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Le Quotidien du Peuple organe central du PCRml (n°866 SAM. 3. DIM. 4. LUN 5 mars 1979)

L'ÉVOLUTION DU VIETNAM
La victoire d'une ligne révisionniste (suite)

Le quatrième congrès du parti communiste, en décembre 1976, a sanctionné une nouvelle étape de la lutte entre de la lutte entre deux lignes au sein de ce parti, marquée par la consolidation des positions révisionnistes. L'apparente continuité qui s'exprimait à travers l'appréciation portée sur la situation internationale, faisait en fait la part belle au rôle de l'Union soviétique à l'heure où celle-ci affirmait de plus en plus nettement ses ambitions mondiales et son agressivité contre les peuples. La reprise, telle quelle, d'analyses qui avaient été formulées par le parti vietnamien, dans les années 1960, dans un contexte tout â fait différent, marqué alors par l'existence d'une seule superpuissance : les Etats-Unis, constituait une caution apportée à la politique du social-impérialisme. Les points de vue qui sous-tendent cette position sont antérieurs au Congrès de 1976, ils sont constitutifs d'une ligne révisionniste dont l'une des manifestations perceptibles fut sans doute le soutien très net accordé à l'invasion soviétique de la Tchécoslovaquie.

La caution apportée au social-impérialisme en 1976, n'a pas trait seulement à son rôle dans le monde, elle réside aussi dans la référence faite au modèle soviétique du développement. Il est significatif qu'à l'heure où l'URSS confirmait de manière spectaculaire, tant par sa politique extérieure que par l'oppression croissante des masses à l'intérieur, qu'elle avait acquis tous les traits caractéristiques d'un impérialisme, le quatrième congrès du parti communiste vietnamien ait adopté un rapport qui souligne notamment: "L'Union soviétique intensifie actuellement l'édification de la base matérielle du communisme", continuité là encore d'une affirmation qui n'avait cessé d'être répétée par le parti vietnamien depuis les années 60.

LA SOI-DISANT "COOPÉRATION SOCIALISTE"

La référence ainsi proclamée au modèle soviétique va d'ailleurs de pair avec l'affirmation renouvelée d'une "nécessaire division du travail entre pays frères". " La coopération économique, déclare devant le quatrième congrès, Nguyen Duy Trinh, ministre des Affaires étrangères du Vietnam, est devenue un aspect très important des rapports entre notre pays et les pays socialistes. Nous devons élargir nos rapports économiques, participer progressivement à la coopération et à la division du travail entre les pays frères, créer des conditions nous permettant d'édifier notre pays avec nos propres forces et de contribuer au renforcement du système socialiste ".

L'entrée du Vietnam dans le COMECON en juillet 1978 est venue préciser de façon inquiétante la conception présidant à cette "coopération" et cette "division du travail" puisqu'il s'agit de l'entrée dans un "marché commun" soumis à l'URSS et à ses intérêts, marché qui a déjà fait ses "preuves" contre les pays Est-européens. Une telle conception va à l'encontre de l'affirmation proclamée dans le même Congrès et selon laquelle il fallait " édifier un Vietnam indépendant avec ses propres forces ".

