-2) QUELQUES REPERES HISTORIQUES.
-a) LA POLITIQUE EXTERIEURE DE SIHANOUK, UNE
CONCESSION NÉCESSAIRE AU PEUPLE
CAMBODGIEN.
Ainsi, une fois la ligne
politique du Parti bien comprise et bien assimilée,
les mouvements de lutte aussi bien à Phnom penh, dans
les autres grandes villes qu'à la campagne ont pris
un grand essor.
1963: ce fut le
rejet de l'aide américaine. Ce fut un grand
événement de lutte de notre peuple. Ce fut le
résultat de la lutte populaire, de celle des
élèves, des étudiants, des
intellectuels, des ouvriers et des paysans, des bonzes,
secondée également par la lutte de nos
personnalités qui travaillaient à
l'assemblée, au gouvernement, et appuyée par
les luttes à la campagne.
1964: une grande
manifestation a rassemblé plusieurs dizaines de
milliers de personnes à Phnom Penh contre
l'impérialisme américain et la clique du
traître Lon Nol. La même année, au mois
de Mars, une autre grande manifestation a réuni des
centaines de milliers de participants devant l'ambassade
américaine. La foule a détruit des locaux,
arraché le drapeau américain et l'a
piétiné. Ce furent autant
d'événements qui illustrent la lutte
bouillonnante de la population des villes.
1965: ce fut la
rupture des relations diplomatiques avec
l'impérialisme américain, l'aboutissement des
luttes impétueuses successives de notre
peuple.
Ces luttes ont
apporté un grand concours à la lutte à
la campagne. Elles ont créé des conditions
favorables pour consolider et développer puissamment
les forces révolutionnaires.
Quelle était
à ce moment la situation de la lutte à la
campagne ? En 1964, 1965, 1966, 1967, les luttes se
succédaient, multiformes, sans répit, à
travers tout le pays, dominées par les conflits sur
les terres.
En 1967, la
situation à la campagne, dans tout le pays,
était mûre. Le peuple s'armait de couteaux, de
haches, de bâtons et autres armes à sa
portée pour attaquer les postes de police, les
garnisons militaires. La violence révolutionnaire
atteignait désormais un niveau élevé.
C'est dans cette situation de maturation
révolutionnaire qu'un soulèvement armé
éclata en 1967 à Samlaut, province de
Battambang, déclenché par le peuple, de son
propre mouvement. Le Comité Central du Parti,
à cette époque, n'avait pas encore
décidé l'insurrection armée
générale dans tout le pays. L'explosion
armée de Battambang s'explique par le fait que le
mouvement de lutte des paysans de la région
était entré dans la phase d'ébullition.
Mais le Parti était là pour prendre la
direction du mouvement et a décidé de
suspendre provisoirement la lutte armée dans la
région de Battambang afin que tout le pays
achève ses préparatifs. Si Battambang se
lançait seul dans la lutte, l'ennemi aurait eu le
loisir de concentrer toutes ses forces pour y
anéantir les forces
révolutionnaires.
Ainsi, en 1967. la
situation dans la campagne était en pleine
ébullition. comme la paille desséchée
des mois de mars et d'avril dans les rizières, qui
n'attend qu'une petite étincelle pour
s'embraser.
-b) LE DÉCLENCHEMENT DE LA LUTTE
ARMÉE.
Après examen et
analyse des événements, nous sommes parvenus
à cette appréciation de la situation du
mouvement révolutionnaire de notre peuple. C'est
pourquoi, au milieu de 1967, après
l'expérience de l'explosion armée à
Samlaut, Battambang, le Parti a décidé le
déclenchement de la lutte armée pour
défendre la révolution et en même temps
créer les conditions permettant la consolidation et
le développement des forces révolutionnaires.
Sinon, l'ennemi aurait anéanti les forces
révolutionnaires. Il fallait déclencher la
lutte armée parce que nous avions déjà
préparé le peuple: le peuple était en
ébullition, il bouillonnait de haine de classe et de
haine nationale. Le peuple était déjà
forgé par toutes les épreuves de la lutte, il
luttait avec les mains vides, il luttait avec des
bâtons, il luttait avec des couperets.
Telle était
la situation à la campagne et dans les villes. A ce
moment-là, l'ennemi était tiraillé et
incapable de faire face aux forces révolutionnaires
car nous attaquions simultanément, dans les villes et
à la campagne, en parfaite coordination.
