Contributions au débat...

Les 2 articles ci-dessous ont d'après ce qu'indique son auteur "d'abord un but directement politique en fournissant des éléments sur le bilan de l'histoire du PCF dans la lutte contre le révisionnisme, les lecons, les limites et que faire pour reconstruire aujourd'hui le PC en France."
Le texte sur la lutte dans le PCF entre 39-47 n'est que l'élargissement de l'analyse du texte "La renaissance du PC en France et la lutte contre le révisionnisme. Quel bilan ?, Que faire ?"

Les EP ne partagent pas forcément ni automatiquement toutes les analyses de l'auteur de ces 2 textes. Mais pour nous l'important est de connaitre le contenu de ces textes, car il donne un éclairage très intéressant du point de vue historique sur le processus opportuniste et le révisionnisme dans le PCF. Ces textes nous paraîssent aussi intéressants car ils ne tombent pas dans le travers de certains groupes des années 70, sans doute sincères dans leur volonté révolutionnaire, mais qui confondaient antirévisionnisme et anticommunisme et qui condamnaient l'ensemble du Parti communiste français de sa fondation à nos jour.

Texte 1
Aperçu de la lutte entre 2 lignes dans le Parti Communiste Français. 1939-47.

-La mise en danger de la vie du Parti par son légalisme. 1939-1941
-La Résistance anti-fasciste, le point le plus haut atteint par la classe ouvrière dans sa lutte pour le pouvoir.
-La Libération de 1944-45 et les illusions parlementaires du PCF.
-Les critiques anti-révisionnistes du PCF par le mouvement communiste européen.
-Le PCF dans les années 30-40 et la révolution socialiste. Quelles leçons, quel bilan ?

Texte 2
La renaissance du PC en France et la lutte contre le révisionnisme. Quel bilan ?, Que faire ?

-La lutte entre 2 lignes dans le Parti Communiste Français
-Les premières tentatives pour reconstruire le parti communiste
-D'autres limites du mouvement communiste français et international
-La situation actuelle et la putréfaction du régime de la V république
-La reconstruction du parti communiste
-Notes
-Des extraits d'une brochure intitulée : Staline contre le révisionnisme ( éditée par le groupe Ligne Rouge - décembre 1969- ) Cette brochure est disponible en version complète et numérisée sur ce site des EP.

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Aperçu de la lutte entre 2 lignes dans le Parti Communiste Français. 1939-47.

La mise en danger de la vie du Parti par son légalisme. 1939-1941

Après l'instauration du régime nazi en Allemagne (1933) et l’offensive fasciste dans toute Europe, le PCF et l'Internationale Communiste (IC) passèrent de la ligne du front unique (qui se limitait à la classe ouvrière) à la ligne du Front populaire antifasciste (étendu à toutes les classes, forces politiques et personnalités qui s’opposaient au fascisme) et au gouvernement de front populaire. Pendant cette période, les limites et les déviations de droite du Parti communiste français dans sa compréhension des lois de la révolution socialiste se manifestèrent à plusieurs occasions.

La ligne du Front antifasciste populaire (approuvée par le VIIe Congrès de l'Internationale Communiste, août 1935 fut appliquées comme une politique d'alliance avec des forces politiques et syndicales, sans considérer l'autonomie du parti et la direction du parti communiste dans le Front. Par conséquent, le parti communiste dut ensuite subir sans arrêt le chantage des partis sociaux-démocrates et bourgeois et dépendre d'eux jusque, dans une certaine mesure, dans son action vers les masses populaires.

Jacques Duclos , l'un des plus grands représentants du PCF de ces années après le secrétaire M.Thorez, résuma ainsi les devoirs du parti communiste en 1935 en France : "mettre comme objectif du mouvement ouvrier, la lutte pour la défense et l'agrandissement des libertés démocratiques devant le fascisme". Le PCF très tôt adopta comme idéal " la nation " et voulut " réconcilier le drapeau national et le drapeau rouge ". Le 14 juillet 1935, les communistes arborent conjointement le drapeau bleu-blanc-rouge et le drapeau rouge et entonnent La Marseillaise. Dès l'été 1934, Maurice Thorez affirmait : " Nous aimons notre pays ". Le PCF est l'objet d'un rappel à l'ordre de l'IC lorsque il emploi le mot de " patrie ". Parallèlement, le 18 mai 1936, Dimitrov et l'IC assignent pour but au " Front Unique de la lutte pour la paix ", le " contrôle des masses organisées sur la défense du pays ". L'IC donnait pour consigne aux communistes de refuser les crédits militaires et l'augmentation de la durée du service militaire à leur bourgeoisie. Malgré les avertissements de l'IC, le PCF alla plus loin et vota pour la première fois de son histoire le budget de guerre de la France au parlement, le 30 décembre 1936, qui planifiait le plan de réarmement et de militarisation du pays. Plus tard, le gouvernement du Front populaire fut éliminé en 1938 par la voie parlementaire. A la même époque, Mao critiquait les communistes chinois qui voulaient adopter aussi en Chine le mot d'ordre du PCF "Tout à travers le Front", niant ainsi l'autonomie du Parti communiste chinois dans le Front anti-japonais.

En août 39, lors de la signature du pacte germano-soviétique de non-agression, la bourgeoisie française en profita pour accuser les communistes français de complicité avec l'Allemagne, en exigeant qu'ils récusent le pacte qui n'était pas de leur ressort. Le PCF voyait dans le pacte " une consolidation de la paix " qui ne privera aucun peuple de sa liberté. " (Déclaration du PCF, 25 août 1939), adoptant la défense de l'Union soviétique comme tache essentielle face aux coalitions et menaces de guerre contre elle.

Suivant la ligne du PCF, Thorez appelait " à l'Union de tous les Français grâce à laquelle les fauteurs de guerre fascistes seront contraints de reculer. " (Communiqué du groupe parlementaire communiste du 25 août 39). Le 26 août 39, le gouvernement de Daladier interdit L'Humanité et procèdent à l'arrestation des militants communistes qui distribuaient des tracts de soutien au pacte germano-soviétique de non-agression. Néanmoins, le PC continuait à appeler à " l'Union nationale " malgré les persécutions policières. Le 1er septembre, l'Allemagne attaque la Pologne. Le même jour le gouvernement de Daladier proclame l'état de siège, liquide la liberté de parole, de presse et de réunions. Le 2 septembre le gouvernement s'adresse au Parlement pour demander l'augmentation du budget militaire. Le groupe parlementaire du PCF comme tous les autres groupes, sans discussion et sous les applaudissements, vota à l'unanimité les crédits de guerre une nouvelle fois. Le PCF incluait le front anti-fasciste jusqu'à participer à la militarisation de la France sans voir la contradiction avec la revendication de paix et de liberté proclamée. Le 3 septembre, l'Angleterre et la France déclarent la guerre à l'Allemagne. La presque totalité de la direction nationale et locale du Parti, Thorez en tête, répond avec des milliers de communistes de base à l'appel aux armes et sont mobilisés.

Mais cela n'empêcha pas la bourgeoisie de redoubler ses coups contre les communistes. Entre temps, le PCF suivit la nouvelle tactique de l'IC selon laquelle l' "ancienne distinction entre états fascistes et soi-disant démocratiques a perdu sens politique ". Les communistes des pays capitalistes devaient " s'opposer résolument à leur gouvernement et à la guerre ". (Staline à Dimitrov, 7 septembre 1939).

Le 26 septembre, le PCF est interdit et toute activité " tendant à propager les mots d'ordre de la IIIe Internationale " (Journal officiel de la République Française : lois et décrets, 27 septembre 39). La situation est telle que des milliers de ses membres sont arrêtés par le gouvernement français. Il y eu 3400 arrestations au total. L 'organisation du parti sauta presque entièrement, obligée à la clandestinité. 44 des 74 députés du PCF qui avait appelé le Parlement (manifeste et lettre à Herriot) à se réunir au Parlement pour débattre du " problème de la paix " en expliquant que cette guerre pour la France allait compromettre " à a fois son avenir et ses libertés démocratiques " sont traduits en justice. Ils seront finalement condamnés à 5 ans de prison et de privation de droits civils et politiques (certains comme Thorez par contumace). Ceux qui se sont dissociés (3 députés) reçoivent une peine atténuée, ainsi remerciée pour leur dissociation du Parti.

A la réunion du præsidium du Comité Exécutif de l'IC, le 19 et 20 octobre 39, où il fut question de la " position et de la tactique des partis communistes dans les conditions de la guerre impérialiste ", André Marty, membre dirigeant du Comité Central du PCF, fit un rapport. Il expliqua que les déclarations du PCF au début de la guerre étaient la " capitulation indiscutable de sa direction " qui par sa " position capitularde " et " par un glissement parlementaire ultra-légaliste " a " désarmé le parti et la classe ouvrière ". Marty critiqua aussi le manifeste " Il faut faire la Paix " et la lettre adressée à Herriot, considérant qu' " une telle paix n'ait qu'un super-Munich qui sûrement orientait le nouveau bloc contre l'URSS ". Il expliquait aussi " devant le juge d'instruction, les députés [communistes] eurent une attitude fausse. " Enfin, il parla de " l'opportunisme poltron " de la direction (Thorez).

Le 9 février 40, l'IC fit une déclaration qui taxait la direction du PCF de " lourdes fautes " qui " répétait des formules périmées et par conséquent erronées (défense de la démocratie, union de la nation) jusqu'à parler de " l'unité française ". La résolution notait une " certaine cristallisation des tendances opportunistes jusque dans les organes dirigeants (CC et groupe parlementaire). L'IC demandait de lutter sous le mot d'ordre " A bas la guerre impérialiste, paix immédiate " mais avertit le Parti qu'il ne devait pas " copier mécaniquement les mots d'ordre mis en avant pendant la précédente guerre impérialiste. " comme par exemple la " transformation de la guerre impérialiste en guerre civile. "

On a parlé pour cette époque d'un " revirement " et d'une erreur temporaire de la politique de l'IC par rapport au précédent front populaire anti-fasciste qui fut finalement élargit plus tard en front national anti-fasciste armé. Mais il faut comprendre que la Seconde guerre mondiale fut à la fois une guerre entre groupes impérialistes et une guerre entre classe ouvrière et bourgeoisie impérialiste. La contradiction entre les deux aspects a caractérisé la nature, le cours et le résultat de la Seconde guerre mondiale. Parmi ceux qui ne comprennent pas cette contradiction ou qui, par opportunité politique, la nient, certains accentuent unilatéralement un aspect (guerre interimpérialiste), d'autres l'autre (guerre de classe). Les uns et les autres montrent leur méconnaissance des faits et ils s'enfoncent dans un enchevêtrement de contradictions logiques d'où ils n'arrivent plus à en sortir. Malgré tout, il faut reconnaître que le PCF s'acquitta pendant cette période de son devoir de défense de l'Union Soviétique.

Plus tard, Thorez témoigna dans ses notes que Benoît Frachon, membre dirigeant du Parti avait été le " responsable principal " de l'organisation clandestine en France après son interdiction. Malgré les nombreuses arrestations et le décret sur la peine de mort appliqué aux communistes, il a su assurer l'édition régulière de L'Humanité et d'autres publications clandestines. A l'aide du courrier et d'envoyés, Frachon communiquait avec Thorez et Marty à Moscou, ainsi qu'avec Duclos, Tréand et Clément à Bruxelles, qui avaient une liaison directe par radio avec l'IC. Ce n'est qu'une fois éclatée la seconde guerre mondiale, avec le caractère double de guerre inter-impérialiste et de guerre de classe, que petit à petit l'IC et les partis communistes dans les pays impérialistes adoptèrent la ligne de résistance armée contre le nazi-fascisme. Quoi qu'il en soit, tout ces faits montrent que le PCF était :

.....1) ....empêtré dans le légalisme et les illusions parlementaires.

.....2) ....ne concevait pas de manière dialectique les périodes de paix et de guerre qui se succédaient et ne comprenaient pas qu'elles faisaient partie de la forme de la révolution socialiste qui était une guerre populaire révolutionnaire de longue durée.

.....3) ....la manifestation d'une lutte entre deux lignes, entre gauche et droite qui ne cessa de se manifester dans le PCF, sans que la situation soit dépassé dans cette période.

.....4) ....André Marty et Benoît Frachon (numéro 3 du PCF et dirigeant CGT) représentaient la gauche du parti qui prenait appui sur l'IC. La lutte souvent spontanée, instinctive et diffuse de la gauche contre la droite eut pour objectif de réorganiser le parti et reconstruire la direction. Marty, l'une des figures de la gauche, attribuait les problèmes et le danger d'écroulement du Parti à l' opportunisme et au légalisme du parti.

L'effondrement de l'Etat français en mai-juin 1940, la liquéfaction de différents Etats nationaux devant l'avancée de Hitler après 1938 (Tchécoslovaquie, Autriche, Pologne, Belgique, Hollande, Danemark, Norvège, Yougoslavie, Grèce, etc.), l'effondrement du fascisme en juillet 1943 en Italie, etc. ne permirent pas non seulement l'instauration de la dictature du prolétariat, mais le parti communiste ne fut même pas apte à donner une direction aux forces populaires en 1939-40 que l'effondrement du vieil état libérait parce qu'il ne s'était pas mis dans des conditions favorables pour pouvoir prendre la tête du mouvement politique dans la nouvelle situation ; il ne s'était pas préparé et il n'avait pas accumulé l'expérience et les structures pour diriger la guerre, il n'avait pas conçu la forme de la révolution prolétarienne selon sa nature réelle. En résumé, le PCF ne s'était pas assez libéré, dans la réalité et non seulement dans les déclarations, de la conception prévalant du temps de la Seconde Internationale (la conception de parti le plus à gauche des partis de la société bourgeoise, de parti qui lutte pour faire valoir les intérêts de la classe ouvrière dans la société bourgeoise, de porte-parole dans la société bourgeoise de sa partie la plus avancée).

Le 4 juin 1940, la direction du PCF (Thorez et Marty) et du secrétariat de l'IC, fit un projet de déclaration:
......" dans la situation actuelle le mot d'ordre de lutte pour la paix, pour la cessation immédiate de la guerre ne suffit plus […] les travailleurs sont hostiles à la bourgeoisie allemande […] Il faut donner la parole au peuple. Il faut procéder à de nouvelles élections générales pour une Assemblée populaire nationale, en assurant le vote des soldats et des femmes. "

Le 8 juin 40, nouveau projet de déclaration :

" Le PC sent que les masses populaires, dans leur majorité, ne sont pas encore acquises à de telles solutions révolutionnaires. Il ne pose donc pas la question du pouvoir, ce qui serait, en ce moment, pour les éléments acquis aux intérêts du Capital, le prétexte pour consommer leur trahison, pour provoquer l'effondrement et la rupture du front, plutôt que de renoncer à leurs privilèges ".

Le même mois, le général De Gaulle, secrétaire d'Etat à la guerre, refuse la défaite et lance un appel à la résistance le 18 juin 40 à la BBC (" La France a perdu une bataille mais pas la guerre "). Le gouvernement de Vichy auquel tout les pouvoirs sont données par les parlementaires y compris les socialistes qui votent pour ou s'abstiennent, est un état de contre-révolution inspiré du nazi-fascisme et du libéralisme où l'administration publique et les tentatives de planification économique correspondent aux tendances à long terme de la politique et de l'économie du capitalisme monopoliste d'Etat.

Pendant cette période la structure du PCF est gravement désorganisée à cause de la persécution et du départ de beaucoup de communistes sous des drapeaux pendant la " drôle de guerre ". Comme on l'a dit c'est seulement à partir de la fin 40-début 1941 que petit à petit le PCF a assumé la guerre révolutionnaire comme une des formes principales d'activité. Le PCF élargit alors sa ligne du front populaire en fondant un front uni national contre l'occupant allemand. Mais avant cela, le PCF connut une lutte entre deux lignes qui mit en grave danger le parti à cause de son légalisme dont le summum fut la ligne de Tréant après l'occupation allemande du territoire français.

