Nous ne sommes pas automatiquement en accord avec toutes les thèses
et appréciations développées dans les articles que nous publions

---

SOLIDAIRE -hebdomadaire du Parti du Travail de Belgique- n°23 (841) -2 juin 1993 -page 15-

Voici 2 articles extraits de l'hebdo du PTB -SOLIDAIRE- n°23 (841) -2 juin 1993- page 15 -rubrique international.
Le premier article est signé de T.B., le deuxième de Kieu Samphan.

 

Cambodge 1969 -1978

Le véritable génocide et la campagne anticommuniste

T.B Noam Chomsky doit une bonne part de sa célébrité au fait qu'il sait garder la tête froide sous le feu de la propagande. L'un des ingrédients principaux, dans la guerre de propagande dirigée actuellement contre le Parti du Kampuchea Démocratique - les "Khmers Rouges" - est la référence aux "Killing Fields" des années 70. Dans la bonne tradition des campagnes anticommunistes datant des années 30, on ne regarde pas à un petit million de victimes en plus ou en moins. Ainsi, selon le journal de la RTBF, les Khmers Rouges seraient responsable d'un génocide aussi important que celui commis par les nazis contre les Juifs (les nazis ont tué 6 millions de Juifs, à peu près l'équivalent de toute la population du Cambodge). Des chiffres plus "raisonnables", les plus souvent cités, parlent de 2 à 3 millions de morts.
Dans son livre "Manufacturing Consent" (Panthéon Books New York, 1988), Noam Chomsky a consacré un chapitre au Cambodge. Il nous a servi de base pour cet article.

Entre 1969 et 1975, les troupes US bombardèrent massivement le Cambodge. Les deux dernières années, ces bombardements eurent lieu secrètement, malgré l'interdiction du Congrès américain. Tout comme on le fit plus récemment avec l'Irak, Richard Nixon défendit à l'époque ces bombardements en les qualifiant d'attaques "précises sur des objectifs militaires". Mais un correspondant britannique décrivit en ces termes les résultats des bombardements sur la campagne cambodgienne: " Ici. à la campagne, les dommages de guerre sont énormes. Aucun pont n'a été épargné et il ne reste guère de maisons. On m'a raconté que la plupart des villageois ont passé les années de guerre en vivant presque en permanence dans les abris souterrains, afin d'échapper aux bombardements. Toute la campagne a été remodelée par les cratères occasionnés par les bombardiers B-52. Des villes et des villages entiers ont été rayés de la carte. Jusqu'à présent, je n'ai pas vu une seule pagode qui n'ait pas été touchée ". Chomsky fait remarquer qu'il est extrêmement difficile d'avoir une vue exacte du nombre de victimes, il cite deux sources "réalistes": une commission d'enquête finlandaise et le journaliste américain Vickery.
La commission d'enquête finlandaise estime le nombre des victimes des bombardements à 600.000 morts et 2 millions de réfugiés (dont un million à Phnom Penh), sur une population de 7 millions de personnes. L'autre analyse estime à 500.000 le nombre de victimes directes des bombardements, auxquels il faut ajouter 750.000 morts suite aux conditions dans lesquelles la guerre avait plongé le pays. L'énorme problème des réfugiés a également fait des victimes: 100.000 morts par an à Phnom Penh, en raison des mauvaises conditions sanitaires et alimentaires, malgré le pont aérien américain qui approvisionnait la ville.

Les Etats-Unis, responsables du génocide

La commission d'enquête finlandaise a estimé le nombre de morts de la période 1975-1978, où les Khmers Rouges étaient au pouvoir, entre 1,07 et 1,15 millions. La plus grande partie de ces décès est la conséquence directe des conditions où la guerre américaine avait laissé le pays.
Ainsi, le Pentagone lui-même avait estimé que l'arrêt brutal du pont aérien vers Phnom Penh et la situation générale où était plongé le pays suite aux bombardements occasionnerait inévitablement 1 million de morts. L'ambassade des Etats-Unis jugeait que les réserves de riz de Phnom Penh, après l'évacuation des troupes américaines, suffirait tout juste pour survivre quelques semaines. Le dernier rapport sur l'aide américaine précisait que le pays connaîtrait une famine en 1975:75% des bêtes de somme avaient été tuées, ce qui signifiait que le dur labeur de plantation du riz pour la saison suivante allait devoir être effectué manuellement par une population sous-alimentée. Le rapport prédisait une mortalité énorme (environ 3 millions de morts) durant l'année suivante. Il faudrait attendre au moins deux à trois ans avant que le Cambodge soit à nouveau autosuffisant en riz. Malgré ces énormes problèmes, le Far Eastem Economie Review écrivit, en janvier 1979, un mois après l'invasion du Cambodge par l'armée vietnamienne et l'installation de l'actuel régime Hun Sen, que, selon des sources émanant de la CIA, la population cambodgienne s'était accrue pendant le régime Pol Pot. "Certains observateurs sont persuadés que si le régime cambodgien avait bénéficié d'une année de plus, il aurait pu améliorer son image à l'intérieur et à l'extérieur du pays et rendre tout invasion vietnamienne difficile sinon impossible".