Se fondant sur ces
expériences, tout le Parti fut unanime sur cette
conclusion: si nous persistions dans la lutte politique et
si nous ne recourions pas à la lutte armée,
nous serions incapables de défendre les forces
révolutionnaires et à fortiori, nous serions
incapables de consolider et développer les forces
révolutionnaires.
C'est ainsi que nous
avons déclenché la lutte armée en
1968.
Janvier 1968:
insurrection dans le Nord-Ouest. Nous avons pris à
l'ennemi une dizaine de fusils qui ont été
utilisés pour la poursuite de la lutte.
Février 1968:
insurrection dans la zone Sud-Ouest. Là, les armes
prises à l'ennemi ont été plus
importantes: au total, près de 200 fusils ont
été pris à des agents de la garde
provinciale et dans des garnisons militaires. Ces armes ont
été prises à l'ennemi, non pas avec les
armes, mais bien avec les mains vides, par l'insurrection
des masses. Ainsi, désormais, nous disposions de
forces pour lancer d'assez puissantes
offensives.
Mars 1968:
insurrection dans la zone-Est. Là, l'ennemi nous a
pris le devant. Alors que le Comité Régional
était en train de se réunir en
conférence pour organiser une insurrection comme dans
le Sud-Ouest, l'ennemi a procédé au retrait
des armes. Ainsi, la zone Est, au moment du
déclenchement de la lutte armée ne
possédait que quelques fusils. Ainsi l'ennemi
était libre de s'acharner contre le peuple et les
forces révolutionnaires: avril, mai, juin, plus de
trois mois durant. Nos bases ont été
détruites. Les habitations, les villages ont
été dévastées, la population
durement frappée et dispersée. C'est seulement
au mois de Juillet que nous avons pu passer à la
contre-attaque. Nous avons lancé un assaut contre un
poste ennemi et nous avons pris 70 armes qui ont
contribué à la constitution de nos forces
armées.
Le peuple
était les mains vides, mais il était
déjà entraîné à la
violence révolutionnaire, il s'était
déjà entraîné à la lutte,
il avait acquis des expériences de lutte. Aussi le
peuple était-il capable, les mains vides, d'aller
arracher les armes à l'ennemi.
La zone Nord est
entrée en insurrection en Mars 1968: 4 armes
seulement ont été arrachées à
l'ennemi. Nous avons asséné de rudes coups
à l'ennemi et nous avons résisté
à ses contre-attaques, mais la lutte a
été assez dure.
30 Mars 1968: c'est
le tour de la zone Nord-Est d'entrer en insurrection 4 ou 5
fusils ont été pris à l'ennemi.
Ajoutés aux 3 ou 4 fusils utilisés auparavant
pour la défense du siège du Comité
Central du Parti, nous avions en tout et pour tout
même pas 10 fusils pour toute cette zone.
En
résumé, pour parler des armes, seule la zone
Sud-Ouest en possédait une quantité assez
substantielle. Les autres zones n'en avait que très
peu. De quelle qualité était ces armes ? Elles
étaient toutes de vieux modèles: sur 10 coups
tirés, un seul coup partait. Malgré cela, nous
avons néanmoins lutté. Janvier,
Février, Mars, Avril, Mai: notre mouvement de
guérilla gagna l'ensemble du pays. La guérilla
s'étendit sur 17 provinces, sur les 19 que comptait
le Kampuchea. Nous avons pris les armes au fur et à
mesure au cours des combats. Aucune région ne pouvait
venir en aide directement à une autre car elles
étaient très éloignées l'une de
l'autre. Notre organe de direction était
dispersé: il se trouvait dans le Nord-Ouest, dans le
Sud-Ouest, dans l'Est, dans le Nord-Est et à Phnom
Penh, donc dans des endroits très
éloignés l'un de l'autre. Tout contact
demandait un délai d'un mois car il fallait faire le
voyage à pied, à dos d'éléphant,
et il fallait en plus éviter continuellement l'ennemi
qui nous coupait les voies de passage. En un mois, la
situation avait beaucoup changé. Le compte-rendu sur
la situation du mois, avant qu'il ne parvienne au
siège du Comité Central situé à
Ratanakiri, ne correspondait plus à la nouvelle
situation. De même, les directives, en retour,
étaient anachroniques et ne pouvaient plus
s'appliquer à la nouvelle situation. De ce fait, les
directives ne pouvaient porter que sur la ligne
générale, les principes et les grandes
orientations. Chaque localité devait compter sur
elle-même et appliquer correctement la ligne politique
du Parti. Malgré tout, chaque localité s'est
défendue, a consolidé et a
développé ses forces avec
succès.