Duclos, Marcel Fried et surtout Maurice Tréand tentèrent d'établir des pourparlers avec les occupants allemands en juin-juillet 40 pour faire reparaître l'Humanité (interdite depuis 1939). Le n°57 de l'Humanité du 24 juin finira par paraître avec le communiqué des autorités allemandes. En fait, il apparaît que Duclos était assez isolé et ne tenait ses informations de l'extérieur que par la bouche de Tréand qui assurait la liaison interne avec l'IC. Ce dernier est le véritable promoteur de cette ligne légaliste. Frachon (en zone non-occupée), resta complètement en dehors de l'initiative et demanda des explications à Duclos. Thorez à Moscou était lui aussi inquiet : " Utilisez moindre possibilité favorable pour faire sortir journaux syndicaux, locaux, éventuellement Humanité en veillant que ces journaux restent sur ligne défensive intérêts sociaux et nationaux peuple et ne donnent aucune impression de solidarité avec envahisseurs ou leur approbation. " (Directive du 22 juin 40). Il écrivit aussi :

...... " Insistons fortement sur très grave danger que fait courir au parti le plan des autorités d'occupation. Elles veulent utiliser la force du Parti pur essayer de remédier à leurs difficultés, pour faire marcher les usines de guerre. Elles veulent faire supporter au parti la responsabilité du chaos actuel et de la misère des masses. Par une attitude de libéralisme apparent à l'égard des communistes, les envahisseurs veulent aussi saper dans les masses la confiance en notre parti. En même temps ils veulent exercer une pression sur les hommes de Vichy en les menaçant d'un prétendu gouvernement révolutionnaire. Toutes ces manœuvres et intrigues aboutiraient à discréditer, à compromettre le parti. Le parti doit repousser toute collaboration avec envahisseurs, rejeter toute obligation envers eux. Les liaisons avec Abetz [responsable allemand] et autres doivent cesser immédiatement. "

La direction se reconstitua à la mi-août 40. L'activité semi-légale des élus municipaux et des syndicalistes facilita les arrestations massives du début du mois d'octobre. A partir de ce moment la rectification organisationnelle et politique est en marche, mais ne se réalisera que lentement en raison des flottements qui continuent d'affecter, au moins en région parisienne, la direction du parti (Tréant). La répression anti-communiste ne se dément pas. Désormais, les autorités allemandes agissent de concert avec la police française pour démanteler les organisations communistes. Les arrestations de décembre 40 viennent confirmer l'ampleur des coups portés à l'organisation communiste. En mai 41, Vichy pouvait se flatter d'avoir mis sous les verrous 30.000 communistes. Durant l'automne et de début de l'hiver, la réorganisation du Parti est marquée par la mise à l'écart ou le déplacement de ceux qui ont aux cotés de M. Tréant, suivit la ligne légaliste avec les Allemands. Tréant est mise à l'écart à partir de l'automne 40, processus achevé en mai 41.

En mai 41 la décision est prise de créer un front national de lutte pour l'indépendance nationale, qui s'inscrit dans une évolution interne qui débute dès l'automne 40 et la réorganisation-reconstruction du parti :

...... " Il faut orienter le feu principal de la campagne contre tous les agents des occupants et contre tous les acolytes de la politique de la résignation et de la conciliation avec l'agresseur en critiquant les propos anti-démocratiques du mouvement de De Gaulle, pourtant il est nécessaire de valoriser le rôle objectivement positif de ce mouvement dans l'étape actuelle […] Il faut d'une manière encore plus résolue développer une campagne contre l'antisémitisme en ouvrant le feu contre le régime réactionnaire et la théorie raciste des occupants ". (Lettre du 27 janvier 41, directive de la direction du PCF et de l'IC).

Joseph Epstein au moins de juin 41 à Moscou, fait un rapport à l'IC et à Thorez et Marty :

...... On constate dans les masses populaires un réveil du sentiment national, un développement considérable de la haine contre l'armée de l'occupation, des sentiments anti-allemands très violents. […] Le mécontentement est énorme mais la masse bouge difficilement. Beaucoup croient que tant que les Allemands occupent la France, on ne peut rien faire. La force allemande les impressionne […] Nombreux sont ceux qui n'ont pas compris la politique de l'URSS et considèrent le pacte allemand-soviétique comme un acte de trahison. Avec le temps et grâce au travail du parti leur nombre diminue, mais il reste encore assez important, surtout que la propagande allemande profite de chaque occasion pour faire croire que l'URSS est l'alliée du III e Reich. Si un jour l'URSS entrait en guerre contre l'Allemagne, elle aurait avec elle, l'immense majorité du peuple de France. " (Rapport manuscrit).

Sur le terrain, pour le PCF, il s'agit de rétablir les liaisons régionales et départementales après l'Armistice. Charles Tillon, membre du Comité central (autodidacte, militant syndical, mutin des marins mer Noire en 1919 qui refusent d'aller se battre contre le gouvernement bolchevique, il fait la grève de la sardine de Douarnenez (1924), la marche des chômeurs du nord (1933), la campagne électorale contre Laval à Aubervilliers (1924) la récupération à Alicante des dernières forces républicaines espagnoles, qui se solde par un échec) devait en cas de pépin assumer la direction du parti sur le territoire (ordre de Frachon).

...... " Personnellement, aussi blessé que je fusse par la cuisine secrète de Staline et le sort qu'il nous infligeait, ignorant des marchandages du pacte, je jugeais que pour préserver l'avenir, il fallait sauver l'appareil clandestin afin que le PC survive […] Le devoir, c'était d'abord de sauver pour un autre avenir le legs de ces 20 dernières années de combats, faites de succès, de défaites, de folies parfois, mais de foi et d'esprit de sacrifice par en bas toujours " (Mémoires de Tillon)

La Résistance anti-fasciste, le point le plus haut atteint par la classe ouvrière dans sa lutte pour le pouvoir.

Charles Tillon est chargé de reconstruire la direction du parti à Bordeaux et commence à appliquer les règles de la clandestinité (groupes de 3 comme cellule d'organisation clandestine qui sert de base organisationnelle à la Résistance). En automne, les directions régionales réorganisés commencent à formé dans plusieurs départements les groupes de l'Organisation Spéciale (OS). Grâce au concours des Jeunesses Communistes (dirigé par Danièle Casanova). L'OS est encadré par d'anciens des Brigades Internationales en Espagne au nombre desquels les travailleurs immigrés qui seront au premier rang plus tard des FTP-MOI en région parisienne. Les taches de l'OS sont essentiellement l'autodéfense armée lors des actions politiques et le sabotage.

Fin 40-début 41 Tillon est rappelé à Paris. En janvier 41, commencent les opérations de récupération d'armes et d'explosifs sur tout le territoire parfois avec l'aide des mineurs. Au printemps, est formé parallèlement un service de renseignement militaire connu plus tard à Londres sous le nom de FANA, dirigé par un ex des Brigades Internationales.

La transformation des petits groupes de l'OS créés jusque là (et laissés à la disposition des directions du PC) en une organisation autonome de lutte armée, se heurte à de nombreuses oppositions à l'intérieur de l'appareil du PC. Devenu effectivement membre du secrétariat clandestin du PCF en mai 41, Tillon est chargé à ce titre de l'organisation de la lutte armée. La formation de groupes de combat commença d'abord sous le sigle des TP qui s'interprétait Travail des Partisans. Les oppositions à l'appellation ouverte de Francs-Tireurs et Partisans furent vaincues définitivement alors que les groupes de combat se multipliaient. Dans le livre Les FTP. La guérilla en France. rédigé en 1961 et 1967, Charles Tillon explique : " on ne saurait dissimuler que pendant des mois les progrès de l'organisation furent lents. Dans un rapport présenté au Comité Central le 31 août 44, Jacques Duclos a écrit : " C'est alors que dans nos rangs certains éléments essayèrent de combattre " théoriquement " notre politique et parlèrent " d'actes individuels " (…) Ils appelaient " actes individuels " et " terroristes " ce qui était le point de départ, encore timide et hésitant, de la lutte armée de tout notre peuple. "

D'après certaines sources, ordre de l'IC fut fait en janvier 1941 aux PC européens de verser 10% de leurs effectifs à la guérilla mais c'est un an plus tard que se créé les FTP-MOI (main d'œuvre étrangère). D'après d'autres, c'est en janvier 43 qu'une directive ordonne aux sections du PCF en zone sud de reverser 5% de leurs effectifs au FTP. C'est l'acte de naissance de l'organisation militaire en zone sud. Elle fut élevée à 10% en juin 43. Au même moment, Tito lançait tout entier le PC yougoslave dans la lutte armée. Quoi qu'il en soit, le PCF élargit au printemps 41 sa ligne du front populaire anti-fasciste en fondant un front uni national contre l'occupant allemand. En octobre 41, les OS sont remplacées par les FTPF ouverts aux non communistes.
Parmi les premiers faits de guérilla les plus marquants de 1941 : Le 23 août à Paris au Métro Barbès Rochechouart, est abattu un officier allemand. Le 20 octobre 41, un lieutenant colonel est assassiné à Nantes.
Entre-temps, le 22 juin 41, Hitler attaque l'Union Soviétique et est stoppé à Stalingrad. C'est le tournant de la guerre mondiale.

En octobre 42, l'état-major FTP lance dans France-d'Abord son mot d'ordre offensif contre l'occupant :

" Que chaque cri fasse balle. La lutte armée doit devenir le devoir de toute la Résistance. Chaque ennemi sera ainsi visé. Car combien sont-ils donc et combien sommes-nous, si nous sommes un peuple allié de ses alliées ? La victoire ne sera obtenue que par la destruction de l'armée hitlérienne dont la puissance initiale a été forgée avant la guerre à l'abri des divers " attentismes " de la non-intervention et de Munich. De ces données d'écoulent une stratégie commune à tous les peuples unis dans la volonté d'en finir le plus tôt possible avec l'hitlérisme. Cependant si les Russes restent seuls à détruire la puissante armée nazie, les Français devront supporter un autre hiver de guerre, au cours duquel Hitler pourrait réaliser au moins ce qui fut le premier article de son programme insensé de domination du monde : détruire la France, berceau de la Liberté. Donc aucun Français de France n'a intérêt à laisser durer une guerre atroce, alors qu'il est possible de l'abréger. Hitler a en France 250.000 hommes pour faire face au second front. Les forces d'occupation sont si réduites que Hitler les double de policiers, gendarmes, légionnaires et autres mercenaires que Pétain et Laval transforment en soldats boches pour aider à occuper, à piller, à saigner la France. Mais les Français en état de se battre sont dix fois plus nombreux que l'ennemi.
Un boche isolé est un prisonnier. L'ennemi n'occupe militairement le terrain que là où ses unités peuvent agir en tant qu'unités. Et tous les transports, voies de communication, transports publics, ne sont assurés que par des mains de Français. En dehors d'une force d'occupation réduite, il ne reste qu'une occupation politique exercée par des traîtres. Dans ce rapport des forces, la terreur nazie n'est opérante que pour ceux qui l'acceptent ou bien l'encouragent en exagérant sa puissance pour mieux maquer leur lâcheté. " Attendre ", faire la guerre avec la peau des Russes, partir en Allemagne pour travailler pour l'ennemi, laisser guillotiner les Français pour crime de patriotisme, c'est reculer l'heure du front en désertant le front de la France !
Le front de la France ? Il est partout où il y a un boche, une de ses armes ou un wagon, un camion, de l'essence ou du blé destiné aux boches, un terrain d'aviation, un dépôt d'armes, un chien de Laval.
Nos armes ? Elles sont partout où un peu de courage donne le loisir d'en prendre. Chaque ennemi désarmé doit servir à armer un chef de groupe, autour duquel s'armeront d'autres patriotes d'armes improvisées. Pour la forme de guerre qui nous incombe, contre les forces d'occupation, le nombre doit suppléer à la qualité du matériel. Et nous sommes dix contre un…
Comme vous le recommande le Front National, dans vos usines, vos quartiers, groupez-vous en Comités populaires de la France combattante pour coordonner toutes les formes d'action politique et économique contre l'ennemi ; arrêtez toute production pour les boches et empêchez tout départ pour l'Allemagne. En même temps organisez et menez l'action armée.
" La libération nationale, a dit le général de Gaulle, ne peut se séparer de l'insurrection nationale… "
L'insurrection nationale ne saurait être le produit d'un miracle, une génération spontanée à l'heure H. Il n'existe pas d'autres moyens d'organiser une armée de patriotes pour la Libération que le combat quotidien, qui forge la discipline et les chefs, procure les armes et permet d'organiser en agissant, d'agir en organisant. Laisser croire le contraire serait préparer à notre peuple des désillusions que nous voulons épargner.
Chacun à son poste de combat, chacun à son arme. Que sans attendre, tout ce qui appartient à l'armée d'occupation soit cerné de haine, attaqué, frappé, exterminé. Et que, sur le front national de Libération, retentisse le cri de guerre contre tous ceux sui veulent détruire notre patrie :
Tous debout et chacun son boche ".

Il faut attendre la même période pour qu'il y ait un rapprochement militaire de l'Armée Secrète gaulliste, qui refuse la guérilla et entend " préparer l'insurrection " en planquant des armes, vers les FTP. La multiplication des " réfractaires au STO " dans les premiers mois de 43 par suite de l'institution du " service du travail obligatoire " -envoi des français travailler en Allemagne- va permettre la création des maquis dans les forets et les montagnes. Les Résistants représenteront alors 2% de la population (10% en incluant les soutiens logistiques et autres) d'après Robert O. Paxton, (La France de Vichy). La moitié dans les rangs FTP.

En avril 43, est proposé à tous les organismes de la Résistance une préparation de l'insurrection en vue de l'ouverture d'un second front en France, promis mais toujours retardé par Churchill et Roosevelt jusqu'au printemps 44. En hiver 43-44, est créé le programme du Comité National de la Résistance (CNR) mais la direction du PCF se soumet progressivement à De Gaulle au niveau du CNR. Après le débarquement des Alliés 44 qui ouvre enfin le second front, est décrété l'insurrection populaire (guérilla+grève générale) qui libère avant l'arrivée des Alliés le Nord, la Bretagne, le Sud-Ouest ; des villes comme Marseille, Bordeaux. L'insurrection populaire assure le contrôle des frontières italiennes et espagnoles. Les FFI (forces françaises de l'intérieur)-FTP feront 42.000 prisonniers. Après le second débarquement du 15 août lorsque les Alliés atteignent la Provence ils peuvent comme le dit le maréchal Montmogery suivrent l'ennemi " à travers un pays effectuant sa propre libération ". Paris est libéré par une insurrection en août 44 sans l'aide des Alliés qui voulait contourner la Capitale et contre l'avis du BCRA (bureau des opérations gaullistes) et de De Gaulle qui trouvent cela prématuré. A Lyon où l'avis des gaullistes avait été suivi, les Allemands avaient pu quitter la ville, massacrant avant les prisonniers avec l'aide des vichystes et envoyant des convois de déportés jusqu'au dernier moment.

Mais après la libération du territoire, les communistes ne profitèrent pas vraiment du formidable élan populaire dû à la Résistance. Les partisans de la prise du pouvoir furent écartés. Le PCF adopta un programme de capitalisme à visage humain, concrétisé déjà dans le programme de Conseil de la Résistance Nationale : la Charte, en mai 44. Après la libération, les communistes entrent au gouvernement jusqu'à leur expulsion en 1947.

