30e ANNIVERSAIRE DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE

Le Quotidien du Peuple -supplément au n°967 -lundi 8 octobre 1979- (page 2)
Organe central du Parti Communiste Révolutionnaire marxiste-léniniste

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Editorial

    Il y a 30 ans, à la tribune de Tien An Men, Mao Zedong proclamait la fondation de la République populaire de Chine, en prononçant ces mots célèbres: " Le peuple chinois est debout", Après des siècles et des siècles de domination féodale, de souffrances sans nom, d'humiliations, de famines, le peuple chinois l'avait finalement emporté sur ses ennemis de l'intérieur et de l'extérieur. La défaite du Kuomintang, soutenu par l'impérialisme américain, marquait le commencement d'une Chine nouvelle, préparée par des dizaines d'années de lutte armée, sous la conduite du Parti communiste chinois. Dans les pires conditions matérielles, au prix de sacrifices innombrables, les ouvriers et les paysans pauvres de Chine accomplissaient la deuxième grande révolution du XXe siècle.
   
Les caractéristiques propres à cette révolution en faisaient un événement d'une portée historique considérable. Bien sûr, l'immensité du territoire concerné, les centaines de millions d'hommes libérés d'un système d'oppression millénaire, donnaient à cette révolution une de ses dimensions et attiraient l'intérêt ou au contraire la crainte des classes antagonistes en lutte dans le monde.
   
Mais plus fondamentalement, c'était trente deux ans après la révolution russe, une confirmation tangible du caractère inéluctable, historique nécessaire de la révolution prolétarienne, en même temps qu'une démonstration éclatante de l'essor pris par le mouvement de libération nationale dans le monde.
A la suite de la révolution chinoise et puissamment encouragés par son succès, les peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine vont renforcer leur lutte pour leur libération, des guerres populaires vont voir le jour, et sur cette base, un ample mouvement multiforme des peuples et des pays va revendiquer, contre les impérialismes occidentaux et leur domination coloniale, l'indépendance nationale.
   
Tout au long des années écoulées depuis le 1er octobre 1949, la République populaire de Chine a apporté un soutien considérable au mouvement anti-impérialiste des peuples comme à la lutte révolutionnaire du prolétariat. L'aspect principal de ce soutien réside certainement dans l'étroite liaison entre la pratique de la révolution effectuée par le peuple chinois et le développement de la théorie révolutionnaire. Ainsi, ce que l'on appelle le système de la pensée Mao Zedong et qui est précisément la synthétisation par le Parti communiste chinois, Mao Zedong à sa tête de la pratique révolutionnaire de tout le peuple chinois, a enrichi le marxisme-léninisme, parmi d'autres, sur d'aussi importantes questions que : la guerre populaire, le front uni, les transformations du système impérialiste, la division du monde en trois mondes, questions qui conditionnent la réalité et la conséquence d'une lutte efficace aujourd'hui contre l'impérialisme. Dans sa lutte sans trêve contre la dégénérescence révisionniste du marxisme, le Parti communiste chinois a éclairé la nature des transformations qui avaient affecté, en définitive, le Parti communiste de l'Union soviétique, sous l'impulsion, notamment, de Khrouchtchev. La lutte de principes antirévisionniste menée par le PCC a favorisé le fait que commencent à se structurer , dans l'opposition au révisionnisme, des forces marxistes-léninistes. Au moment même où la transformation capitaliste de l'Union soviétique, commençait à apparaître aux yeux d'une couche croissante de révolutionnaires, les luttes successives menées en Chine pour la consolidation du socialisme offraient un contraste flagrant avec la situation de l'URSS. C'est pourquoi, pour l'ensemble de ces raisons, la Chine a représenté et représente aujourd'hui, pour les marxistes-léninistes, un élément déterminant du rapport de forces entre révolution et contre-révolution dans le monde. Et ce fait demeure, trois ans après la mort de Mao Zedong. Il s'agit ici de re-préciser notre rapport à la Chine.
   
Bien sûr, nous nous insurgeons une fois de plus contre l'appellation que révisionnistes et représentants de la bourgeoisie accolent aux marxistes-léninistes en les taxant de "pro-chinois". Cette dénomination est particulièrement stupide, et, à notre sens, particulièrement inexacte, car elle tente d'accréditer l'idée d'un parti de l'étranger, d'une servilité envers les intérêts spécifiques du pays, fût-il socialiste. Elle fonde sur une réalité extérieure à la lutte des classes dans notre pays la source de l'activité révolutionnaire qui, bien évidemment, correspond au développement de cette lutte de l'intérieur du pays. De plus, elle s'inscrit en faux avec la démarche constante du Parti communiste chinois, consistant à refuser d'adresser aux organisations et partis marxistes-léninistes quelque directive que ce soit, démarche que l'on peut aisément vérifier au vu des orientations très différentes parfois qui définissent, à l'intérieur du même pays, la ligne suivie par des organisations et partis marxistes-léninistes encore distincts. Cette démarche du Parti communiste chinois, si elle entre en rupture avec la pratique définie dans le passé, dans les relations entre partis communistes, tient compte aussi de sa propre expérience. Pour triompher de ses ennemis, le PCC a dû résister fermement aux pressions exercées par le Parti soviétique, et ceci bien avant sa libération. En réfutant la conception erronée du "parti père" ou du "parti guide" qui avait perverti le fonctionnement de la IIIe Internationale, le PCC se refuse aux ingérences, dans l'action des marxistes-léninistes. Il est d'ailleurs tout à fait évident que le succès de la révolution dans les pays capitalistes ne dépend pas fondamentalement du devenir de la révolution chinoise, mais bien du développement des contradictions fondamentales définissant ces pays et l'avancée du mouvement révolutionnaire n'est que secondairement déterminée par l'avancée de cette révolution. Cependant, il faut bien examiner si, dans notre pays, n'a pas été parfois forgé un rapport à la révolution chinoise tel que la place qu'elle occupe dans la perspective révolutionnaire n'ait connu quelques défauts unilatéraux et subjectivistes. Bref, ne devons-nous pas clarifier quelques conceptions qui faussent les rapports à la Chine ?
   