-c) ORGANISATION DE LA GUERRE
POPULAIRE.
Comme résultat,
de 1968-1969 à Mars 1970, nous avons établi
des bases que je vais vous énumérer comme
suit:
Premièrement,
les bases d'appui. Dans le Nord-Est, nous avions une base
d'appui solide, avec une population de 30 000 habitants. Ce
que nous appelions base d'appui, c'est une base inaccessible
à l'ennemi. En comptant les bases d'appui du
Nord-Ouest, de l'Est et du Sud-Ouest, nos bases d'appui
possédait une population d'environ 60 000 habitants.
Une population de 60 000 habitants dans les bases d'appui,
c'était appréciable.
Deuxièmement,
les bases de guérilla. Les bases de guérilla
viennent après les bases d'appui. Ce sont des bases
que nous contrôlions aussi solidement, mais où,
malgré tout, l'ennemi pouvait pénétrer
de temps à autre. Pour l'ensemble du pays, nos bases
de guérilla pendant les années 1968-1969
à mars 1970 comptaient environ 300 000
habitants.
Troisièmement, les zones de guérilla. Zone de
guérilla signifie zone qui appartient aussi bien
à nous qu'à l'ennemi. C'est une zone de
combat. Nous pouvions y pénétrer pour porter
des coups à l'ennemi. L'ennemi pouvait y
pénétrer également. Donc,
c'était une zone très
enchevêtrée. Dans la zone de guérilla
sur l'ensemble du pays, nous avions une population d'environ
700 000 habitants.
Ainsi, durant la
guerre civile des années 1968-1969 à Mars
1970, nous avions une population totale de plus d'un million
d'habitants en comptant les bases d'appui, les bases de
guérilla et les zones de guérilla dans tout le
pays.
Une telle force
n'est pas négligeable. Elle ne réside pas
seulement dans le nombre. C'est la force des paysans pauvres
et moyens-pauvres, celles d'un peuple qui est
déjà entraîné à travers
des luttes successives. C'est donc une force très
puissante.
Les mains vides au
départ, nous étions parvenus à
constituer une telle force, c'est appréciable. En
1968, nous étions vraiment les mains vides: nous
n'avions aucune arme, aucun médecin, aucun
médicament, aucun grain de riz. Cependant, nous avons
osé lutter parce que nous avions solidement entre nos
mains la force de notre peuple. Avoir la force du peuple
entre ses mains, c'était disposer de toutes les
forces révolutionnaires nécessaires: forces de
guérilla, forces armées, forces de production
pour soutenir la guerre révolutionnaire.
C'était disposer de médecins de pharmaciens,
d'agents de liaison, c'était disposer enfin de tout
ce qui était nécessaire aussi bien pour le
front que pour l'arrière.
En ce qui concerne
notre armée, au début de 1970, les
unités constituées totalisaient seulement un
effectif de 4000 combattants pour tout le pays. 4000
combattants représentaient un effectif non
négligeable pour notre guerre de guérilla.
Mais surtout, c'était une armée d'une
combativité élevée.
Je prends comme
exemple l'armée constituée de la zone
Nord-Est.
En 1968, cette
armée ne comptait que 70 combattants divisés
en 7 groupes. Chaque groupe fort de 10 combattants ne
possédait que 3 fusils. A part ces armes, il
possédait une ou deux grenades, des fusils à
percussion, des arbalètes à flèches
empoisonnées et rien d'autre. En 1969, l'effectif
s'est élevé à 10 groupes. Ce n'est que
vers la fin de 1969 que ces forces ont été
organisées en sections, puis au début de 1970
en compagnies. 30 à 40 % de l'effectif était
armé.
A l'époque
où nous n'avions que 7 groupes de 10 combattants,
l'ennemi s'acharnait déjà contre nous. En
1969, le traître Tioulong, chef d'Etat-Major ennemi,
les traîtres Lon Nol, Sirik Matak, Sak
Sutsakhân, Sosthène Fernandez et presque tous
les autres chefs militaires ennemis se sont lancés
dans une grande opération contre Ratanakiri. Ils ont
engagé 18 bataillons, soit le tiers de l'armée
ennemie, avec des unités d'infanterie, de
blindés, d'artillerie, appuyés par l'aviation.