Le programme de capitalisme à visage humain a permis des conquêtes sociales de civilisation et de bien être pour les masses populaires (sécurité sociale, santé, retraites, etc.) qui ont constitué dans leur ensemble des institutions et des formes antithétiques de l'unité sociale. Du côté des masses populaires, ces conquêtes en vue d'améliorations de leurs conditions de vie et de travail, ont été arrachés et était le résultat de leurs batailles, le sous-produit de la révolution irréalisée des décennies précédentes et de l'influence de la Résistance. Du côté de la bourgeoisie impérialiste, elles furent des concessions faites sous pression du mouvement communiste pour écarter les masses de la révolution socialiste.

La Libération de 1944-45 et les illusions parlementaires du PCF.

La Résistance contre le nazi-fascisme fut bien le point plus haut atteint par la classe ouvrière dans sa bataille pour le pouvoir en France et en Europe. Il faut y inclure pour la France l'existence des FFI, des comités de Libération, des Gardes patriotiques et des comités de gestions après la Libération qui ont eu une vie brève mais qui constituent pourtant l'expérience politique la plus poussée et la plus audacieuse du mouvement populaire français pour le pouvoir.

Le livre de Grégoire Madjarian (Conflits, pouvoirs et société à la Libération. 10/18,1980) ne prend pas en compte la lutte entre 2 lignes dans le PCF pour expliquer la politique du Parti, mais j'ai repris de nombreux passages. Selon lui, les Gardes patriotiques étaient des sortes de milices ouvrières ou de gardes rouges des Comités de Libération qui assuraient un contrôle ouvrier sur la production et la distribution et remplissaient aussi des taches d'épuration. Elles vont jusqu'à faire respecter la réglementation des prix et assurent un ravitaillement équitable pour éviter le marché noir et la spéculation. Leur importance peut être jugée par le rassemblent au Vel d'Hiv le 4 novembre 44 sur l'initiative des Gardes patriotiques de la Seine où près de 30.000 participants se rassemblent contre les tentatives de les " désarmer ". Frachon y participe en tant que déléguée pour le PCF. Le secrétaire de la CGT évoque " l'ordre garanti par les masses populaires ".
Au lendemain de la Libération, des Comités de gestion ou de production se sont aussi constitué " dans de nombreuses entreprises ", un peu partout en France, en majorité dans les centres industriels et l'ex-zone du Sud (principalement les régions lyonnaises et marseillaises et les villes industrielles du centre). Plusieurs milliers de patrons se virent retirer pour une période indéterminée la direction de leurs usines. D'après une rare estimation sur ce phénomène, le nombre de ces Comités tourne autour de la centaine en janvier 1945. Beaucoup d'entre eux furent formés au cours des deux mois qui suivirent la retraite des troupes allemandes, et presque toujours dans des régions qui échappaient au contrôle du Gouvernement provisoire. Ils furent le résultat d'initiatives locales, prises par des militants soucieux de réorganiser l'économie sur des bases nouvelles.
Si les occupations d'usines de 1936 sont une date mémorable dans l'histoire des luttes ouvrières en France, il faut accorder que la formation de Comités de gestion en 1944, qui fut une mise en cause directe ou indirecte, non pas de la propriété, mais de la gestion capitaliste des entreprises, est un fait social d'une portée autrement importante. Dans la plupart des cas, les Comités de gestion furent institués à la suite de mesures d'épuration frappant des capitalistes pour faits de collaboration, mais parfois, il s'agit plus de ripostes aux " grèves " des entrepreneurs, à leur opposition ou leur mauvais vouloir concernant la remise en route de l'entreprise.
D'une manière générale, les syndicats jouaient un grand rôle dans l'institution des Comités. Quelquefois, les membres étaient simplement proposés par les organisations syndicales aux Comités départementales de Libération ou aux Commissaires de la république qui ratifiaient cette désignation. Presque toujours, ils étaient élus par les travailleurs après avoir été présenté par les organisations syndicales. Ces comités, l'espoir qu'ils faisaient naître, contribuèrent grandement à la reprise de l'activité industrielle du pays. Mais leur pouvoir allait du simple rôle consultatif à la totale direction de l'entreprise. Ces comités spontanément crées étaient ainsi essentiellement des délégations syndicales. Quel a été le rôle de la CGT ? Le Bureau confédéral et les fédérations d'industries ne firent apparemment rien pour étendre et généraliser le mouvement. Pourtant quelques dirigeants fédéraux et confédéraux et la gauche du PCF exaltèrent les capacités constructives des travailleurs révélés par ces Comités comme Benoît Frachon. Mais on avait surtout le souci de ne prendre aucune initiative gestionnaire qui n'ait été approuvée par les Commissaires de la République, et a fortiori qui ait pu être en opposition directe avec la volonté de ces derniers. Les quelques Comités créés par des sections syndicales dans l'ex-zone Nord et principalement dans la région parisienne -où le contrôle des directions fédérales s'exerce plus fortement que partout ailleurs -ne furent guère encouragés, ni au moment de leur formation, ni plus tard.

Comment est reçu le programme de capitalisme à visage humain par les ouvriers et les militants de la base ? Le discours de Thorez du Comité Central d'Ivry du 21-23 janvier 1945 : " une seule armée, une seule police, une seule administration " et la remise des armes provoquent l'étonnement dans la base (Gardes patriotiques et comité de gestion). Les critiques de Marty et Tillon n'ont pas apporté précisément de lumière nouvelle sur le Comité Central d'Ivry. Ils mettent en cause soit la politique de la direction en septembre 44, soit sa politique d'ensemble qualifiée d'électoraliste à cette époque.
Les socialistes alors parlent de " réformes de structures " et la direction communiste de " produire " et de reprise économique. Dans l'interview accordée au Times, Thorez parle de " progrès vers le socialisme " en parlant des nationalisations qui commencent dès octobre 44 dans le Nord et le Pas de Calais (mines) pour maintenir la production et assurer le ravitaillement en charbon mais qui sont aussi des concessions sous la pression du mouvement social et des mineurs. Ainsi, les projets de lois, votes, dans une quasi-unanimité, substituent aux thèmes de la " guerre aux trusts " et de la " confiscation des biens aux traîtres ", les impératifs de modernisation de l'économie et de productivité. La phase parlementaire des nationalisations, qui se joue essentiellement à l'intérieur de la Constituante qui s'achève avec la disparition de la majorité socialiste-communiste en mai 46, est caractérisé et déterminée par la recherche de l'unanimité qui requiert l'accord du MRP qui porte ses efforts sur la limitation des nationalisations, le maintien d'une gestion traditionnelle et l'indemnisation des actionnaires.

Ce fut pendant cette période que se constitua vraiment dans tous les principaux pays impérialistes comme en France le capitalisme monopoliste d'état comme des Forces Antithétiques de l'Unité Sociale (" concentration, combinaison, coopération, antagonisme des intérêts privés, intérêts de classe, concurrence, centralisation du capital, monopoles et sociétés par actions, autant de formes contradictoires de l'unité que suscitent toutes ces contradictions ", explique Marx dans Grundisse ). La bourgeoisie impérialiste à développé des formes spécifiques de médiation entre le caractère collectif des forces productives et la permanence des rapports de production capitalistes qui encadrent ces forces productives : les forces antithétiques de l'unité sociale (FAUS). Elles surgirent pour empêcher le développement dans la société des effets les plus destructifs propres à l'économie capitaliste et maintenir une stabilité politique. Les Banques, les associations de capitalistes, les négociations collectives des rapports de travail salarié, l'argent fiduciaire, la politique économique de l'Etat, les systèmes de prévoyance, sont bien ainsi des tentatives de médiations entre le caractère collectif des forces productives et les rapports sociaux de production capitalistes qui survivent. Dans une certaine mesure, cela éclipse les manifestations plus destructives de l'antagonisme social et prolonge sur une longue durée sa manifestation. Au niveau politique, ce furent des concessions faites sous pression du mouvement communiste pour écarter les masses de la révolution socialiste.

En France, comme ailleurs, les nationalisations étaient opérées dans des secteurs arriérés de l'industrie lourde : il s'agissait aussi d'entreprises gravement atteintes par la guerre et que les entrepreneurs privés ne pouvaient remettre sur pied par eux-mêmes. Le retard de ces activités de base (matières premières, énergie) contrecarrerait le développement de l'économie nationale dans son ensemble, mais leur faible rentabilité, les énormes investissements nécessaires n'attiraient pas les capitaux. Sous quelque forme que ce soit, l'Etat était contraint d'être directement ou indirectement l'entrepreneur principal de la Reconstruction des villes dévastées, des ports détruits, des moyens de transports endommagés, il devait refaire l'infrastructure économique du pays, reconstituer et remettre à neuf l'industrie lourde. Les capitalistes laissaient à l'état le poids des investissements et le rôle de socialiser les pertes et des déficits. On note dans la presse patronale française de l'époque que la guerre n'a pas fait seulement apparaître de nouveaux riches mais aussi de " nouveaux patrons " : ces nouveaux patrons sont " tantôt des fonctionnaires de carrière, tantôt des anciens industriels et commerçants qui ayant misé sur l'étatisation sont entrés dans l'administration ". (Les échos 10 avril 1946). Prenons l'exemple de la nationalisation des Houillères, en France comme en Angleterre pour illustrer ce mouvement économique et social. Sous le régime de Pétain, l'Etat prit en charge la différence entre un prix de revient forfaitaire et le prix de vente du charbon, en versant aux compagnies une " indemnité de compensation ". Il assurait de cette manière la plus grande part des risques de l'exploitation des Houillères dont il orientait, par ailleurs, la gestion, par l'intermédiaire d'un Comité d'organisation. Si la forme de la nationalisation fut une décision déterminée par des raisons politiques : calmer l'effervescence chez les bassins, l'intervention de l'Etat dans ce domaine constituait un pays supplémentaire dans une voie où Vichy s'était déjà engagé. On peut remarquer que les nationalisations ne furent pas particulières à la situation politique et sociale de la France, et que, en dehors des démocraties populaires, elles connurent, d'une manière générale, à la fin de la Seconde Guerre mondiale un grand développement dans nombre de pays d'Europe occidentale. Parmi ces pays, l'Autriche fut celui où les nationalisations furent les plus étendues, touchant les industries métallurgiques, la construction mécanique et l'électricité. C'est parmi les trusts comme le reconnut plus tard le PCF qu'il entendait combattre qu'on trouve finalement les principaux bénéficiaires de l'indemnisation.

Finalement, les communistes ne comprirent pas que les FAUS fournissaient de nouvelles armes à la bourgeoisie et empêchaient la radicalisation spontanée qui avait explosé dans les périodes passées. Dans la société impérialiste de masse, les FAUS deviennent même l'instrument déterminant de l'ordre public et de la stabilité économique et politique mais en même temps, dans les pays capitalistes, les FAUS rendent plus manifeste et promeuvent le caractère collectif de la société et éduquent pratiquement les masses à elle. On doit relier cette limite a la monté du programme de la droite révisionniste dans le Parti et ses illusions sur le passage pacifique au socialisme. Entre 1945 et 1947, la bataille de la production forme l'essentiel de l'action syndicale, elle est considérée comme un impératif qui prime sur tout non seulement sur l'abolition du régime capitaliste mais même sur la réalisation du programme de la Résistance. " Produire c'est assurer le bien être des travailleurs " d'après la CGT de l'époque. C'est du jeu des élections qu'on attend la venue de changements sociaux. Dans cette perspective, la bataille de la production se veut une preuve de l'esprit de responsabilité et de la capacité de la classe ouvrière à affronter les problèmes de la production, en même temps qu'un moyen de conquérir la légitimité politique de conduire les destinées du pays.

Mais la lutte contre le révisionnisme (déviations de droite) et les illusions parlementaires qui avaient déjà mis en péril la vie même du Parti au cours des années précédentes reprend de la vigueur, après l'échec patent de cette ligne de participation au gouvernement.

Selon Madjarian, " après la première Guerre mondiale, sur deux années consécutives s'étalaient des conflits qui faisaient entrer en 1919 et 1920 plus d'un million de travailleurs. Après la Libération alors que la paix avait prévalut jusqu'au printemps 47, la même année à quelques mois d'intervalle à peine, éclatent deux crises sociales, dont l'une en hiver, qui entraînent chacune plus d'un million de travailleurs -celle de novembre-décembre 47, beaucoup plus longue, connaissait une rare violence et prenait une tournure insurrectionnelle. Le rapprochement avec la fin de la Première Guerre mondiale permet de dire que tout se passe comme si l'explosion ouvrière avait été seulement retenue, retardée, se produisant enfin. Cela donne une idée de l'ampleur des déceptions et des rancœurs ouvrières et populaires accumulées et contenues depuis la Libération. "

" Lors du grand mouvement social de juin 1947, les militants de la tendance Frachon semble-t-il conduisirent des grèves ouvrières. A l'intérieur du Parti, la participation au gouvernement était de plus en plus souvent remise en cause. L'indice de la puissance de ce courant, c'est qu'il parvient même à s'exprimer dans la presse du Parti. Par exemple, dans la Patriote ariégeois, les 29 mars et 12 avril, un responsable publia des articles qui, s'appuyant sur les postions de principes d'avant-guerre, aboutissaient à la conclusion d'une non-participation à tout gouvernement bourgeois. L'utilité des ministres communistes était contestée, ainsi que leur attitude. " Pas de mannequin au Parti " avait été l'expression de Thorez qui avait marqué nombre de personnes avant guerre. Cela semblait concerner cette fois, en forme d'interrogation, les ministres communistes d'alors. Après la parution de ces articles, le Comité central exigea la publication d'une réponse ce qui n'eut pas lieu. Une sanction fut prise contre la Fédération de l'Ariège, sous la forme d'un blâme. Le Comité central se réunit obligé de justifier l'attitude des ministres : " Ils ne tiennent pas aux portefeuilles par vanité personnelle " ; " ils ne tombent pas dans le crétinisme parlementaire " (France-nouvelle 17 mai 1947). Il expliqua aussi : " Vous l'êtes tous, camarades, hommes de gouvernement, dans les Comités d'Entreprise, les commissions d'assainissement des prix, dans les syndicats d'ouvriers agricoles ou de la CGA, dans les caisses de sécurité sociale […] dans les conseils municipaux […] dans votre usine, dans votre village, dans votre quartier. " (France-nouvelle, Idem). Il est significatif aussi que peu après, Thorez lui-même fasse état, pour les condamner, des réactions de soulagement voire d'allégresse des militants devant l'exclusion des ministres communistes. C'est mesurer à quel point l participation gouvernementale devait peser. A la conférence de la Fédération de la Seine, par exemple, le secrétaire général s'était écrié : " On rejette les communistes du gouvernement. C'est là un évènement capital. (…) Nous n'avons pas à nous réjouir, ni surtout à nous sentir soulagés. ". Dans le même sens, une conférence de la Fédération de Dordogne (7-8 juin 47) révèle que " certains camarades se sont étonnés de notre attitude sur le plan gouvernemental " (Brochure des travaux de la conférence). Les informations reçues par le président Auriol vont dans le même sens : deux jours avant la révocation, le président de la République appris de sources sures que le maintien du PCF au gouvernement n'avait pas été discuté seulement au Bureau Politique mais aussi dans les fédérations. Malgré les interventions de Thorez, les discussions avaient débouché sur les conclusions suivantes : Le Parti n'influençait plus en rien la politique française. On ne le craignait plus. Les ministres n'avaient pu empêcher le gouvernement de pratiquer une politique colonialiste, ni de s'aligner de plus en plus sur le bloc occidental. La présence de communistes dans les ministères s'avérait inefficace et on tendait, par ailleurs, à l'associer à l'action anti-ouvrière. Au Bureau Politique, cette position avait été violemment défendue par Marty et Mauvais. Duclos faisait des réserves. (Cf. Auriol Mon septennat.). "

" Dans ce contexte, la grève de Renault d'avril-mai 47 fut un événement capital. Mouvement déclenché malgré le PCF dans un de ses bastions, elle amorçait un débordement par la classe ouvrière de ses principaux représentants, la contestation ouverte de leurs fonctions. La presse, y compris socialiste ne manqua pas de monter en épingle le discrédit de la CGT et des communistes à Renault ; la direction du PCF ne pouvait pas ignorer qu'on cherchait à détruire son seul atout, sa seule force : son influence dans les masses ouvrières, ni les conditions de la vie de la classe ouvrière rendaient la situation explosive.
" Ce qu'il y aurait de plus dangereux, ce serait de démoraliser la classe ouvrière et de lui donner l'impression qu'elle est dupée " dira Duclos, s'adressant aux députés le 2 mai. " Peut-être avait-on rêvé que notre parti accepterait tout, qu'on pourrait l'accuser ensuite de tous les maux et qu'on saperait ses bases d'influence dans les masses ouvrières ; après quoi on le rejetterait comme une quantité négligeable. Il ne faut pas compter sur nous pour faire une politique de " citron pressé ", ajoutait-il.