CONVERGENCE DANS LA MILITARISATION

Le modèle soviétique c'est, aussi celui d'une puissance engagée dans la militarisation à outrance. C'est en effet une caractéristique du social-impérialisme soviétique que de miser largement sur le déploiement d'un gigantesque appareil militaire, d'orienter tous les efforts de la production et l'avancée technologique vers le domaine militaire, en vue de réaliser ses ambitions, ceci en sacrifiant notablement la production des biens de consommation nécessaires aux masses. Ceci fondait une convergence possible avec la politique des dirigeants vietnamiens dès lors qu'ils s'engageaient dans des choix conduisant à un expansionnisme vietnamien. Alors que l'économie vietnamienne était confrontée, au sortir d'une guerre de trente ans, à d'énormes difficultés, les autorités vietnamiennes ont imposé une tension extraordinaire des forces vives du pays pour développer le potentiel militaire. Au lendemain de la libération de Saïgon, elles se trouvaient en effet en possession d'un énorme arsenal combinant les prises faites aux Américains et l'aide reçue au fur et à mesure de la guerre de libération, un arsenal qui faisait du Vietnam une des plus grandes puissances militaires du monde, avec une des aviations de guerre les plus modernes, qui a largement servi depuis contre le Kampuchéa. Fortes de cette puissance, les autorités vietnamiennes ont affirmé leur prétention à 1'hégémonie dans le Sud-Est asiatique. Si les dirigeants vietnamiens estimaient avoir désormais les moyens d'une telle politique, il reste que celle-ci n'a pu prendre corps là aussi que sur la base d'un certain héritage, notamment des traits chauvins qui semblent s'être manifestés au sein de la politique du Parti du Travail du Vietnam, en plusieurs occasions, au cours même de la guerre de libération des peuples indochinois.

L'HÉRITAGE DU PASSÉ

Il paraît établi par exemple que le projet de "fédération indochinoise" englobant les trois pays d'Indochine sous l'autorité du Vietnam ne date pas d'hier et que la tendance par exemple à ne voir dans la lutte cambodgienne qu'une simple annexe de la lutte vietnamienne, ait été présente de longue date dans le parti communiste vietnamien. Le processus même de la colonisation française, s'appuyant sur des Vietnamiens pour coloniser le Laos et le Cambodge, a pu d'ailleurs servir historiquement de point d'appui au développement d'une telle tendance.

Les propos de Hoang Tung, rédacteur en chef du Nhan Dan, quotidien du "Comité central du parti communiste vietnamien, sont d'ailleurs assez significatifs à cet égard. Celui-ci ne déclarait-il pas début septembre à propos de !a guerre contre le Cambodge: " De nombreuses divisions vietnamiennes se trouvaient à cette époque (en 1970 - 1972), au Cambodge, alors que les forces cambodgiennes étaient limitées. Si nous étions intervenus, la situation aurait évolué différemment. Peut-être payons- nous aujourd'hui cette erreur ".

La tournure qu'ont pris ensuite les événements, les dirigeants vietnamiens passant de la multiplication des pressions dès 1976 pour obtenir du Cambodge des relations "spéciales" -équivalentes à une annexion - à l'agression ouverte et l'invasion de ce pays, ne s'explique que par la conjugaison de divers facteurs. S'y retrouvent l'évolution interne au Vietnam et le contexte international nouveau, marqué par le développement de l'offensive de l'URSS avec laquelle les dirigeants vietnamiens avaient développé de longue date des liens importants.

L'ABOUTISSEMENT D'UN PROCESSUS

La réalisation du quadrillage du Vietnam par des " comités pour le service militaire obligatoire", en 1978, tandis que le gouvernement de Hanoi affirmait que le " renforcement des capacités de combat" serait " la tâche principale pour les deux années à venir ", est l'aboutissement du processus développé au lendemain de la libération de Saigon, en avril 1975. A cette date, une fois l'impérialisme américain battu et contraint de se retirer de toute l'Indochine, qui menaçait sérieusement et directement le Vietnam ? A la vérité, l'effort militaire ainsi entrepris par les dirigeants de Hanoi leur a permis rapidement d'intervenir sur plusieurs fronts à la fois. Ils ont pu ainsi maintenir au Laos une armée de plusieurs dizaines de milliers d'hommes qui, sous prétexte de faire face à des incursions de commandos de la droite laotienne, opérant à partir de la Thaïlande, a servi d'instrument au renforcement de l'intervention vietnamienne dans la gestion des affaires de ce pays.

Dans le même temps, les dirigeants de Hanoï ont pu lancer contre le Cambodge souverain 150 000 hommes, équipés d'un matériel considérable, bénéficiant dans le cadre du traité Vietnam- URSS de novembre, du dernier cri de la technique militaire soviétique. Ils ont pu aussi simultanément masser plusieurs divisions à la frontière avec la Chine, multipliant contre celle-ci les provocations armées.

 

Jean-Paul GAY

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