En face, notre armée régulière du
Nord-Est ne comptait que 150 combattants: 150 combattants
qui, faute d'armement, n'avaient pas la possibilité
de combattre tous en même temps. Ils étaient
obligés de se scinder en 2 groupes de 70 combattants
chacun, se relayant au combat à tour de rôle.
En pratiquant la guérilla, nous avons pus porter des
coups à l'ennemi, défendre notre base d'appui,
consolider et développer la base de guérilla,
consolider et développer la zone de guérilla.
Nous n'avons pas limité nos actions dans la province
de Ratanakiri, nous avons pénétré dans
la province de Stung Trèng, puis dans la province de
Mondulkiri et nous avons poursuivi notre avance très
en profondeur dans les zones ennemies pour l'attaquer. C'est
ainsi qu'au cours d'une réunion du conseil de cabinet
du gouvernement ennemi en 69, le traître Tioulong, en
tant que chef d'Etat-Major général a du avouer
dans un compte-rendu pessimiste que la situation à
Ratanakiri était grave. Le traître Lon Nol de
son côté a avoué que dans la province de
Ratanakiri, les "Khmers Rouges" occupaient un territoire
équivalent à trois fois celui de la province
de Kampong Chang.
Ailleurs, la
situation n'était pas différente. Dans le
Sud-Ouest, nous attaquions l'ennemi simultanément
dans les provinces de Kampot, de Takeo et de Kampong Speu.
Dans la zone Est, nos activités s'étendaient
jusqu'à la route nationale No 7. La nuit, notre
armée était maître de la route nationale
No 7 dans sa totalité. Ainsi, au cours des
années 1968, 1969 et jusqu'en Mars 1970, nos
unités constituées ne comprenaient que 4000
combattants dans tout le pays, mais cette armée avait
de hautes qualités combattives.
En ce qui concerne
nos activités de guérilla, nos unités
comptaient dans tout le pays, 50 000 combattants au
début de 1970. 50 000 guérilleros qui
assaillaient partout l'ennemi. Les guérilleros
allaient au combat, même seul, même à
deux, même à trois, même avec un seul
fusil, un rudimentaire fusil à percussion, une
arbalète, une grenade ou une mine. Ils combattaient
sous n'importe quelle forme avec n'importe quelle arme. Ils
étaient très actifs. Ils ne se
plaçaient pas sur la défensive. Ils
n'attendaient pas l'ennemi. Ils allaient constamment en
avant, à la recherche de l'ennemi, suivant la ligne
qui consiste à attaquer pour mieux se
défendre. Pour pouvoir défendre les bases
d'appui, il fallait mener des actions offensives, il fallait
attaquer l'ennemi en avant. C'est seulement en attaquant
l'ennemi en avant qu'on l'empêchait de venir dans
notre zone. Ainsi, les unités de guérilla
allaient combattre partout, car elles étaient
formées d'habitants de la région qui
connaissaient à fond chaque terrain, chaque
forêt, chaque ruisseau, chaque
vallée.
Dans ses
opérations, l'ennemi mobilisait contre nous
l'infanterie, les tanks, l'artillerie, les véhicules
de transport, l'aviation. Cependant, dans le Nord-Est, de
même que dans les autres régions montagneuses
et forestières, l'aviation, les tanks, (artillerie et
les véhicules de transport ennemis perdaient leur
efficacité. Les bombes et les obus lancés au
hasard sur les immenses forêts et montagnes se
perdaient au milieu des arbres et des rochers et ne
causaient jamais la moindre perte à notre population.
Quant aux tanks et véhicules de transport, nos
grandes forêts et nos montagnes leur étaient
inaccessibles. Il restait l'infanterie. Contre celle-ci,
nous posions des pièges des chausses-trappes, des
épieux de toute sortes et nous dressions des
obstacles en abattant des arbres à travers tous les
sentiers, les chemins, les routes. Si l'ennemi
s'entêtait à y pénétrer, il
était à la merci de nos unités de
guérilla qui étaient les maîtres du
terrain, dans leurs propres forêts.
Telle est la guerre
du peuple, fondée sur la guerre de guérilla.
La guérilla menée partout, où n'importe
qui peut combattre.
Nous pouvions ainsi
mobiliser tout le peuple pour attaquer l'ennemi sans
attendre les unités constituées. C'est ce qui
prouve l'efficacité de notre ligne de guerre
populaire fondée sur la guerre de
guérilla.