" Dès le 2 mai, Duclos avait averti par avance les députés : " Oui en dépit de tout nous vous aiderons, quelle que soit la conclusion politique de ce débat. Nous vous aiderons parce que nous avons le souci de l'intérêt national. " Le 4 mai, le chef du groupe communiste rassurait à nouveau l'Assemblée : " Le parti communiste, qu'il soit ou qu'il ne soit pas au gouvernement, se considérera comme un parti de gouvernement " ; " nous écarterons délibérément tout esprit de dénigrement systématique. " (Journal Officiel, débats parlementaires, séance du 2 mai 47. Voir aussi la déclaration de Duclos au New York Herald Tribune (8 mai 47) ; Un peu plus tard France-nouvelle écrivait (17 mai) : " Hors du gouvernement, nous sommes toujours un parti de gouvernement. ").
Dans les faits, la CGT donnait un gage tangible de bonne volonté en acceptant de reporter en décembre la révision générale des salaires, décision qui " assainit incontestablement le climat social " commentait La Vie Française (30 mai 47), l'organe des milieux financiers. Le Parti vivait son exclusion du gouvernement comme une crise ministérielle. D'autre part, lorsque l'Humanité titra le 25 juin : " le Plan Marshall, un piège occidental ", Thorez s'empressa de démentir avec force, expliquant : " Nous sentons trop notre responsabilité pour faire quoi que ce soit qui puisse gêner l'entente nécessaire entre Alliés et le relèvement de notre pays. " (L'Humanité, 26 juin 47).Mais c'est surtout après octobre 1947 lorsque le Parti communiste abandonne l'espoir d'être un " parti de gouvernement " comme les autres. " (Grégoire Madjarian. Conflits, pouvoirs et société à la Libération. 10/18,1980, p.370-373)
Il y eu un changement de politique du PCF à partir de cette période qui est aussi le résultat d'un moment important de la lutte contre le révisionnisme au sein du PCF qui renforce la gauche du Parti : la conférence de formation du Bureau d'information des partis communistes réunie le 22-27 septembre en Pologne où est convoqué le PCF.

Les critiques anti-révisionnistes du PCF par le mouvement communiste européen.

A cette occasion, les partis frères européens firent le procès du révisionnisme des partis communistes français et italien. De larges extraits de cette conférence furent réunis plus tard par le groupe marxiste-léniniste Ligne Rouge en décembre 1969 qui les présenta dans une brochure sous le titre " Staline contre le révisionnisme ", comme un " fascicule d'éducation politique marxiste-léniniste-maoïste. " et d' " histoire du mouvement ouvrier et communiste ".
La conférence fut l'occasion de voir combien entre la ligne de Staline et des Bolchéviks et celle de Thorez en France, il y avait une différence fondamentale en particulier à cette époque dans l'immédiate après guerre. Il y avait non seulement de divergences implicites sur la ligne et sur les positions politiques dont nous pouvons donner maint exemple. Exemple : en 1945, au moment de la défaite du colonialisme français au Liban l'Humanité se lamente sur les " erreurs " (du colonialisme français) qui compromettent " les intérêts et la présence française au Liban ". Au même moment à la tribune de l'ONU le délégué soviétique intervient pour exiger le " départ de toutes les troupes d'agression du Liban ", c'est à dire les troupes colonialistes anglaises et françaises.). Il y avait aussi des divergences ouvertes, des critiques et mises en garde explicites. Les discussions et les décisions qui ont été prises à la réunion de formation du Kominform de septembre 1947 en Pologne était là pour rectifier la ligne du PCF et les déviations de droite.

Une difficulté vient du fait que l'opposition politique radicale qui existait entre la ligne de Staline et de Thorez, était souvent occultés par les affirmations de la droite du PCF qui se dit " stalinienne ", marxiste-léniniste en paroles, anti-stalinien, opportuniste de droite, révisionniste en réalité.
Longo et Duclos sont allés à la Conférence à la place de Thorez et de Togliatti qui se sont défilés. A cette occasion on note l'organisation de la lutte armée contre l'occupant (Partisans), Front Uni National avec tous les antifascistes y compris les bourgeois. Ce qui était juste. Mais aussi l'incapacité d'avoir la direction effective du Front Uni National : en France par exemple les communistes représentent l'écrasante majorité des forces de la lutte politique et armée contre les Nazis mais ils laissent Bidault, agent de De Gaulle et des Anglais occuper la présidence du CNR. Le PCF et le PCI ont une grande popularité dans les masses mais ils n'ont pas du tout démasqué les agents doubles du genre de Gaulle. Au lieu de maintenir et de faire évoluer le rapport de forces en leur faveur ils capitulent devant les exigences de la bourgeoisie et tombent dans toutes leurs manœuvres. Ils acceptent la dissolution des milices populaires, ordonnent de rendre les armes détenues par le peuple à la bourgeoisie contre des strapontins ministériels au gouvernement. Dans ces gouvernements les postes clés sont détenus par les Partis social-démocrates et bourgeois " nouveaux " (MRP en France, Démocratie Chrétienne en Italie). L'administration bourgeoisie a été entièrement réédifiée, l'armée épurée de la plupart des éléments progressistes issus de la Résistance et reprise en main par la bourgeoisie. Dans ces conditions les communistes au gouvernement n'ont que très peu de poids et surtout leur politique de concession sur concession à la réaction les isole de plus en plus du peuple. La bourgeoisie les tolère car leur politique de " Retroussez vos manches " [(Thorez)] revient à la reconstruction de l'économie capitaliste au seul profit de la bourgeoisie ; malgré les plus honteuses concessions du PCF (comme le vote des crédits militaires pour l'Indochine en mars 1947 par les ministres communistes : Thorez dit qu' " il n'y a pas lieu de rompre la solidarité ministérielle " ( !) " le PCF est finalement chassé du gouvernement en mai 1947. Au moment de la conférence le PCI est encore au gouvernement mais il ne fait pas de doute qu'il va lui arriver la même chose.
Au moment de la conférence la situation PCF et du PCI n'est donc pas brillante ; Longo et Duclos ont quelque peine à camoufler que le bilan de la ligne politique électoraliste et parlementaire de leurs Partis est un bilan de faillite.Voyons des extraits des interventions critiques.

Le 24 septembre, intervention d'Edward Kardelj, membre du PB du PC Yougoslave :

" […]Les partis français et italiens n'ont pas encore de perspective bien nette. Ils participent à la lutte pour la reconstruction industrielle, pour les prix, pour résoudre les difficultés économiques. Je ne suis pas bien au courant. Mais je crois que dans les conditions du Capitalisme les Partis ne doivent pas appliquer pareille tactique. Un PC ne peut pas prendre une telle position à l'égard d'un gouvernement qui fait du pays un vassal de l'Amérique. C'est la voie de l'opportunisme, du parlementarisme. L'opposition dans ces conditions n'est plus q'une opposition de forme. Il n'est pas possible de ramener toute la politique à la simple lutte parlementaire. Pourquoi contribuer à l'amélioration de la situation économique d'un gouvernement que l'on se propose de renverser ? "
[…]

Puis l'intervention de Djilas (à ce moment jeune dirigeant du parti yougoslave. Devenu avec Tito chef de file du révisionnisme yougoslave, […] Mis à l'écart par les titistes il est devenu aujourd'hui totalement bourgeois.) :

" […]Le PCF a constitué des blocs de toute sorte, mais pas toujours sur la base de la lutte armée, de la Résistance, d'une insurrection qui viendrait au moment opportun, au moment où toute la Nation y compris la bourgeoisie serait prête. Cela à permis à Bidault d'occuper la présidence, comme au Mihailovitch français De Gaulle de devenir le sauveur de la patrie. Le PCF n'a pas fait l'insurrection. Ils se sont laissés influencer par des opportunistes, des capitalistes, par ceux qui attendaient les Anglais, qui affirmaient que les Allemands étaient encore forts [il s'agit des réseaux de " Résistance " gaullistes et bourgeois.]
Les politiciens tarés et corrompus ont eu gain de cause. Il aurait fallu réfléchir sur tout ce que nous avons appris de Lénine et de Staline, autrement dit que la guerre de l'URSS est une lutte prolongée. En dépit de l'héroïque lutte des Partisans français, le PCF n'a pas fait son devoir à l'égard de la Nation française. Après la guerre, le PCF a fait des concessions successives à la réaction, il a permis la dissolution des forces de Résistance, l'exclusion des Partisans des milices, etc… Le PCF espérait prendre le pouvoir au moyen des élections. Il était ainsi poussé sur le chemin de l'attente et de la passivité. Comment le PCF explique-t-il cette attitude ? Il dit qu'il ne pouvait rien faire avant que la guerre contre les Allemands fut terminée afin de ne pas compromettre les rapports entre les Russes et les Américains. De Gaulle, sous prétexte de mettre de l'ordre dans l'armée a exclu les vrais combattants de la lutte contre l'Allemagne.
Lutte de la Nation contre l'Allemagne. Moyens exclusivement parlementaires. Le deuxième argument est ridicule. Ce qui aurait apporté le soutien le plus efficace à l'URSS aurait été une action pour réduire l'influence américaine sur le peuple. Pendant la guerre contre les Allemands les Grecs n'ont pas hésité à s'opposer aux Anglais. Nous autres Yougoslaves n'avons jamais permis que les Anglo-Américains aient une influence déterminante. Les communistes français sont devenus de piètres représentants de la politique de l'URSS devant le peuple français pourtant combattant.
La Constitution française (Constitution de 1946 rejetée au 1er Référendum de mai 46) que les communistes comme les socialistes ont soutenu au cours du Référendum, était impopulaire, ce n'était pas une bonne Constitution. Les communistes l'ont votée par crainte d'être isolés, tandis que les socialistes ont essayé de la faire rejeter au moment du Référendum. Nos camarades ont été victimes de la machine électorale dans laquelle ils ont cru aveuglément. Une autre constitution a été faite ensuite et les communistes l'ont acceptée sous prétexte qu'il fallait en finir avec le provisoire.
Les communistes ont continué d'accroître leurs effectifs et son devenus le Parti le plus fort, mais les événements ne se sont pas déroulés selon leurs prévisions. L'impérialisme US devenait toujours plus puissant, les guerres coloniales s'aggravaient ; pour obtenir l'aide US, la bourgeoisie a commencé à marchander avec les USA. Les communistes exclus du gouvernement ont été les premières victimes. Bevin, Bidault (Ministres des affaires étrangères anglais et français) etc. savaient fort bien que les communistes n'auraient pas abandonné le terrain parlementaire sur lequel la réaction a réussi à constituer une majorité contre eux. Les communistes français ont toujours affirmé qu'ils n'auraient jamais quitté le terrain de la légalité. Tout le travail de leur Parti était fondé sur cette affirmation.
Aucun ordre, aucune discipline. N'importe qui peut entrer dans ce Parti. En 46 les effectifs atteignaient le million. En 47, 800.000. Où sont passés les autres ? Il n'y a pas eu d'épuration. Le mot d'ordre : augmenter les effectifs. Il s'agit d'une ligne politique et idéologique. De nombreux membres du Parti ne se considèrent tenus par aucune obligation. La réaction avait fort bien vu que si la direction du Parti avait fait la moindre tentative, la masse des adhérents n'aurait pas suivi. Les camarades français auraient du savoir que les Américains agissaient en vue de la domination mondiale et qu'ils auraient tout fait pour chasser les communistes du gouvernement.
Les communistes français auraient du savoir que la bourgeoisie est au pouvoir, que le Parlement est un instrument de ce pouvoir. Ils auraient du préparer le Parti à affronter une telle situation. Ils ne l'ont pas fait. L'ennemi en a profité. La politique pratiquée à l'égard des socialistes n'est pas juste. Elle n'a apporté aucun avantage. Blum était d'accord pour un Comité d'entente (Comité de discussions au sommet formé par le PCF et la SFIO fin 44 en vue de la fusion organique des deux partis en un " Parti Ouvrier Français " qui aurait été la réunification sur le plan politique du mouvement ouvrier français après la réunification syndicale de 44. L'échec fut rapide.) Il y eut des discussions, mais il n'y a plus ni Comité ni discussions. Les communistes français perdent leur temps en discussions aux échelons élevés mais ils n'ont rien fait à la base. Les ouvriers ont pensé qu'il était possible d'aboutir à un accord avec Blum. […] La politique du PCF à l'égard de De Gaulle n'est pas très claire. A [u Congrès de] Strasbourg, Thorez a critiqué De Gaulle, mais cela ne l'a pas empêché de souligner ses mérites pendant la guerre. C'est pourtant faux. De Gaulle n'a rien fait, c'est un agent de Churchill, en accord avec l'Intelligence Service, il a organisé des groupes qui ont entravé l'action des Francs Tireurs. Quelle différence avec Mihailovitch et avec Anders ?(Mihailovitch : chef du gouvernement yougoslave en exil à Londres. Agent des anglais.) Pourquoi ne pas dire la vérité aux Français, pourquoi faire de De Gaulle un héros national ? S'isoler des masses ? De quelles masses ? Certainement pas de la classe ouvrière, laquelle ne saurait être avec De Gaulle. Les communistes français sous estiment le danger de De Gaulle. Si un jour, Blum et Ramadier n'étaient plus utilisables, voilà De Gaulle tout prêt.
(…)Les perspectives du PCF sont loin d'être claires. Le Congrès n'a rien apporté sur ce point, il n'a été qu'une manifestation. Où aller ? Un membre du PCF ne sait que faire. Sur la politique étrangère Thorez s'est exprimé en ces termes : " La solution du problème allemand garantirait la sécurité, l'entente avec toutes les nations et d'abord l'Angleterre, l'Amérique et l'URSS. L'union franco-soviétique est la meilleure garantie contre le danger allemand, etc. " De tels propos pouvaient être tenus pendant la guerre. Mais aujourd'hui l'impérialisme US est à la tête d'une nouvelle croisade contre l'URSS ; mettre sur le même plan les Anglais et les Russes peut induire en erreur le français moyen, lui dissimuler les vrais amis et les véritables ennemis. Lorsque je parle des erreurs des communistes français j'entends qu'ils devraient s'occuper de rectifier la ligne, laquelle ne correspond plus à la réalité de la situation internationale. Revoir leur travail, leurs erreurs et ensuite mobiliser le Parti avec la plus grande énergie. Ce n'est pas trop tard. Sous la conduite du PCF, la classe ouvrière pourra se battre et gagner la partie. […] ".