Le mythe anticommuniste
du "régime meurtrier
de Pol Pot"

La commission d'enquête finlandaise estime que les Khmers Rouges ont procédé à 75.000 à 150.000 exécutions. Vickery parle de 200.000 à 300.000. Compte tenu des problèmes énormes et des conditions où les Etats-Unis avaient laissé le pays, ces chiffres sont relativement faibles. D'une part, il y avait le problème du chaos énorme, qui rendait inévitable l'évacuation de Phnom Penh (où il n'y avait plus de nourriture) et le travail extrêmement pénible de gens affamés dans les champs de riz. Dans ces conditions quasiment inhumaines, le maintien de l'ordre était impossible sans un certain nombre d'exécutions. Deuxièmement, il y avait l'énorme colère des paysans ayant subi des bombardements meurtriers et systématiques, contre le "camp de l'ennemi", où nombre d'entre eux rangeaient les habitants de Pnom Penh. On comprendra aisément qu'une vague de violence spontanée se soit développée. Tout comme on comprendra que les communistes cambodgiens, en raison de leur petit nombre de cadres et après une guerre si dévastatrice, n'aient pas toujours été en mesure de contrôler cette vague et qu'ils aient même commis des fautes graves.
En tout cas, il est clair que le mythe du "génocide organisé par Pol Pot", tel qu'il fut construit de toutes pièces dans les années 80 et tel qu'on l'utilise aujourd'hui pour préparer une guerre où l'impérialisme américain, français et japonais entend liquider définitivement les communistes cambodgiens, est une pure propagande anticommuniste.

T.B.

Déclaration de Khieu Samphan, président du Parti pour un Kampuchea Démocratique

1. Il est évident pour tout le monde que les élections organisées par l'UNTAC (organisation de l'ONU) ne sont qu'un show dans le but de légitimer le régime fantoche vietnamien et d'affermir pour toujours l'occupation vietnamienne du Cambodge, ce qui signifie la disparition du Cambodge en tant que nation.
- les élections de l'UNTAC sont organisées dans une situation où la présence vietnamienne - y compris ceux qui ont été envoyés au Cambodge après la signature des accords de Paris du 23 octobre 1991 - représente environ 3 millions de personnes. Les Vietnamiens avaient déjà distribué des "pièces d'identité cambodgiennes" à 1,7 millions des leurs. Ces pièces d'identité ont aussi été enregistrées sur les listes d'électeurs-UNTAC.
- le show électoral a été organisé dans un contexte qui n'est pas neutre politiquement. Les vietnamiens et leurs marionnettes ont renforcé leur politique de terrorisme les poussant jusqu'à tuer des Cambodgiens et des membres de différents partis politiques.
- les élections-UNTAC sont organisées dans un climat où l'insécurité règne au Cambodge. C'est la raison pour laquelle 60 observateurs-UNTAC des élections ont déjà donné leur démission et d'autres suivront.
- dans les provinces de Siemreap, Kompong Thom, Preah Vihear, Battam-bang, Kompong Speu, Kompong Cham, Oddar Meanchey et Kampot, le peuple s'est soulevé avec les soldats Khmers et les groupes d'autodéfense, et des attaques ont eu lieu contre les quartiers généraux de l'armée fantoche et les bureaux du régime de marionnettes dans les provinces, districts et autres niveaux. Après ces soulèvements, une partie importante de la population de ces chefs-lieux de province et d'autres centres s'est enfuie. (...)
Monsieur Akashi (chef de l'UNTAC) et d'autres responsables de l'UNTAC ont même déclaré à plusieurs reprises que la situation actuelle au Cambodge ne remplit pas les conditions pour organiser des élections libres et honnêtes. Pourtant ils ajoutaient que les élections devaient se dérouler comme prévu. (...). En ce qui concerne les résultats des élections ; ils sont déjà fixés d'avance. Les marionnettes obtiendront 70 à 80% des voix et le reste sera réparti entre les différents partis pour préserver l'illusion de la démocratie.
2. Le Parti pour un Kampuchea Démocratique et toute la nation cambodgienne refusent catégoriquement ce show électoral organisé par l'UNTAC pour détruire la nation cambodgienne, ainsi que ses résultats décrétés par avance.
Un tel show électoral n'apportera pas la paix au Cambodge. Il est organisé pour jeter de l'huile sur le feu. Les anciennes et les nouvelles forces vietnamiennes poursuivent leur guerre d'occupation et leur politique fasciste, avec ses meurtres contre le peuple cambodgien et son pillage de la nation et du peuple cambodgiens.
Ce show électoral trompeur est la dernière étape dans la violation des accords de Paris du 23 octobre 1991 par l'UNTAC et de l'alliance dans et autour de l'UNTAC pour détruire la paix, l'indépendance et la souveraineté nationale du Cambodge.
Ce show électoral est un crime atroce contre la nation et le peuple cambodgien. C'est une violation flagrante du droit international et de la Charte de l'ONU. C'est pourquoi, la nation et le peuple cambodgiens, ainsi que les pays et les peuples du monde qui sont épris de paix et de justice, ne pourront jamais l'accepter. Ils s'opposeront sûrement contre ces élections organisées par l'UNTAC pour détruire le peuple cambodgien.
3. Quelle est la solution du problème cambodgien ?
Dans les circonstances actuelles, la seule issue réside dans le plan de réconciliation nationale de Son Altesse Royale Samdech Norodom Sihanouk, présenté dans sa déclaration du 1er mars 1993.
Le Parti pour un Kampuchea Démocratique, ainsi que toute la nation et le peuple cambodgiens, fera tout ce qui en son pouvoir pour soutenir le plan de Son Altesse Royale Samdech Norodom Sihanouk, chef de l'Etat, afin que le Cambodge puisse survivre.

KHIEU SAMPHAN -14 MAI 1993-

RETOUR