Avec des
unités de guérilla de 50 000 combattants, dans
tout le pays, nous attaquions partout, sans répit.
Tout le monde, sans exception, cherchait n'importe quel
moyen pour anéantir l'ennemi, en n'importe quel
endroit. Si chaque groupe de trois guérilleros ou
unité de dix guérilleros parvenait à
anéantir un ennemi par jour, tué ou
blessé, 50 000 guérilleros dans tout le pays,
cela fait un nombre considérable d'ennemis
quotidiennement mis hors de combat. C'est ainsi que les
forces ennemies étaient continuellement affaiblies
par nos guérilleros.
Nous avons foi dans
notre ligne de la guerre du peuple. Nous avons foi non pas
dans les armes, mais dans notre ligne de la guerre
populaire.
Notre armée
comptait 4000 combattants et nos unités de
guérilla, 50 000. Après le coup d'Etat de
l'impérialisme américain et du traître
Lon Nol, ces unités se transformèrent
immédiatement en unités régionales et
en unités de l'armée régulière,
en compagnies et en bataillons. Celles-ci n'étaient
pas constituées à partir des habitants
ordinaires. Elles étaient bien issues des
unités de guérilla, unités ayant
déjà derrière elles deux à trois
années de combat. Ces unités étaient
donc rompues au combat. C'est cela qui a surpris
l'ennemi.
L'impérialisme américain, malgré ses
systèmes électroniques et ses réseaux
serrés d'espionnage ne s'est pas moins trompé
sur l'évaluation stratégique de nos forces. Il
s'est lourdement trompé dans ses calculs, aussi bien
dans le domaine politique que dans le domaine militaire.
Dans sa stratégie politique il avait prévu
que, après le coup d'État, le triste Lon Nol
pourrait rassembler les "Khmers Rouges" alors qu'au
contraire, c'est la révolution qui a rassemblé
toutes les forces nationales et populaires dans tous le pays
pour mener une attaque foudroyante contre
l'impérialisme américain. Ainsi, il a commis
une grossière erreur stratégique dans le
domaine politique. Deuxièmement, dans le domaine
militaire, il avait estimé que nous n'avions ni
armée, ni aucune force militaire. Il avait
prévu qu'après le coup d'Etat, ses forces
militaires combinées, avec le concours de
l'armée du traître Lon Nol, n'auraient aucune
difficulté pour nous écraser d'un seul coup.
Cependant, en vérité, nous possédions
déjà 4000 combattants dans nos unités
constituées et 50 000 combattants dans nos
unités de guérilla qui étaient bien
entrâmes et bien rompus au combat.
Immédiatement
après le coup d'Etat, des manifestations et
insurrections populaires impétueuses
éclatèrent à travers tout le pays,
balayant l'ennemi comme un raz de marée, emportant le
pouvoir ennemi par pans entiers dans les villages, les
communes, les districts et dans certaines provinces. Le
pouvoir révolutionnaire s'installa
immédiatement partout. Des dizaines de milliers
d'armes arrachées à l'ennemi passèrent
immédiatement aux mains des Forces Armées
Populaires de Libération Nationale depuis les
unités de l'armée régulière
jusqu'aux forces régionales et les unités de
guérilla de district, de village et de commune.
Ainsi, nous disposions d'unités constituées en
nombre suffisant. Avec le concours des unités de
guérilla, nos forces armées sont
passées à l'attaque partout, dans tout le
pays, dans un puissant élan offensif et avec une
totale maîtrise.
Ainsi,
l'impérialisme américain a commis
également une erreur stratégique
grossière dans le domaine militaire. Mais, même
dans le cas où ses estimations et prévisions
avaient été justes, il ne pouvait nullement
échapper à la défaite. Même s'il
avait été en mesure de connaître avec
exactitude nos forces, il ne pouvait échapper
à la défaite car notre guerre populaire de
libération nationale est une guerre
invincible.
Nous pouvons ainsi
qualifier notre guerre populaire parce qu'elle est celle du
peuple, c'est le peuple tout entier qui fait la guerre, de
son propre mouvement. Toutes les forces dans tout le peuple
bougent et assènent des coups à l'ennemi sur
tous les fronts et dans tous les domaines, avec n'importe
quelle arme, avec esprit créateur et avec esprit
d'initiative.