C'est au tour de l'intervention d'Anna Pauker ( vieille militante et dirigeante du Parti Roumain, notamment chargée de sa réorganisation dans la clandestinité sous le joug fasciste. " Epurée " par les révisionnistes roumains après 1956 comme " stalinienne ".) :

" […] Duclos a affirmé que Guy Mollet emploie les mêmes arguments que les communistes. (Duclos a présenté Guy Mollet comme chef d'une " gauche " dans la SFIO, avec qui le PCF pourrait s'allier). Mais en ce qui concerne le plan Marshall Guy Mollet a exprimé son approbation. Pourquoi Duclos enjolive t-il la vérité devant nous ? Il faut attaquer Guy Mollet. L'essentiel est le point de vue à l'égard du Plan Marshall. Il ne faut pas faire de pirouettes. Il faut dire non seulement devant le peuple mais devant la nation toute entière que Guy Mollet est d'accord avec Blum, qu'il trahit. […] A mon avis, les Américains et leur valet De Gaulle voient la situation mieux que nos camardes. Ils voient que les pays d'Europe Orientale marchent vers le socialisme, que la France pourrait y aller à son tour, car il existe une réelle possibilité. Si l'on mobilise la classe ouvrière il est possible de gagner le peuple. Voyez ce qui se passe en Italie. Il peut se produire la même chose en France. Il faut mobiliser le peuple français contre cette grave menace. Le MRP et bien d'autres sont les valets du capitalisme Américain et Anglais.

La lutte ne se ramène pas uniquement à l'organisation de meetings et de campagnes électorales. On ne peut se borner à affirmer : " Nous voulons éviter l'isolement ". Le PC n'est pas un parti de gouvernement à tout prix. On gouverne lorsque l'on peut appliquer une politique déterminée. La France et l'Italie constituent un avertissement pour tous les pays du monde. Des millions d'hommes ont voté pour le Parti. Au lieu de les mobiliser et de les convier à la lutte, nous leur disons : " Nos n'avons pas été chassés, nous avons quitté le gouvernement de nous-même. " C'est là le plus sur moyen de démobiliser les masses. Lors des évènements de Hongrie nous avons mobilisé le peuple, nous avons dit : " Voyez ce qui se passe ". Si l'on disait la vérité au peuple français qui a tant souffert de la trahison des Daladier, des Pétain, etc., il comprendrait certainement. Longo [PCI] a affirmé que nous avons besoin de l'aide US à certaines conditions. Si nous disons cela au peuple, celui ci pensera : " Si les communistes qui sont des honnêtes et des courageux disent cela, nous devons prendre l'argent des Américains. " Nous devons tenir un autre langage, nous devons dire que nos pouvons nous passer de l'aide américaine. Lorsque le peuple russe avait faim, les Russes n'ont pas dit : " Nous avons absolument besoin d'aide. " En placant toute notre confiance dans les forces du peuple, nous pouvons nous tirer d'affaire dans tous les pays, sans l'aide américaine. Ce sera plus long, ce sera plus difficile, mais nous y parviendrons. Mobiliser le peuple : le peuple Yougoslave a donné des millions d'heures de travail.
Duclos a affirmé que nous dirons aux peuples : " Nous voulons l'amitié des Anglais, des Américains et de l'URSS. Pourquoi les mettre tous ensemble ? Il faut montrer le vrai visage de ces soi-disant alliés. Dunkerque (le rembarquement des troupes anglaises en 1940). La Ruhr (Les américains et les anglais ont entravé la prise des réparations dans la Ruhr prévue par les accords pour la France. Pendant ce temps ils manœuvrent pour restaurer les Krupp, Thyssen et Cie…). Montrer les chiffres au peuple, démasquer des alliées qui les exploitent. Dire que d'autres ont une toute autre attitude. Ainsi le peuple français saurait qu'il peut compter sur une amitié qui ne se démentira jamais. Il connaît la force de l'URSS. Un allié qui est fort et qui de son coté dispose de bien d'autres alliés, une centaine de millions d'hommes. Il faut dire clairement qu'il faut se ranger aux cotés de l'URSS. Si l'impérialisme américain s'efforce de soumettre la France et l'Italie, il n'est pas encore trop tard pour consolider le front de la Résistance, pour appeler à la lutte.
Il faut reconquérir le terrain perdu. Nous souhaitons au Parti Français et au Parti Italien qu'ils acquièrent enfin une vue claire de la situation de sorte qu'ils puissent progresser […] "

En réponse Duclos répond le 25 septembre 1947 :

[…]Je veux répondre à la critique de Jdanov sur notre formule du " Parti de gouvernent ". Comment peut-on imaginer que nous voulons assumer la responsabilité de la politique du gouvernement ? Si nous voulons dire pas là que notre Parti est un parti capable de gouverner, qui a fait ses preuves et qui peut reprendre le pouvoir. "

JDANOV : Ne croyez vous pas que le peuple aurait mieux compris si vous aviez dit que le PC est un Parti d'opposition ? Je n'ai jamais lu ce mot dans les discours de Thorez ni dans ceux de Duclos depuis le mois de mai "

DUCLOS : Aussitôt après notre sortie du gouvernement, il y a eu un certain flottement c'est exact.

JDANOV : Lorsqu'un Parti comprend qu'il s'est trompé, il doit le dire urbi et orbi. Vous ne l'avez pas fait.
[…]

L'intervention de clôture sera faite par Jdanov le 27 septembre 47. Il est intervenu très souvent au cours du débat notamment dans la critique du PCF et du mot d'ordre de Thorez " le PCF est un Parti de gouvernement. " :

" […]Nous sommes d'accord que lorsque nous parlons de la tactique et de la stratégie des Français et de Italiens nous avons en vue non des modifications de détail, mais une orientation, une politique nouvelle. L'une des taches essentielles de la Conférence est celle là. (…) Pour dissiper toute équivoque je veux dire que nous ne sommes pas du tout contents de la déclaration de Duclos selon laquelle le PCF est un parti de gouvernement. "
[…]

On peut tirer des conclusions, en particulier la portée et limite de la Conférence. La question du pouvoir, de la prise du pouvoir. " parlementarisme, opportunisme, légalitarisme " tels sont les mots que Malenkov a bien du mal à arracher de la bouche de Duclos. Jdanov intervient avec force à plusieurs reprises pour dénoncer le mot d'ordre opportuniste de Thorez " Le PCF est un Parti de gouvernement ". De fait, ce mot d'ordre résume très bien la dégénérescence révisionniste de la direction du PCF : Jdanov montre que ce mot d'ordre fait assumer au Parti la responsabilité de la politique anti-populaire et pro-américaine du gouvernement bourgeois tripartite pro-américain. C'est par anticipation le procès de la " Démocratie avancée " du PCF d'aujourd'hui. De fait la critique est celle du révisionnisme quoique le mot en lui-même ne soit évoqué que par un orateur (Kardelj). C'est là une des premières limites de la critique faite à la conférence.

Il y a eu une pseudo-rectification du PCF. L'attitude honteuse du PCF par rapport au mouvement de libération nationale des colonies " françaises ", son soutien de fait à l'impérialisme français. Sous couvert d'être un Parti National ( ce qui peut être en soi même juste), le PCF est en fait complètement social-chauvin ; Dans son intervention " auto-critique " Duclos est obligé de concéder que le PCF a commis des déviations de " légalitarisme, opportunisme et illusions parlementaires " mais il essaye de se défiler soit en esquivant les critiques soit en présentant les déviations somme de simples insuffisances.

Dans la réalité, après la conférence, le PCF n'a pas fait de réelle auto-critique devant le Parti et les masses. " L'autocritique " de Thorez citée par certains comme bonne et anti-révisionniste n'en est en fait pas une. Elle n'insiste que sur l'aspect " unité à la base " contre " l'unité au sommet " sans aborder le problème du contenu de cette unité, de la ligne politique ce qui est pourtant l'essentiel.
Quant à la rectification des erreurs : elle a eu lieu sur certains points importants et a permis de faire éclater plus nettement la lutte entre les deux voies au sein même de la direction du PCF. Mais cela a été une pseudo-rectification superficielle. En effet, les mêmes thèses révisionnistes ont été reprises et justifiées après 1956.

En 1946 (avant la Conférence) Thorez avait accordé sa tristement célèbre " interview " au Times prônant le " passage pacifique au socialisme ". Cette thèse fut provisoirement mise en vieille mais les révisionnistes s'y réfèrent aujourd'hui.
La rectification fut la plus nette par rapport à l'impérialisme américain. Celui-ci fut dénoncé comme principal fauteur de guerre et d'agression dans le monde. L'appel de Stockholm et la création du mouvement de la paix : en dépit de l'ampleur de la campagne la mobilisation des masses se fit souvent de façon défensive et pacifiste.
Sur l'internationalisme et en particulier la lutte contre l'agression du colonialisme français contre les peuples d'Indochine le PCF osa enfin qualifier cette guerre de colonialiste (c.f. l'intervention de Jeanette Thorez-Vermesch [épouse de Thorez] à l'assemblée) mais le travail du Parti fut insuffisant. Comme l'a écrit A. Marty dans son livre après son exclusion (L'affaire Marty. 1955), l'esprit des Marins de la Mer Noire ne se réveilla pas parce qu'il ne fut pas suscité par le PCF et c'est uniquement la lutte résolue des Vietnamiens qui leur permit de vaincre l'impérialisme français et l'impérialisme américain. Les tracts pour lesquels Henri Martin fut condamné avaient un contenu purement pacifiste. Un exemple typique : en 1949 les camarades vietnamiens demandèrent au CC du PCF de leur fournir une aide en armements. Thorez considéra cette demande comme complètement farfelue.
Les actions anti-colonialistes et anti-impérialistes les plus résolues furent menées par le PCF au moment de la maladie de Thorez et du séjour de celui-ci à Moscou. (Cf. la manifestation contre Ridgway la Peste fin 52 sur l'initiative d'André Marty qui le dirigea personnellement). A son retour Thorez était furieux et stigmatisa " l'aventurisme ". De fait ce fut la véritable raison de l'exclusion de Marty. Celui-ci avait fait devant la direction du PCF un rapport sur le soutien aux luttes de Libération nationale et critiquant les déviations du PCF à ce sujet. Il avait d'autre part publié dans les cahiers du Communisme un grand article sur Blanqui mettant en lumière les aspects positifs et fondamentalement révolutionnaires de ce grand révolutionnaire prolétarien du XIX eme siècle.(…) le débat sur Blanqui portait la question de la violence révolutionnaire, chose qui effraie le plus les révisionnistes. Le triomphe de Thorez sur ce point [] marqua aussi la victoire du révisionnisme thorézien dans le PCF sur le plan idéologique et théorique.

Il est juste de parler de la lutte entre les deux voient au sein du Parti à cette époque, y compris au niveau de la direction. (…) Marty et d'autres camarades (tels Georges Guingoin qui fut l'héroïque dirigeant des FTP du Limousin, le foyer de Résistance le plus avancé tant sur le plan politique que militaire. Dirigeant de la fédération de la Haute Vienne il est exclu en 1953.) ont représenté un moment un courant de résistance mais inconséquent au révisionnisme qu'ils ne caractérisaient d'ailleurs pas de ce mot […]. Marty fut exclu comme un chien et à son exclusion un grand nombre de camarades écœurés quittèrent le PCF.

Le PCF dans les années 30-40 et la révolution socialiste. Quelles leçons, quel bilan ?

Plusieurs fois, le parti communiste français fut mis en danger par le poids de son opportunisme et de son légalisme. La période 1935-1941 est a ce sujet exemplaire et est riche de leçons pour expliquer la période qui a suivi. Tout au long de l'histoire du PCF, dans les années 30-40, une lutte entre 2 lignes entre la droite et la gauche se manifesta. A chaque fois la lutte de la gauche avait pour but de sauvegarder le parti et de le réorganiser. Mais la lutte de la gauche contre l'opportunisme et les déviations de droite, souvent spontanée, instinctive et diffuse (malgré l'aide des directives de l'IC), n'arriva pas vraiment à ce que la situation soit dépassé.

Dans la pratique le parti ne réussit pas à combiner la lutte pour la révolution socialiste et celle contre le fascisme et tomba dans la déviation de droite qui consistait à se poser en tant qu'aile gauche de la coalition de toutes les forces unies en vue d'abattre le fascisme. La gauche obtint que la déviation de droite, selon laquelle le parti communiste était l'aile gauche d'un rassemblement progressiste dirigé par la bourgeoisie pour défendre les droits démocratiques des masses, se présente à l'intérieur du parti comme une ligne tactique, provisoire, à adopter en attendant de meilleurs jours.

Si aujourd'hui nous cherchons une réponse à la question des limites et erreurs du PCF et finalement pourquoi pendant la première crise générale du capitalisme(1910-1945), les partis communistes des pays impérialistes n'ont pas réussi à guider les masses populaires jusqu'à la conquête du pouvoir et à l'instauration du socialisme, la réponse est : "Parce qu'ils ne comprirent pas que la forme de la révolution socialiste était la guerre populaire révolutionnaire de longue durée". Ici, il faut bien entendre que concevoir la ligne stratégique du parti communiste comme une guerre prolongée ne doit pas être assimilée avec le militarisme (blanquisme) et le simple fait de " prendre les armes ". L'accumulation et la formation des forces révolutionnaires doivent arriver "au sein de la société bourgeoise" mais, par la force de choses, elles s'accomplissent graduellement. Le parti doit éviter, par une conduite tactique adéquate, d'être contraint à un affrontement décisif tant que les forces révolutionnaires n'ont pas été accumulées jusqu'à avoir atteint la supériorité sur celles de la bourgeoisie impérialiste. L'activité défensive et offensive des travailleurs aujourd'hui se déroule pour une grand part à la lumière du jour, avec des activités légalement tolérées par la bourgeoisie, découragées et entravées par elle mais pas interdites. Il est absolument inconsistant ( avec l'exemple et/ou avec la propagande) de convaincre les ouvriers et les masses populaires à abandonner ce terrain. Chaque tentative dans ce sens laisse le champ libre aux révisionnistes, aux économistes, aux bourgeois. C'est seulement au fur et à mesure que la bourgeoisie empêche les activités politiques et culturelles des masses réalisées légalement, en les mettant hors la loi, en les persécutant, etc. que les progrès de l'action du parti communiste, de la classe ouvrière et des masses populaires, feront jour. Il suffit de voir la vitesse des "progrès" que la bourgeoisie fit en 39-41 et qu'elle fait aujourd'hui sur cette voie en ce qui concerne la liberté de grève, l'expression de la pensée et de la propagande, la représentativité dans les assemblées électives. La bourgeoisie n'a pas d'autre voie, même si par expérience, elle en connaît les dangers et fait mille efforts pour ne pas prendre cette voie. La résistance organisée à l'avancée de la crise et de la guerre d'extermination que la bourgeoisie impérialiste mène contre elles suscitera une contre-révolution puissante mais le parti doit tenir tête. C'est seulement alors, sur la base de leur expérience, que la classe ouvrière, le prolétariat et les masses populaires déplaceront une partie croissante de leurs luttes et de leurs forces dans la guerre, qui alors deviendra la forme principale dans laquelle elles pourront s'exprimer et dans laquelle le parti pourra les diriger victorieusement. Concevoir l'action du parti communiste stratégiquement comme une action légale, considérer la légalité comme la règle et la clandestinité comme l'exception qui entre en action dans les moments d'urgence, ne pas prévenir le moment où la bourgeoisie cherche à démolir le parti, ne pas construire le parti en vue et pour la guerre civile, n'est pas conforme aux lois de la révolution prolétarienne. Même pendant la résistance armée anti-fasciste, le PCF et les partis communistes d'Europe de l'ouest ne consacrèrent que 10% de leurs effectifs à la lutte armée et sa logistique, ce qui témoigne dans une large mesure qu'ils considéraient cette période comme une exception. Le régime de contre-révolution préventive, la clandestinité est un problème stratégique pas tactique. La bourgeoisie a pour préoccupation principale la stabilité et la conservation du régime, avant le respect de n'importe quels droits politiques et civiques. Les Etats capitalistes actuels ne permettront pas que le mouvement ouvrier révolutionnaire accumule des forces de manière pacifique et fera tout pour empêcher qu'un véritable Parti communiste construise et accumule des forces révolutionnaires. Il ne suffit donc pas de créer un organisme clandestin "à côté de l'organisation légale ". C'est le parti qui doit être clandestin, c'est l'organisation clandestine qui doit diriger l'organisation légale et assurer de toute façon la continuité et la liberté d'action du parti. Le parti communiste doit être un parti clandestin et, de la clandestinité, mobiliser tous les mouvements légaux qui sont nécessaires et utiles à la classe ouvrière, au prolétariat et aux masses : c'est la leçon de la première vague de la révolution prolétarienne qui a vu l'activité de l'IC.
En résumé, l'incompréhension du PCF et de l'IC est que la forme de la révolution socialiste n'a pas été comprise (et n'a pas été traduit en action politique) comme la guerre civile contradictoire entre classe ouvrière et bourgeoisie impérialiste et la forme principale de la lutte de classe au cours de ces années comme l'avaient compris Mao et les communistes chinois.. Les partis communistes des pays impérialistes ne se placèrent jamais sur ce terrain comme terrain stratégique principal, d'où et en fonction duquel développer tout le travail, même le travail pacifique et légal. Ils n'appliquèrent pas dans le travail de masses, la première règle léniniste : " combiner avec intelligence le travail légal et illégal " (Lénine : La maladie infantile du communisme, le gauchisme. Avril 1920) sous la forme d'une guerre prolongée. A cause de cette incompréhension, ils subirent l'initiative de la bourgeoisie et ses provocations. Ils croyaient aussi que la révolution prolétarienne assumait la forme principale de la guerre dans les colonies et dans les semi-colonies, pas dans les pays impérialistes "civilisés", bien que la bourgeoisie dans les pays impérialistes "civilisés" eût montré à plusieurs reprises qu'elle était capable de raser des villes et des pays entiers, de passer pour les armes des dizaines de milliers d'hommes désarmés, de recourir à n'importe quel moyen pour conserver le pouvoir et de préférer l'occupation étrangère (la " drôle de guerre de 39-40") plutôt que la classe ouvrière au pouvoir.

