de forge français, que craignaient la concurrence, des "bresciani", les producteurs italiens spécialisés dans les ronds à béton.
 
Car en même temps que les différents pays capitalistes se livrent une concurrence acharnée, ils sont amenés à se concerter pour limiter les effets les plus sauvages de cette concurrence.

IMPORTATIONS EN FRANCE
ET CAPITAUX FRANÇAIS

  Le PCF se félicite des succès à l'exportation de la sidérurgie française. Mais d'après lui c'est en Europe que ça ne va pas, puisque les importations l'emportent sur les exportations.
Et il s'appuie sur des chiffres (Voir tableau ci-dessus).
Qu'y a-t-il derrière ces chiffres ?

  Et bien par exemple, la plus grande partie des importations de produits plats vient de Dilling -à Dilligen, en Sarre - (tôles fortes). Qui contrôle Dilling ? SOLLAC-SACILOR, donc les capitalistes et l'Etat français, en majorité.

  A Dilling, ce sont les capitalistes français qui exploitent les sidérurgistes d'Allemagne. L'argumentation économique du PCF, dont on voit qu'elle est souvent discutable, sert en réalité de justification à une campagne douteuse.

UNE CAMPAGNE CHAUVINE

  L'Humanité du 7/2/79 écrit : "Jamais les Lorrains n'accepteront que les capitalistes ouest- allemands obtiennent ( ...) ce qu'ils n'ont pu obtenir au cours des guerres de 1914 à 1940".

  Serait-on à la veille d'une nouvelle guerre contre l'Allemagne qui nous agresserait ?


Banderoles du PCF déployée à Longlaville près de Longwy.

  Si en 1940, il était juste de défendre l'indépendance nationale contre l'invasion, la référence à 1914 est curieuse de la part du PCF. Car ce sont bien alors les bourgeoisies française et allemande, dans leur rivalité, qui ont entraîné des millions d'hommes dans cette boucherie. Et en 1920, le PCF s'est crée en bonne part en réaction contre cette sale guerre, alors que les "socialistes" de la S.F.I.O. y avaient entraîné la classe ouvrière par leur chauvinisme. Une fois de plus, l'Humanité n'hésite pas à renier le passé révolutionnaire du PCF de cette époque.
 
Dans le même genre de confusion chauvine, l'Humanité du 13/1/79 sous la plume de son journaliste présent à la manifestation du 12 à Metz salue le slogan: "La Lorraine aux Lorrains". Oui, il l'a bien entendu, comme nous puisque ce slogan était lancé par une partie du cortège du PCF.

  Ce slogan, c'est celui que le FLS (les hommes de main de Giscard) ou le sinistre Kiffer placardaient sur les murs de Moselle l'année dernière, pour justifier le renvoi des travailleurs étrangers.
 
Et qui sont les travailleurs de Lorraine, et en particulier les sidérurgistes et les mineurs, sinon en bonne part des Polonais, des Italiens, des Allemands, des Algériens, des Tunisiens. ..ou des Bretons, des Méditérranéens... importés par vagues successives par les capitalistes en mal de main-d'oeuvre pour faire tourner leurs usines ?
 
Voilà à quoi peut conduire le chauvinisme : la division de la classe ouvrière.

TOUT CELA
POUR DÉFENDRE
LES TRUSTS CAPITALISTES
FRANÇAIS

  On voit que lorsque le PCF prétend s'en prendre seulement aux trusts allemands, les choses ne sont pas si claires. Et de toute façon la question se pose : qui est. responsable de la crise; contre qui nous battons-nous : les trusts allemands ou les trusts et l'Etat de la bourgeoisie de notre pays ?

N'est-ce pas un raisonnement de bon capitaliste que tient le PCF lorsqu'il écrit par exemple dans France nouvelle (12/2/79) : "Si par son excédent commercial global la sidérurgie française a rapporté à la France 2,6 milliards de francs de devises, le déficit en acier dans nos échanges avec les pays européens a fait sortir de nos caisses 2,9 milliards (...). Vis à vis des "nouveaux producteurs", l'acier sort et l'argent rentre. Vis à vis de la CEE (Europe), et notamment de l'Allemagne, l'acier entre et l'argent sort".
 
Mais quand "l'argent rentre", est-ce que les ouvriers sidérurgistes en profitent ?
Que l'acier se vende bien ou qu'il se vende mal, est-ce qu'il n'y a pas toujours eu renforcement de l'exploitation, licenciements, austérité ?

  Les communistes révolutionnaires refusent cette logique de défense des positions du capitalisme français. Ils rejettent l'analyse simpliste qui ferait de Giscard, Barre, Labbé des "vendus à l'étranger".

Ces gens-là sont les dignes représentants de la bourgeoisie de notre pays, cette bourgeoisie en difficulté, cette bourgeoisie intransigeante face aux luttes des sidérurgistes.

 

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