Notre guerre
populaire est invincible. Telle est notre conviction . Une
conviction basée sur notre confiance et notre
fierté envers notre peuple et envers notre
armée. Avec notre peuple et notre armée, nous
avons pu libérer notre pays. De même, nous
sommes assurés de pouvoir le défendre parce
que d'une part, nous nous tenons fermement du
côté de la justice, nous nous en tenons aux
justes principes révolutionnaires, nous ne violons la
souveraineté d'aucun pays, nous ne nous
ingérons dans les affaires intérieures
d'aucuns pays, et parce que d'autre part, la guerre
populaire destinée à assurer la défense
de notre pays comme celle qui naguère a
été menée pour la libération
nationale, revêt un caractère scientifique issu
de la pratique révolutionnaire des masses et s'appuie
profondément sur les masses.
Nos combattantes
également, ont été très
vaillantes. Dans l'histoire de notre armée, nous
possédons des unités féminines qui sont
des bataillons et des régiments. Ces unités
ont participé au combat, en première ligne,
sur les différents fronts, en particulier sur le
front du Mékong inférieur, sur les fronts aux
alentours de Phnom Penh et sur le front de Phnom Penh
même au cours de la dernière offensive
générale de 1975. Pourquoi cela a-t-il
été possible ? C'est parce que notre peuple
tout entier faisait la révolution et que nous avions
un puissant mouvement révolutionnaire.
NOTE FINALE:
C'est ainsi
que ceux qu'on appelait à Phnom Penh les "Khmers
Rouges" réussirent non seulement à
éliminer un régime devenu de plus en plus
odieux à tout le peuple, régime où la
corruption était reine, plus soucieux de construire
des casinos que de donner à manger au peuple. Mais
également les Khmers Rouges réussirent
à vaincre l'impérialisme américain
installé dans le pays militairement depuis 70.
On s'en
souvient, en 1970 a eut lieu un coup d'État
mené par Lon Nol, premier ministre depuis 68, homme
des américains.
Depuis
déjà 2 ou 3 ans, les forces
Américano-Sud-Vietnamiennes, exerçaient leur
"droit de suite". Sans doute eux aussi "à chaud"
comme le disent aujourd'hui les Vietnamiens selon la bonne
logique impérialiste. Mais nous n'en sommes pas
encore là. Défoliations, bombardements de
villages, paysans tués, les Cambodgiens
n'étaient pas hors du combat. La 4ème ceinture
de Saigon s'étendait de fait jusqu'à une
vingtaine de kilomètres à l'intérieur
du Cambodge.
La
résistance Vietnamienne progressait ayant
déjoué tous les plans américains.
"Pacification", "guerre spéciale". Bombardement du
Nord. Vietnamisation de la guerre, etc...
* * *
III) LES PREMIERES DIVERGENCES.
Mais où en
était l'unité des deux peuples ?
Il est un
fait certain, c'est que l'unité est demeurée
le facteur principal. Si nous n'avons connaissance
qu'aujourd'hui des divergences qu'ont pu connaître le
Parti du Travail du Vietnam et le Parti Communiste du
Kampuchea, c'est que les dirigeants eux-mêmes ont
considéré et pratiqué l'unité
principalement.
Nous l'avons
vu dans un premier temps, ce sont les Vietnamiens qui
à la fois dirigent et sont moteurs dans la lutte
contre le colonialisme en Indochine. Ils formeront une bonne
partie des cadres du Parti et de l'armée Cambodgienne
à ses débuts. Puis se dessinent des voies
autonomes pour chaque pays, voies correspondant aux
problèmes particuliers, nationaux, qu'ont à
résoudre les révolutionnaires, tant
Vietnamiens que Cambodgiens. C'est le programme du FNL d'une
part, celui du P.C.K. d'autre part puis du Front Uni
National du Kampuchea (FUNK) à partir de 1970.
La guerre
d'agression des américains ne s'arrête pas aux
frontières du Vietnam. Le Cambodge est un
arrière sûr souvent nécessaire aux
Vietnamiens, tant du point de vue des combattants qui s'y
replient et s'y nourrissent que du point de vue de
l'approvisionnement en armes: c'est la piste Ho Chi Minh qui
passe par le Cambodge.