Le PCF des années 30 ne comprit pas forcément qu'il vivait dans une situation révolutionnaire prolongée en développement ou se joue en essence soit la mobilisation réactionnaire des masses ; soit leur mobilisation révolutionnaire qui décide vraiment de la crise du capitalisme. Les communistes européens ne comprirent pas ni l'unité dialectique de paix et de guerre qui était pourtant la réalité qui se déroulait sous leurs yeux, ni le double rôle que les réformistes développaient, ni le lien antithétique entre les batailles pour satisfaire les besoins vitaux immédiats des masses et la bataille pour conquérir le pouvoir. Cela laissa un terrain libre et permit de faire germer les théories révisionnistes des réformes de structure et du passage graduel au socialisme au sein du PCF. Il ne réussit pas à élaborer une théorie de la révolution socialiste dans notre pays, au cours de la première crise générale du capitalisme, bien que le parti se proposât de guider la révolution socialiste.

Ce n'est pas la seule limite du PCF mais aussi la limite de l'IC. Dans les autres pays, les communistes à cause de cette incompréhension (la forme de la révolution socialiste comme la guerre populaire révolutionnaire de longue durée) soit subirent également l'initiative de la bourgeoisie et ses provocations(Allemagne 1919, Hongrie 1919, Italie 1920, Autriche 1934, Asturies 1934), soit au contraire dispersèrent leurs forces en insurrections échouées (Hambourg - octobre 1923, Tallin - décembre 1924, Canton - décembre 1926, Shanghai - octobre 1926, février 1927, mars 1927) ou encore ils eurent une ligne incertaine et contradictoire (Allemagne 1933, Espagne 1936-1939). L'IC compris et affronta les régimes terroristes instaurés par la bourgeoisie (fascisme, nazisme, etc.), mais ne comprit pas adéquatement que les régimes des pays "démocrates" (USA, Angleterre, France, etc.) étaient maintenant devenus des régimes de la contre-révolution préventive. Ce n'est pas seulement la classe ouvrière qui avait appris du mouvement économique. Même la bourgeoisie impérialiste avait tiré de la Révolution d'Octobre, de l'instauration du socialisme en URSS et des événements européens de 1918-1921, des leçons que maintenant elle employait dans la contre-révolution préventive (New Deal, les répressions en Angleterre et en France) et dans la mobilisation réactionnaire des masses (le fascisme et le nazisme). Dans le mouvement communiste et le PCF s'est déroulé au cours de l'histoire une lutte interne, bien que non déclarée et donc peu efficace et très douloureuse, pour comprendre la nature de cette réalité.

Malgré cela, le PCF affronta avec force et avec héroïsme la clandestinité et la guerre quand l'adversaire les leur imposa petit à petit à partir de 1940-41 (en Italie et en Yougoslavie en 1926, au Portugal en 1933, en Allemagne en 1933, etc.), mais vu comme un événement extraordinaire, une pause dans un processus qu'eux "devaient" se faire dérouler autrement, et cela même dans la gauche du PCF. Le PCF a assumé alors la guerre révolutionnaire comme une des formes principales d'activité pendant la guerre contre l'occupant allemand, réussissant à accumuler des forces révolutionnaires.

A la libération, le PCF adopta un programme de capitalisme à visage humain dans les premières décennies d'après-guerre grâce à la longue période (1945?1975) de reprise et de développement de l'accumulation de capital et d'expansion de l'appareil productif qu'eut le capitalisme dans le monde. La période du " capitalisme à visage humain " était d'autant plus développé qu'en France le mouvement communiste avait été fort : ce qui confirme que les réformes sont le sous?produit, le legs des révolutions manquées. L'influence des déviations de droite, en particulier le légalisme et les illusions parlementaires reprirent de la force malgré les critiques en septembre 1947 du Bureau d'information [Cominform] et des partis frères. " Les communistes sont devenus de piètres représentants de la politique de l'URSS devant le peuple français, pourtant combattant. " accusa Jdanov au cotés de Malenkov.

Mao Tse-toung n'a pas critiqué dans les années 30 et 40 la conception de la révolution prolétarienne prédominante dans les partis communistes des pays impérialistes, il a indiqué au contraire qu'ils suivaient la ligne d' "élargissement de la démocratie" comme ligne normale dans leurs circonstances (mais il critiqua les communistes chinois qui voulaient adopter aussi en Chine le mot d'ordre du PCF "Tout à travers le Front", niant ainsi l'autonomie du Parti communiste chinois dans le Front anti-japonais). C'est le même problème avec Lénine qui a défendu l'organisation clandestine stratégique du parti russe en nom de la particularité russe jusqu'à ce que l'effondrement de la Seconde Internationale en 1914 montre dans la pratique sa nécessité universelle. Le marxiste tire de la pratique les enseignements qu'elle contient, il n'invente pas de théories. Les idées doivent faire leur preuve dans la pratique, au négatif et au positif, avant que les unes soient rejetées et les autres valorisées. Il fallait que les limites de tout ce grand travail se révèlent incapable de valoriser les fruits de la victoire sur le nazi fascisme et de prendre le pouvoir pour qu'elles puissent être comprises et critiquées et pour que la théorie maoïste sur la forme universelle de la révolution prolétarienne accède au patrimoine théorique du mouvement communiste.

Petit à petit, de manière diffuse, la droite eue le dessus sur la gauche du PCF qui n'arriva pas à corriger ses limites et ne réussit pas à élaborer une théorie de la révolution socialiste dans notre pays, au cours de la première crise générale du capitalisme. Le PCF devint l'interprète organique de la phase de capitalisme à visage humain et du rapport de la classe ouvrière et des masses populaires avec la bourgeoisie impérialiste en parfaite concordance avec la conception révisionniste moderne selon laquelle le degré de puissance atteint par la classe ouvrière rendait désormais inutile la révolution socialiste, et possible un passage graduel et pacifique au socialisme. (symbolisé par l'interview de Thorez au Times le 19 novembre 1946.).

Il est secondaire que ce soit les mêmes individus et personnalités qui ont été successivement à la tête de conceptions opposées. C'est ce qui est arrivé dans les pays socialistes avant et après la prise de pouvoir des révisionnistes et dans les partis communistes tombés sous la direction des révisionnistes modernes. Il faut attendre la prise de pouvoir des révisionnistes en 1956 en Union Soviétique et en novembre 1960 pour que la droite du PCF renforcée par cet événement gagne complètement la direction et que le Parti change définitivement de couleur. D'un coté, cela témoigne de la résistance au révisionnisme à l'intérieur du PCF. De l'autre, les intéressés ne s'y trompent pas sur ce que voulait dire la prise de pouvoir des révisionnistes en URSS : Dans le rapport d'activité du XVeme Congrès du PCF, Thorez vit rétrospectivement une anticipation des thèses de Khrouchtchev dans sa déclaration au Times en 46 et de la ligne du capitalisme à visage humain. Il faut signaler que ce programme fut même théorisé par l'économiste Eugène Varga par " capitalisme d'Etat démocratique ".
De ce fait, au cours de ces années, le PCF fut à la fois le parti de la classe ouvrière française, dans le sens où beaucoup d'ouvriers actifs dans l'organisation de leur propre classe faisaient partie du PCF, et l'un des partis du courant révisionniste moderne, dirigé par le PCUS. Une situation qui dura à peine 15 ans avant la seconde crise du capitalisme au milieu des années 70. Dès lors, ce fut le lent déclin du PCF révisionniste.

Du coté de la gauche, cela fut la fin de la période de lutte interne contre l'opportunisme et le révisionnisme à l'intérieur du PCF. La naissance de la Fédération des cercles m-l (futur PCMLF) en 1964 puis en 1966 celle de l'UJC-ml marque la fin de la période de scissions organisationnelles d'avec le PCF. Mais dans la tache de reconstruire le parti communiste les marxiste-léninistes français répétèrent souvent telle quelle les stratégies de l'IC dans les années 20 et 30 et ne dépassèrent pas les limites de la gauche du PCF de la période précédente. Pour toutes cette raison, leurs tentatives pour reconstruire le parti communiste échouèrent jusqu'à aujourd'hui. Aujourd'hui, les tentatives d'affirmer le maoïsme comme troisième et supérieure étape de la pensée communiste s'enlisent en discours et réflexions enfumées s'ils ne s'appuient pas sur la thèse que "la guerre populaire révolutionnaire de longue durée est la forme universelle de la révolution prolétarienne".

X.Y -Mai 2004-

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La renaissance du Parti Communiste en France et la lutte contre le révisionnisme.
Quel bilan ?, Que faire ?

La lutte entre 2 lignes dans le Parti Communiste Français

Le Parti Communiste Français a été fondé en décembre 1920 en tant que Section Française de l'Internationale Communiste. L'objectif de bolchéviser le parti avait été clairement posé par l'Internationale Communiste dès les années 20 ; le PCF lui?même avait déclaré que se bolchéviser était une tâche essentielle du parti.
Mais dans la pratique le parti ne réussit pas à combiner la lutte pour la révolution socialiste et celle contre le fascisme et tomba dans la déviation de droite qui consistait à se poser en tant qu'aile gauche de la coalition de toutes les forces unies en vue d'abattre le fascisme. Ce fut la période du Front Populaire antifasciste. Les limites du Parti communiste français dans sa compréhension des lois de la révolution socialiste se manifestèrent à plusieurs occasions :

L'un des plus grands représentants du PCF de ces années avec le secrétaire M.Thorez, Jacques Duclos résuma ainsi les devoirs du parti communiste en 1935 en France : "mettre comme objectif du mouvement ouvrier, la lutte pour la défense et l'agrandissement des libertés démocratiques devant le fascisme". Le PCF très tôt adopta comme idéal " la nation " et voulut " réconcilier le drapeau national et le drapeau rouge ". Le 14 juillet 1935, les communistes arborèrent conjointement le drapeau bleu-blanc-rouge et le drapeau rouge et entonnèrent La Marseillaise. Dès l'été 1934, Maurice Thorez affirmait : " Nous aimons notre pays ". Mais lorsqu'il passe au mot " patrie ", il est l'objet d'un rappel à l'ordre de l'IC. (1) Parallèlement, le 18 mai 1936, Dimitrov et l'IC assignent pour but au " Front Unique de la lutte pour la paix ", le " contrôle des masses organisées sur la défense du pays ". (2) L'IC donnait pour consigne aux communistes de refuser les crédits militaires et l'augmentation de la durée du service militaire à leur bourgeoisie. Malgré les avertissements de l'IC, le PCF alla plus loin et vota pour la première fois de son histoire le budget de guerre de la France au parlement, le 30 décembre 1936, qui planifiait le plan de réarmement et de militarisation du pays. (3)
En 1939, Le PCF lorsque le gouvernement français déclara la guerre à l'Allemagne le 1er septembre, se trouva en conditions telles que des milliers de ses membres furent arrêtés par le gouvernement français avec des milliers d'autres antifascistes. L 'organisation du parti sauta presque entièrement. Le PCF "demanda" au gouvernement Reynaud d'armer le peuple contre les armées nazies qui envahissaient la France et la réponse évidemment fut le décret du gouvernement "français" qui intimait à chaque "français" qui possédait des armes à feu de les remettre aux commissariats. M. Thorez répondit à l'appel aux armes ! Une fois éclatée la seconde guerre mondiale, avec le caractère double de guerre inter-impérialiste et de guerre de classe, les partis de l'IC dans les pays impérialistes adoptèrent la ligne de résistance armée contre le nazi-fascisme. C'est seulement à partir de juillet 1940, après que les contradictions entre les groupes impérialistes français se soient transformés en guerre civile entre eux (la Proclamation de De Gaulle à Londres est du 18 juin 1940), que le PCF reconstruisit avec héroïsme et ténacité son organisation et c'est seulement à partir de 1941 que petit à petit il a assumé la guerre révolutionnaire comme une des formes principales d'activité. Le PCF élargit sa ligne du front populaire en fondant un front uni national contre l'occupant allemand. Le PCF réussit à accumuler de grandes forces révolutionnaires comme dans quelques autres grands pays impérialistes comme l'Italie. La Résistance contre le nazi-fascisme fut le point plus haut atteint par la classe ouvrière dans sa bataille pour le pouvoir en Europe.
Ainsi, la lutte entre 2 lignes dans le PCF ne doit pas faire oublier que malgré tout, le résultat fut largement positif pour le PCF et l'Internationale Communiste pendant cette période. Après tout, les bourgeoisies occidentales durent avoir recours à la guerre mondiale et livrer même leurs alliés ou leur propre pays à leurs rivaux impérialistes fascistes comme en Europe centrale (Autriche, Pologne) ou lors de l'invasion de la France par les Allemands pour lutter " contre le bolchevisme international " ("mieux vaut Hitler que le communisme"). Grâce à l'habileté politique de l'IC et des dirigeants soviétiques et au soutien des peuples du monde, l'invasion nazie contre l'Union soviétique fut repoussé jusqu'en 1941. Mais pendant et après-guerre, la direction du PCF se soumit progressivement à De Gaulle au niveau de la stratégie politico-militaire et ne profita pas vraiment du formidable élan populaire et du prestige du Parti dû à la Résistance. Les partisans de la prise du pouvoir furent écartés. Le PCF et plus largement la gauche bourgeoise adopta un programme de capitalisme à visage humain dans les premières décennies d'après-guerre. Ce programme s'est matérialisé dans la Charte du Conseil National de la Résistance (CNR) en mai 1944 et s'est concrétisé dans les conquêtes sociales de civilisation et de bien être obtenus (sécurité sociale, santé et scolarité publique, retraites, etc.) et les institutions et des formes antithétiques de l'unité sociale correspondantes.
Le régime se consolida grâce à la longue période (1945?1975) de reprise et de développement de l'accumulation de capital et d'expansion de l'appareil productif qu'eut le capitalisme dans le monde. Les masses populaires et la classe ouvrière réussirent au cours de ces années à arracher, avec des luttes purement revendicatives, de grandes améliorations sur le terrain économique, politique et culturel. Le PCF devint l'interprète organique de cette phase de rapport de la classe ouvrière et des masses populaires de notre pays avec la bourgeoisie impérialiste. La période du " capitalisme à visage humain " était d'autant plus développé qu'en France le mouvement communiste avait été fort : ce qui confirme que les réformes sont le sous?produit, le legs des révolutions manquées.
De ce fait, au cours de ces années, le PCF fut à la fois le parti de la classe ouvrière française, dans le sens où beaucoup d'ouvriers actifs dans l'organisation de leur propre classe faisaient partie du PCF, et l'un des partis du courant révisionniste moderne, dirigé par le PCUS.
Du côté des masses populaires, ces conquêtes en vue d'améliorations de leurs conditions de vie et de travail, ont été arrachés et était le résultat de leurs batailles, le sous-produit de la révolution irréalisée des décennies précédentes et de l'influence de la Résistance. Du côté de la bourgeoisie impérialiste, elles furent des concessions faites sous pression du mouvement communiste pour écarter les masses de la révolution socialiste.