D'abord, il y ale fait qu'extrêmement peu de personnes connaissent la réalité concrète de la Chine, l'état exact de développement des forces productives du pays, la base matérielle de cet état socialiste, et renforçant cette réalité première, la nature de l'information fournie par les publications chinoises a été telle, pendant la période dite de la Bande des Quatre, à la fin de la Révolution culturelle, qu'il a été bien difficile de mieux cerner cette réalité. En effet, ce sont systématiquement les exemples les plus avancés, les réalisations d'avant-garde, qui ont été présentées, sans que leur rapport au reste de la société chinoise, à la masse des réalités concrètes définissant en définitive cette société, soit formulé. Ainsi, une représentation idéalisée de la Chine a pu se faire jour, sur la base à la fois de l'ignorance certaine de la réalité concrète de la Chine, d'une présentation volontariste et erronée parce que trop partielle, mais également de l'attente subjective, la nôtre, d'une société en tous points opposée à la société capitaliste. Ainsi, la Chine a-t-elle pu figurer, principalement à partir de 1966, le contraire absolu du capitalisme tel qu'il domine notre société, comme du capitalisme restauré en URSS. Certes, il y a dans cette représentation une part essentielle de vérité, mais secondairement une dose relative de métaphysique, et notamment la sous-estimation des entraves liées à la base matérielle, comme des caractéristiques propres à toute société de transition, qui met aux prises l'ancienne société en décomposition et le communisme naissant.

    Car le principal danger d'interprétation erronée de la réalité chinoise réside dans le fait qu'on ne connaît ici la Chine, généralement, qu'au travers du discours. Prenons un simple exemple: la manière dont sont appréhendées ici les déviations de "gauche" qui se sont fait jour dans le Parti communiste chinois. Aux yeux d'une partie de ceux qui s'intéressent à la Chine, ces déviations présentent un caractère beaucoup moins grave, quasiment anodin, en regard des déviations de droite, comme si le révisionnisme ne pouvait venir d'un seul côté. Or, les faits concrets rapportés par les communistes chinois, même s'ils sont parfois, ici ou là, amplifiés, sur les effets de la politique du courant gauchiste des Quatre, ne vont pas du tout dans ce sens, pas plus d'ailleurs que le bilan d'autres expériences révolutionnaires, dramatiquement dénaturées par les déviations de gauche. Que la phrase révolutionnaire, que le simple discours puisse constituer un élément décisif de jugement sur la réalité politique d'un courant, du parti ou du pays n'a rien de marxiste. Aussi, ce n'est pas l'affaire des marxistes-léninistes en France de juger, au jour le jour, des luttes politiques qui se déroulent en Chine. Ils n'ont en l'affaire nulle véritable compétence. De même, ce n'est pas leur affaire de juger, de justifier ou de critiquer chaque acte de la politique économique, intérieure ou internationale de l'Etat chinois. Il faut bien réfléchir à ce que représente cette tentation de s'impliquer au contraire dans les moindres péripéties de la vie politique chinoise, cette disposition à l'inquiétude permanente sur les risques de restauration du capitalisme en Chine. A notre sens, elle signifie la recherche idéaliste d'un modèle socialiste, qui par définition ne peut exister, et en même temps, la permanence d'une conception héritée des défauts de l'histoire du Mouvement communiste international, dans les moments où la politique suivie par l'Union soviétique était comprise comme la politique du Mouvement communiste tout entier. Tout en affirmant cela, il est bien clair que les marxistes-léninistes doivent s'efforcer de comprendre ce qui se passe en Chine. De même, il leur faut contrer les efforts déployés par la bourgeoisie pour jeter le doute sur l'avenir de la révolution, et faire grand bruit autour d'une prétendue crise du marxisme, dans la mesure où il s'agit d'une véritable agression idéologique contre les forces révolutionnaires en France. Insinuations, dénaturation. exagérations de la réalité chinoise ont souvent, en réalité, une fonction proprement interne à notre société. En l'affaire, le rôle objectif joué par le correspondant du Monde à Beijing est assez remarquable. Aussi appartient-il par contre aux marxistes-léninistes de désarmer, dans la mesure de leurs moyens, cette offensive qui les concerne.
   
Car si, particulièrement aujourd'hui, la société chinoise se trouve parcourue par de grands débats, si de vastes questions d'histoire et d'orientation font l'objet de discussions acharnées, et de luttes, dans le cadre de la politique "Que cent fleurs s'épanouissent, que cent écoles rivalisent", il reste, et c'est là l'essentiel, que malgré toutes les rumeurs de "démaoïsation" , les bruits intéressés de bouleversements spectaculaires, la Chine réaffirme son attachement au système de la pensée Mao Zedong, à la dictature du prolétariat, au socialisme, et que rien, dans les faits, n'indique qu'il en aille autrement. N'y a-t-il pas 30 ans que Mao Zedong proclamait : " Le peuple chinois est debout" .

M.C.

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