D'autre part,
le gouvernement socialiste du Nord-Vietnam se doit tant du
point de vue de l'intérêt de la lutte au Sud
que du point de vue du peuple Cambodgien d'avoir une
politique d'État à l'égard du
gouvernement Cambodgien de Sihanouk. Soutenir tant qu'elle
représente une réalité la
neutralité du Cambodge, aussi ambiguë soit-elle
c'est une bonne chose. Cela n'indique rien de la politique
que doivent suivre les révolutionnaires
Cambodgiens.
De même
pour les révolutionnaires Cambodgiens face à
la volonté des américains d'isoler le F.N.L. -
bombardement de la piste Ho Chi Minh, il était de
leur devoir de tout faire pour empêcher la fermeture
du Cambodge. Pourtant, respecter l'autonomie de chacun tout
en dégageant les points d'intérêts
communs aux uns et aux autres n'étaient pas chose
facile.
Le passage
à la lutte armée des Cambodgiens ne
risquait-il pas d'étendre la guerre au Cambodge et
donc de priver les Vietnamiens d'un arrière
nécessaire.
Inversement,
la présence des combattants Vietnamiens au Cambodge
ne risquait-elle pas de renforcer la propagande
anti-Vietnamienne et pro-américaine des
autorités Cambodgiennes et de rendre plus difficile
le travail des révolutionnaires Cambodgiens ?
Toutes ces
questions se posèrent. Il semble en effet que la
première divergence que rencontrèrent les
révolutionnaires Cambodgiens et Vietnamiens porte
précisément sur la question de savoir si les
Cambodgiens devaient s'engager ou non dans la lutte
armée. Mais aussi sur la question de
l'indépendance et de la souveraineté des
Partis.
Les documents
que nous utilisont sont extraits pour la plupart, en ce qui
concerne les Cambodgiens, d'un texte publié par le
Kampuchea Démocratique en 1978 intitulé "Faits
et preuves des actes d'agression et d'annexion du Vietnam
contre le Kampuchea"; en ce qui concerne les Vietnamiens
"Dossier Kampuchea" dans Études Vietnamiennes
Hanoï 1978.
A) SOUTIEN RÉCIPROQUE OU DOMINATION DES PLUS
FORTS ?
"Dès
qu'ils surent que le Parti Communiste du Kampuchea
s'était définitivement organisé, les
Vietnamiens ont commencé à lancer des attaques
systématiques contre la révolution du
Kampuchea. Dans ce but, ils ont utilisé plusieurs
procédés dont notamment les deux
suivants:
- ils ont
organisé en secret un autre organe de direction, un
autre parti à l'insu des révolutionnaires du
Kampuchea (NDLR: il s'agit sans doute du Parti Populaire
Révolutionnaire Khmer). Les hommes que les
Vietnamiens ont mis en place étaient des anciens
cadres qu'ils avaient formés avant les accords de
Genève de 1954 et qui par la suite ont fait parti du
groupe Pracheachon (Cf plus haut). Certains
éléments de ce groupe attaquaient ouvertement
le P.C.K. alors que d'autres menaient des manoeuvres de
séduction à l'intérieur même du
Parti.
- les
Vietnamiens attaquaient eux-mêmes la politique du
Parti Communiste du Kampuchea. Ils s'opposaient totalement
à la ligne du Parti Communiste du Kampuchea depuis
1960.
Ils
étaient contre l'analyse du PCK sur la division des
classes dans la société du Kampuchea. Ils
prétendaient que le Kampuchea ne réunissait
pas encore les conditions d'une société
divisée en classes. Ils affirmaient que la
société du Kampuchea présentait les
mêmes caractéristiques que celle du Laos.
En rejetant
l'analyse des classes du P.C.K. il était clair que
les Vietnamiens s'opposaient à toute la ligne du
Parti.
- ils
étaient contre la ligne d'indépendance et de
souveraineté du P.C.K.
- ils
s'opposaient également à la ligne consistant
à mener en même temps la lutte armée et
la lutte politique.
A l'appui de
leurs arguments, les Vietnamiens se référaient
à la résolution des 81 partis réunis
à Moscou en 1960 qui considérait la
défense de la paix dans le monde comme la tâche
prioritaire"
Phnom Penh 1978 Septembre
(Dossier Noir)
B) UNE CONCEPTION DIFFÉRENTE DE LA
RÉVOLUTION: différence qui divise le camp
socialiste à l'époque.
Il est
intéressant de constater que les Cambodgiens font ici
référence à la conférence des 81
partis réunis à Moscou. Cette
conférence opposa en effet violemment un certain
nombre de partis dont principalement le PCC et le PTA (Chine
et Albanie) à l'URSS et elle marque une étape
importante dans la scission du mouvement communiste
international.