Le PCF devint le premier parti électoral français avec 28,6% des suffrages en novembre 1946. En septembre 1947, le congrès de fondation du Bureau d'information [Cominform] qui prenait la suite de l'IC réunie en Pologne critiqua durement le PCF et ses illusions parlementaires devant J. Duclos. " Les communistes sont devenus de piètres représentants de la politique de l'URSS devant le peuple français, pourtant combattant. " accusa Jdanov au cotés de Malenkov. Les représentants yougoslaves accusèrent la direction du PCF d'avoir laissé délibérément passer sa chance à la Libération. (4)

La droite du PCF, sous le couvert du succès remporté par le groupe révisionniste de Khrouchtchev au XXe congrès du Parti communiste de l'Union Soviétique (février 1956), liquida ce qui restait des bases du programme communiste. Jusque-là, la déviation de droite, selon laquelle le parti communiste était l'aile gauche d'un rassemblement progressiste dirigé par la bourgeoisie qui luttait pour moderniser le pays et étendre aux masses les droits démocratiques, s'était présentée à l'intérieur du parti comme une ligne tactique, provisoire, à adopter en attendant de meilleurs jours. A partir de ce moment là, elle fut intronisée comme ligne stratégique, en parfaite concordance avec la conception révisionniste moderne selon laquelle le degré de puissance atteint par la classe ouvrière rendait désormais inutile la révolution socialiste, et possible un passage graduel et pacifique au socialisme. La voie pacifique, démocratique, parlementaire au socialisme, en s'appuyant sur des réformes de structure (5) et sur l'élargissement continuel des droits démocratiques des masses, fut proclamée voie vers le socialisme (" démocratie avancée", " union populaire " (M. Thorez) et " socialisme aux couleurs de la France " (G. Marchais) et même proposée au plan international comme modèle (eurocommunisme).

" les nouvelles circonstances font que grandissent en général les possibilités d'instaurer le pouvoir du peuple sans insurrection armée et sans guerre civile ; les possibilités de transformer pacifiquement l'économie capitaliste en une économie socialiste … la possibilité se conçoit de grouper autour de la classe ouvrière … la majorité du peuple… D'ores et déjà, communistes et socialistes ne sont pas loin d'avoir ensemble la majorité à l'Assemblée Nationale "
-Rapport de M. Thorez. XIV Congrès du PCF. Juillet 1956. (6)

" Le XX e congrès [du PCUS] a montré la fausseté de l'opinion publique de Staline d'après laquelle la lutte des classes devait s'aggraver au fur et à mesure des succès dans la construction du socialisme "
-M. Thorez. (Cf. Œuvres Complètes)

 

Les premières tentatives pour reconstruire le parti communiste

La lutte contre le révisionnisme comme on le voit a été une constance dans l'histoire du PCF et du mouvement communiste dans notre pays. Une lutte entre 2 lignes, entre la droite et la gauche ne cessa de se manifester dans le PCF, sans que la situation soit dépassé. La gauche du PCF ne réussit pas à élaborer une théorie de la révolution socialiste dans notre pays, au cours de la première crise générale du capitalisme, bien que le parti se proposât de guider la révolution socialiste. C'est pour cela que la droite réussit à prévaloir dans le parti. Un aspect important de la lutte contre le révisionnisme est la lutte interne contre l'abandon de l'internationalisme conséquent pendant la guerre d'Algérie et contre la politique social-chauviniste de la direction du PCF qui rejeta l'idée d'indépendance de l'Algérie jusqu'en 1957, plusieurs années après le début de la lutte armée du FLN contre le système colonial français. Après 1956, la lutte souvent spontanée, instinctive et diffuse contre le révisionnisme connut un saut de qualité dans la deuxième moitié des années 60, dans le cadre de la lutte lancée au niveau international, par le Parti du travail d'Albanie et surtout par le Parti communiste chinois. Il faut attendre novembre 1960 pour que le PCF se range ouvertement du coté de Krouchtchev et du PCUS lors de la conférence mondiale des partis communistes puis en octobre 1961 reprennent mot pour mot les dénonciations des " crimes " de Staline fait par le XXII Congrès du PCUS. Cela témoigne de la résistance au révisionnisme à l'intérieur du PCF.

C'est alors que naquit en 1964 la Fédération des cercles m-l (futur PCMLF) par des militants (J. Jurquet, F. Marty, G. Mury (7)) qui quittent le parti /ou en sont exclus, puis en 1966 naît l'UJC-ml formée par des étudiants de l'Union des Etudiants Communistes qui marque la fin de la période de scissions organisationnelles d'avec le PCF, fin de la période de la lutte contre le révisionnisme à l'intérieur du PCF.

D'une part, les partis et organisations marxiste-léninistes essayèrent de répéter telle quelle les stratégies de l'IC dans les années 20 et 30. Le PCMLF par exemple adopta à partir de 1971 la stratégie " classe contre classe " et le " front unique " contre la menace " imminente " de " troisième guerre mondiale " (8). Ils ne réussirent pas à corriger les limites de l'IC de la période précédente qu'ils répétèrent.

A la fin des années 60 et au début des années 70, en France comme dans d'autres pays, il y eut une grande période de luttes (la plus grande fut la révolte étudiante et la grève générale de Mai 68). La lutte pour les réformes à l'intérieur du capitalisme atteignit en même temps son point le plus élevé et ses limites : pour aller plus loin, elle devait se transformer en lutte pour la conquête du pouvoir et l'instauration du socialisme. Le programme de capitalisme à visage humain qui avaient donné certains résultats commençait à s'éroder. Les groupes et partis m-l ne réussirent pas à s'approprier correctement la méthode de la ligne de masse, pour rester de façon significative à l'avant-garde du mouvement des masses dans la nouvelle phase qui était amorcé à la suite du début de la nouvelle crise générale, vers la moitié des années 70. En ce qui concerne les rapports entre les masses populaires et la bourgeoisie impérialiste, les marxistes-léninistes français prirent la phase culminante de la lutte des masses pour arracher des conquêtes dans le cadre de la société bourgeoise pour le début de la révolution, après mai 68. Finalement, ils n'ont pas conçu leur travail selon la ligne stratégique de la guerre populaire révolutionnaire de longue durée.

Le mouvement m-l fut, d'une certaine manière, constamment emprunt de dogmatisme : la preuve en est qu'il ne reconnut jamais qu'il existe une troisième étape supérieure de la pensée communiste, le maoïsme, (reconnu sauf en partie par l'Union des Communistes de France marxistes-léninistes (UCFml), issu de l'UJCml) et il ne comprit jamais les erreurs et les limites de la gauche du PCF de la période précédente. En 1976, la prise de pouvoir par les révisionnistes en Chine après la mort de Mao Tsé Toung, la rupture qui a suivi entre le PCCh et le Parti du Travail d'Albanie et au niveau international, ont été en quelque sorte fatale aux partis et groupes M-L français qui ne se sont jamais relevé. Ce fut comme une répétition de ce qui s'était passé en 1956 avec l'URSS puis au niveau international. Ainsi, là aussi, le révisionnisme a réussi a avoir le dessus au sein du mouvement communiste jusqu'à en prendre la direction, érodant et soudoyant comme un cancer le mouvement marxiste-léniniste jusqu'à l'abattre. Ca réussi seulement parce que la gauche était convaincue que les conquêtes du mouvement communiste étaient irréversibles (en URSS et en Chine), parce qu'elle n'a pas donné de réponses adéquates aux problèmes posés, autrement dit parce que les partis et groupes comunistes ont fait des erreurs de dogmatisme, de manque de dialectique, et n'ont pas dépassé les limites de la période passé. Ils n'ont pas compris le nouveau, en particulier les lois des formations socio-économiques socialistes (les marxistes-léninistes français n'ont pas compris ce qui se passait en Chine en 1976 malgré les avertissements de Mao) et les lois des formations économico-sociales dans leurs pays impérialistes. C'est dans ces deux domaines que le nouveau mouvement communiste doit donner des réponses en les élaborant à partir de l'expérience de la première vague de la révolution prolétarienne et ne comprenant les lois des formations économico-sociales actuelles.

D'autre part, ce même mouvement marxiste-léniniste adopta différentes déviations de " gauche " (trade-unionisme/ouvriérisme, anarcho-syndicalisme, etc. (9) ) qui étaient une vieille maladie du mouvement communiste français, auxquelles le PCF n'avait jamais réellement réglé leur compte. Certains groupes tombèrent dans des erreurs qui trouvaient leur origine dans la culture bourgeoise de gauche. C'est le cas dans ce qui s'est passé dans la Gauche Prolétarienne (GP), issue de l'UJC ml, après Mai 68. Cela prit la forme d'une " critique de gauche du stalinisme " qui la plupart du temps prenait à son tour la forme d'un abandon de la conception scientifique du matérialisme historique (telle qu'elle est exposée en particulier dans l'Avant-Propos de K. Marx en 1859) ainsi que de la " dictature du prolétariat ", transformé en " pouvoir populaire " (GP). Et cela au nom de Mao Tsé Toung qui avait critiqué les " erreurs " de Staline mais tout en défendant son héritage, comme le prouve suffisamment la lutte contre le révisionnisme menée après la mort de Staline par lui et le PCCh. Selon ce courant culturel en France, Mao Tsétoung avait remis en cause une certaine conception des rapports entre base économique et superstructure idéologique et politique, alors que c'est Marx et Engels eux-mêmes qui ont découvert que la superstructure n'est pas un produit passif de la base, qu'elle est dotée d'une indépendance relative et agit en retour sur la base, et que, dans des conditions déterminées, elle peut jouer un rôle décisif sur la base économique. Mao Tsétoung n'en a pas moins fait progresser la science marxiste-léniniste en faisant le bilan de l'expérience pratique depuis la Révolution d'octobre et en analysant finement la superstructure dans la société socialiste et l'unité dialectique qu'elle forme avec la base économique (exposée en particulier dans le discours de Mao De la juste solution des contradictions au sein du peuple). Mais en retirant toute base matérielle à la lutte entre les deux classes fondamentales de la société bourgeoise, était nié du même coup que le socialisme est une nécessité historique objective indépendante de la volonté des hommes. Cela a conduit à l'idéalisme. La Cause du Peuple, le journal de la GP, proclamait qu'une occupation d'usine, d'un immeuble, etc., était " une expérience en petit " du socialisme, une " zone libérée ". Le parti communiste n'avait finalement plus de raison d'être puisqu'il était relayée par la " direction des idées prolétariennes ", d'après la phrase de C. Bettelheim, un économiste sympathisant de la Chine de Mao, dont l'assistant était Robert Linhart, un chef de file de l'UJCml et de la GP, également ancien élève du philosophe Louis Althusser.

Malgré tout, les partis et les groupes marxistes-léninistes (PCMLF, PCRml, etc.) constituent la plus importante tentative de reconstruction du parti communiste. Ils ont tenté de donner une réponse à cette nécessité de la classe ouvrière et des masses populaires de notre pays. Mais, aucun de ces groupes n'a atteint leur objectif. Pour recueillir ce qu'ils ont produit de positif et tirer les enseignements de leur expérience, il est indispensable de comprendre la raison de leur échec.
La raison de la faiblesse du mouvement marxiste-léniniste fut la même qui avait conduit la gauche du PCF à la défaite face à la droite dans la lutte entre 2 lignes : l'insuffisante autonomie idéologique et théorique par rapport à la bourgeoisie et l'absence de stratégie pour la conquête du pouvoir qui en découlait. Les partis et groupes marxistes-léninistes français ne réussit pas à élaborer une théorie de la révolution socialiste. Les marxistes-léninistes et maoïstes français ne comprirent finalement pas que pour aller de l'avant, il fallait faire un bilan de toute l'expérience de la première vague de la révolution prolétarienne et de la construction du socialisme qui avait atteint son degré le plus haut avec le maoïsme ; ils ne comprirent pas que le révisionnisme moderne n'était pas seulement le reniement de la révolution comme moyen pour instaurer le socialisme, mais il concernait toute la conception du monde et la méthode de direction et de travail des communistes ; enfin, ils ne comprirent pas que le capitalisme, dans notre pays également, arrivait au point le plus avancé d'une période de développement et que la seconde crise générale du capitalisme s'annonçait à peine. Mao nous a appris que si un parti n'applique pas une ligne juste, il en applique une erronée, que s'il n'applique pas une politique consciemment, il en applique une aveuglément.(10) Pour toutes ces raisons, leurs tentatives pour reconstruire le parti communiste échouèrent. Dans les années 80, les partis et groupes marxistes-léninistes de cette période ont disparu complètement (Le PCMLF en 1985, le PCRml en 1983, l'UCFml en 1984, etc.)

L'histoire du mouvement communiste est riche de victoires et de défaites. Les unes et les autres nous montrent que la contradiction entre théorie et pratique se manifeste dans les contradictions entre théorie révolutionnaire et construction de l'organisation révolutionnaire, entre parti révolutionnaire et direction du mouvement des masses et dans d'autres encore. Quel est le juste rapport entre les deux termes de chacune de ces contradictions ? L'histoire du mouvement communiste nous enseigne :
....1. l'unité des deux termes : l'un ne peut avancer dans son développement au-delà d'un certain point que si l'autre se développe, lui aussi, de façon appropriée ;
....2. En termes généraux la théorie du mouvement communiste est le reflet dans notre intellect, l'élaboration de l'expérience pratique de la lutte de la classe ouvrière et des masses populaires. Dans chaque organisme et dans chaque parti communiste, la gauche reflète la position de la classe ouvrière et la droite celle de la bourgeoisie. La bourgeoisie est au pouvoir depuis des siècles et a beaucoup hérité des précédentes classes exploiteuses. La classe ouvrière ne lutte pour le pouvoir que depuis cent cinquante ans et ne l'a exercé que pour de brèves périodes et seulement dans des pays où le capitalisme était relativement peu développé. Sur le terrain de la superstructure, la bourgeoisie a un système complet de conceptions, de lignes et de méthodes ; sa conception du monde s'est affermie en habitudes et en préjugés, elle a acquis la force, l'évidence et la facilité du lieu commun. Il s'ensuit qu'au sein des partis communistes la droite a la vie plus facile que la gauche. La droite s'appuie sur ce qui existe déjà, c'est évident, c'est facile, c'est habituel, " on a toujours fait ainsi ", " tout le monde pense de la sorte ". La gauche doit élaborer, découvrir, s'avancer dans l'inconnu, risquer de commettre des erreurs et corriger la direction jusqu'à trouver la voie qui mène à la victoire. La droite n'a pas besoin d'une théorie révolutionnaire ; la gauche ne peut pas progresser sans une théorie révolutionnaire et doit la créer. La droite peut se prévaloir des erreurs de la gauche et de la confusion de la contradiction entre théorie et pratique, avec les contradictions entre théorie juste et théorie fausse, entre neuf et vieux. La droite fait obstacle à la création d'une théorie révolutionnaire, la gauche la met en avant et sans une théorie révolutionnaire elle ne peut diriger. Les erreurs du parti, dans la compréhension de la situation, aident la droite, sont nuisibles à la gauche.