Le PCC
s'opposait au PCUS notamment sur les points suivant:
1) Le fait
que pour le P.C.U.S. la coexistence pacifique et la
compétition économique sont la ligne
générale de la politique extérieure des
pays socialistes.
2) La
thèse du passage pacifique au socialisme.
3) La
thèse selon laquelle les pays socialistes ne peuvent
agir "isolément" thèse qui pour le PCC
"s'oppose en fait à ce que les pays socialistes
suivent dans leur édification le principe consistant
à s'appuyer essentiellement sur leurs propres
forces".
4) La
thèse concernant l'opposition à ce que l'URSS
appelle les "activités de groupes et de fractions" au
sein du mouvement communiste international. Thèse qui
tend en réalité à faire obéir
les Partis frères à la baguette de la
direction du PCUS, à liquider les principes
d'indépendance et d'égalité
régissant les rapports entre les partis frères
. (Cf à ce propos : "A propos de la lettre ouverte du
Comité Central du P.C.U.S." réponse du P.C.C.
1963 Pékin).
Les
Vietnamiens, comme le P.C.U.S. pensent qu'à partir du
moment où les pays sont indépendants, le
passage pacifique au socialisme est la voie à suivre.
Ils pensent que les Cambodgiens n'ont pas à entrer
dans la lutte armée. Ils pensent, comme tous ceux qui
se regroupent autour de l'U.R.S.S., les
révisionnistes, que le capitalisme doit se
développer pour que la lutte des classes puisse
exister. C'est ainsi que l'on peut comprendre leur
opposition à l'analyse des Cambodgiens. Ils
envisagent un type "d'indépendance" et de
développement tout à fait différent de
celui qu'envisage les Cambodgiens. Pour éclairer ce
point nous envisageons d'étudier la question du
développement du Nord-Vietnam. D'interroger sa
conception du développement industriel (la
révolution scientifique et technique) et son plan de
réforme agraire.
C'est sur la
question de la paysannerie que divergent l'analyse des
Cambodgiens et des Vietnamiens.
C) DES INTÉRÊTS PARTICULIERS.
Outre un accord
idéologique avec les positions de l'U.R.S.S., les
Vietnamiens ont alors un intérêt tout
particulier à ce que le Cambodge reste neutre: c'est
pour eux un arrière sûr tant du point de vue de
l'approvisionnement en armes et munitions que du point de
vue du repli des combattants.
Pour eux,
soutenir la politique de paix et de neutralité de
Sihanouk, c'est une nécessité. Mais compter
uniquement sur leur politique extérieure
d'État pour y parvenir est une erreur, imposer cette
politique aux Cambodgiens également. Les Vietnamiens
n'ont pas pris en compte que c'était bien le rapport
du peuple Cambodgien à la politique de Sihanouk et
inversement de Sihanouk au peuple qui pouvait permettre au
Cambodge de maintenir une telle politique. Ils ont
monnayé leur présence au Cambodge contre
l'indépendance et l'autonomie des
révolutionnaires Cambodgiens. D'abord la
libération du Vietnam, ce qui constituera un point
fort sur lequel les autres mouvements en retard pourront et
devront s'appuyer. On voit là se profiler une
politique qui deviendra celle du diktat dans la
région. Les Vietnamiens le disent aujourd'hui. Leur
'droit d'intervenir' , c'est celui qu'avait l'U.R.S.S.
d'intervenir en Tchécoslovaquie.
En
rapprochant les thèmes qui ont été au
coeur de la scission du mouvement communiste international,
la voie qu'aujourd'hui a choisie le Vietnam et les critiques
et attaques dont les Cambodgiens disent avoir
été l'objet, on a de bonnes raisons de penser
que ces similitudes sont significatives. La lutte à
propos de la ligne politique qui comme le disent les
Cambodgiens était menée jusqu'au sein
même des organes de direction du Parti par des cadres
dirigeants est celle-là même qui causa la mort
du Mouvement Communiste International.
Mais
continuons.
En 1965, une
délégation du P.C.K. dirigée par Pol
Pot, secrétaire du Parti, se rend à pied
depuis la base révolutionnaire au Kampuchea
jusqu'à Hanoï. Elle est reçue par Le
Duan. Ce dernier remet un document à la
délégation.
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