D'autres limites du mouvement communiste français et international

Il y a d'autres limites dans l'attitude de l'Internationale Communiste et du PCF, en particulier dans les années 30, répétée telle quelle par le mouvement marxiste-léniniste français,. Ainsi, l'IC n'a pas réussi à dépasser la compréhension de la cause et la nature des crises générales du capitalisme. La bourgeoisie impérialiste à développé des formes spécifiques de médiation entre le caractère collectif des forces productives et la permanence des rapports de production capitalistes qui encadrent ces forces productives : les forces antithétiques de l'unité sociale (FAUS). Les Banques, les associations de capitalistes, les négociations collectives des rapports de travail salarié, l'argent fiduciaire, la politique économique de l'Etat, les systèmes de prévoyance, sont ainsi des tentatives de médiations entre le caractère collectif des forces productives et les rapports sociaux de production capitalistes qui survivent. Ce fut à partir des années 30 que se constitua vraiment dans tous les principaux pays impérialistes le capitalisme monopoliste d'état. Les FAUS surgirent pour empêcher le développement dans la société des effets les plus destructifs propres à l'économie capitaliste et maintenir une stabilité politique. Dans une certaine mesure, cela éclipsa les manifestations plus destructives de l'antagonisme social et prolongeait sur une longue durée sa manifestation. Les communistes ne comprirent pas que les FAUS fournissaient de nouvelles armes à la bourgeoisie et empêchaient la radicalisation spontanée qui avait explosé dans la période 1918-1921. Dans la société impérialiste de masse, les FAUS deviennent même l'instrument déterminant de l'ordre public et de la stabilité politique, avant même les idées dominantes et les forces de répression. Mais en même temps, dans les pays capitalistes, les FAUS rendent plus manifeste et promeuvent le caractère collectif de la société et éduquent pratiquement les masses à elle. Ainsi, bien que Lénine avait indiqué clairement que l'impérialisme est une superstructure du capitalisme et qu'il est un capitalisme "dans son essence", le mouvement économique et les Forces Antithétiques de l'Unité Sociale (FAUS) n'ont pas été compris, étudiées et employées dans la bataille politique comme il aurait fallu.

De la même façon, le PCF des années 30 ne comprit pas forcément qu'il vivait dans une situation révolutionnaire prolongée en développement ou se joue en essence soit la mobilisation réactionnaire des masses ; soit leur mobilisation révolutionnaire qui décide vraiment de la crise du capitalisme. Il ne concevait pas sa pratique comme une guerre populaire révolutionnaire de longue durée et contradictoire dans sa nature, comme le développèrent les communistes chinois et Mao. L'IC n'éclaircissait pas la question de savoir si les limites de mobilisation révolutionnaire de la classe ouvrière était dû à la partie arriérée des masses et de l'influence qu'exerçait sur elle la bourgeoisie (l'influence qui normalement et spontanément la classe dominante a sur les classes subordonnées et qui sont le fait des organisations social-démocrates, réformistes et de leurs semblables) ou bien s'il s'agissait plutôt des méthodes et des conceptions encore arriérées ou même primitives de son avant-garde politique, c'est-à-dire des partis communistes. Selon certains la question fondamentale et donc l'entrave principale était l'existence d'organisations réformistes. Selon d'autres la question fondamentale était la capacité limitée des partis communistes à comprendre et diriger le développement du mouvement réel. Les communistes européens ne comprirent pas ni l'unité dialectique de paix et de guerre qui était pourtant la réalité qui se déroulait sous leurs yeux, ni le double rôle que les réformistes développaient, ni le lien antithétique entre les batailles pour satisfaire les besoins vitaux immédiats des masses et la bataille pour conquérir le pouvoir. Cela laissa un terrain libre et permit de faire germer les théories révisionnistes des réformes de structure et du passage graduel au socialisme au sein du PCF. Par ailleurs, les partis et groupes marxistes-léninistes français ne comprirent pas l'unité dialectique de paix et de guerre et ont balancé entre deux positions : soit ils ont prit la phase culminante de la lutte des masses(après mai 68) pour arracher des conquêtes dans le cadre de la société bourgeoise pour le début de la révolution. Soit ils ont avancé l'idée d'une tendance à la " fascisation en France" (GP ou PCMLF) de la société et parler de l'imminence d'une " troisième guerre mondiale " dont il fallait " retarder l'échéance... [car] les facteurs de guerre se sont développées plus rapidement que les facteurs de révolution ". (Protocole d'accord pour l'unification entre le PCMLF et le PCRML. 14 juillet 1979). Ils expliquaient alors que le " social-impérialisme [soviétique] " était le " principal foyer de guerre dans le monde aujourd'hui" auquel il fallait répondre par " un front anti-hégémonique mondial ", épousant ainsi la " théorie des 3 mondes " proposé par le PCCh. Comme une répétition telle quelle des années 30, la Chine prenait pour eux la place de l'URSS des années 30, l'URSS " social-impérialiste " dirigé par les révisionnistes au pouvoir prenait la place de l'Allemagne nazie comme danger principal pour les peuples d'Europe et du monde.(11)

Finalement, encore une fois, ils ne réussirent pas à corriger les limites de l'IC de la période précédente qu'ils répétèrent et ils n'ont pas conçu leur travail selon la ligne stratégique de la guerre populaire révolutionnaire de longue durée. Ici, il faut bien entendre que concevoir la ligne stratégique du parti communiste comme une guerre prolongée ne doit pas être assimilée avec le militarisme (blanquisme) et le simple fait de " prendre les armes ". L'accumulation et la formation des forces révolutionnaires doivent arriver "en sein à la société bourgeoise" mais, par la force de choses, elles s'accomplissent graduellement. Le parti doit éviter, par une conduite tactique adéquate, d'être contraint à un affrontement décisif tant que les forces révolutionnaires n'ont pas été accumulées jusqu'à avoir atteint la supériorité sur celles de la bourgeoisie impérialiste. L'activité défensive et offensive des travailleurs aujourd'hui se déroule pour une grand part à la lumière du jour, avec des activités légalement tolérées par la bourgeoisie, découragées et entravées par elle mais pas interdites. Il est absolument inconsistant ( avec l'exemple et/ou avec la propagande) de convaincre les ouvriers et les masses populaires à abandonner ce terrain. Chaque tentative dans ce sens laisse le champ libre aux révisionnistes, aux économistes, aux bourgeois. C'est seulement au fur et à mesure que la bourgeoisie empêche les activités politiques et culturelles des masses réalisées légalement, en les mettant hors la loi, en les persécutant, etc. (et c'est sûr qu'on y arrivera tôt ou tard : il suffit de voir les "progrès" que la bourgeoisie a déjà faits sur cette voie en ce qui concerne la liberté de grève, l'expression de la pensée et de la propagande, la représentativité dans les assemblées électives. La bourgeoisie n'a pas d'autre voie, même si par expérience, elle en connaît les dangers et fait mille efforts pour ne pas prendre cette voie), que les progrès de l'action du parti communiste, de la classe ouvrière et des masses populaires, feront jour. Leur résistance organisée à l'avancée de la crise et de la guerre d'extermination que la bourgeoisie impérialiste mène contre elles suscitera une contre-révolution puissante mais le parti devra tenir tête. C'est seulement alors, sur la base de leur expérience, que la classe ouvrière, le prolétariat et les masses populaires déplaceront une partie croissante de leurs luttes et de leurs forces dans la guerre, qui alors deviendra la forme principale dans laquelle elles pourront s'exprimer et dans laquelle le parti pourra les diriger victorieusement.

Bien que Lénine avait indiqué que l'impérialisme tend à la réaction et Staline avait précisé que la lutte des classes devient plus aiguë au fur et à mesure que la révolution socialiste avance dans le monde et que les pays socialistes progressent vers le communisme, ils ne virent pas aussi la nature politique des régimes politiques de la bourgeoisie dans la phase impérialiste du capitalisme. L'IC compris et affronta les régimes terroristes instaurés par la bourgeoisie (fascisme, nazisme, etc.), mais ne comprit pas adéquatement que les régimes des pays "démocrates" (USA, Angleterre, France, etc.) étaient maintenant devenus des régimes de la contre-révolution préventive. Ce n'est pas seulement la classe ouvrière qui avait appris du mouvement économique. Même la bourgeoisie impérialiste avait tiré de la Révolution d'Octobre, de l'instauration du socialisme en URSS et des événements européens de 1918-1921, des leçons que maintenant elle employait dans la contre-révolution préventive (New Deal, les répressions en Angleterre et en France) et dans la mobilisation réactionnaire des masse (le fascisme et le nazisme). Dans le mouvement communiste, au cours de l'histoire de l'IC s'est déroulé une lutte interne, bien que non déclarée et donc peu efficace et très douloureuse, pour comprendre la nature de cette réalité. Concevoir l'action du parti communiste stratégiquement comme une action légale, considérer la légalité comme la règle et la clandestinité comme l'exception qui entre en action dans les moments d'urgence, ne pas prévenir le moment où la bourgeoisie cherche à démolir le parti, ne pas construire le parti en vue et pour la guerre civile, n'est pas conforme aux lois de la révolution prolétarienne. Même pendant la résistance armée anti-fasciste en Europe, les partis communistes d'Europe de l'ouest ne consacrèrent que 10% de leur effectifs à la lutte armée et sa logistique, ce qui témoigne dans une large mesure qu'ils considéraient cette période comme une exception. Ce fut le cas aussi du PCMLF qui fut interdit pendant 10 ans après mai 68 (avec d'autres groupes révolutionnaires) et parla de " fascisation " de la France au lieu d'en tirer des leçons stratégiques sur la clandestinité et la nature de contre-révolution préventive du régime.

En fait, le régime de contre-révolution préventive, la clandestinité est un problème stratégique pas tactique. La bourgeoisie a pour préoccupation principale la stabilité et la conservation du régime, avant le respect de n'importe quels droits politiques et civiques. Les Etats capitalistes actuels ne permettront pas que le mouvement ouvrier révolutionnaire accumule des forces de manière pacifique et fera tout pour empêcher qu'un véritable Parti communiste construise et accumule les forces révolutionnaires. Il ne suffit donc pas de créer un organisme clandestin "à côté de l'organisation légale ". C'est le parti qui doit être clandestin, c'est l'organisation clandestine qui doit diriger l'organisation légale et assurer de toute façon la continuité et la liberté d'action du parti. Le parti communiste doit être un parti clandestin et, de la clandestinité, mobiliser tous les mouvements légaux qui sont nécessaires et utiles à la classe ouvrière, au prolétariat et aux masses : c'est la leçon de la première vague de la révolution prolétarienne qui a vu l'activité de l'IC et le maoïsme. Aujourd'hui, la tache essentielle est la reconstruction de partis communistes sur ces bases : créer des comités provisoires clandestins ; élaborer dans la pratique le programme et préparer le congrès de fondation du parti.

La situation actuelle et la putréfaction du régime de la V république

La V république fut instauré en 1958, pendant la longue période (1945-1975) de reprise et de développement de l'accumulation de capital et d'expansion de l'appareil productif qu'eut le capitalisme dans le monde. Ce fut seulement au cours des années 70 que le système capitaliste mondial passa de la période de reprise et de développement de l'accumulation du capital, qui débuta après la fin de la Seconde Guerre mondiale, à la seconde crise générale de surproduction absolue de capital. Dans notre pays également, cela empêcha la classe ouvrière et les masses populaires de continuer à arracher, grâce à des luttes revendicatives, des conquêtes progressives durables et à grande échelle. L'accord patronat-syndicats (les Accords de Grenelle en 1968), qui augmenta les salaires les plus faibles et diminua les différences salariales, fut la dernière conquête de la série de celles qui avaient ponctué le capitalisme à visage humain. La classe dominante commença à effacer graduellement, une à une, les conquêtes qui avaient été arrachées auparavant. Depuis lors, ce processus d'élimination s'est considérablement accéléré.
En conséquence, commença également la crise irréversible des révisionnistes modernes : la nouvelle phase du mouvement économique de la société ne permettait plus de combiner sujétion politique à la bourgeoisie impérialiste et améliorations économiques pour les masses. La ligne de collaboration de classe du PCF s'est poursuivi et s'est concrétisé en 1981 avec sa participation au gouvernement du socialiste Mitterand (" Nous entrons au gouvernement pour appliquer la politique de F. Mitterand […] dans une solidarité sans faille, y compris dans les entreprises " conclu l'accord Jospin-Marchais du 23 juin 1981. Par le passé, le PCF avait déjà appelé à voter pour Mitterand aux élections présidentielles en 1965 et tenter un programme commun entre lui et le PS). Depuis il a réitéré sa participation aux gouvernements bourgeois.

La bourgeoisie impérialiste fit collaborer le PCF et les syndicats de régime (FO, CFDT, CGT) " y compris dans les entreprises " avec les autorités officielles et avec l'administration publique, afin de maintenir l'ordre et de gérer la société, concrétisé par le paritarisme et les comités d'entreprises dans les années 80.

En France, les caractéristiques modernes et d'avant?garde de la bourgeoisie impérialiste se sont vigoureusement développées initiée par Pompidou ou Giscard d'Estaing puis accéléré par Mitterand : il s'agit des activités (financières et politiques) qui se déroulent en dehors et contre la loi en vigueur, de la violence d'Etat et privée, des complots et des intrigues devenus des instruments courants de l'activité économique, commerciale et financière des groupes impérialistes. Ceci est arrivé dans chaque pays impérialiste (et de là, ces activités sont exportées dans les pays dépendants, en particulier le Maghreb et l'Afrique occidentale, anciennes colonies et chasse gardée traditionnelle de l'impérialisme français ).

Le caractère moderne du régime consista en ceci : la bourgeoisie prit acte qu'il est impossible de mener la répression de la classe ouvrière et des masses populaires dans le cadre de l'administration publique et d'une activité codifiée en lois et développa sur une grande échelle les formes les plus diverses de répression illégale : privées et criminelles, visibles et occultes. Le régime combina magistralement, avec l'appui déterminant des révisionnistes modernes, la création de syndicats jaunes, la répression de la police, les campagnes racistes contre les travailleurs immigrées et la menace entrenue avec le Front National qui obtient des succès électoraux. En 1981, le maire communiste de Vitry, soutenu par la direction révisionniste, avait relancé le débat sur l'immigration en faisant détruire par les bulldozers un foyer de travailleurs immigrés en construction, au nom du " seuil de tolérance ", thème sans cesse repris depuis par les partis bourgeois.

Le régime de la V République est entré en crise quand, à cause de la crise générale, il devint impossible pour la bourgeoisie impérialiste de continuer à répondre aux aspirations des masses, quand celles-ci s'exprimaient avec force, par la politique du clientélisme et par l'utilisation de l'administration publique et du secteur économique d'Etat et public en général. Il est entré en crise quand l'Etat impérialiste ne fut plus en mesure, à cause de la crise générale, d'absorber et de maintenir en vie les entreprises privées en faillite et ferma elle aussi les siennes.

A cette cause s'ajouta un autre élément : à cause de la crise générale, les oppositions entre les groupes de la bourgeoisie impérialiste, français et étrangers, s'intensifièrent lorsque les groupes impérialistes allemands lancèrent à nouveau, sur une grande échelle, leur offensive pour se créer un " espace vital " en Europe, pour s'en servir dans la compétition internationale. L'Union européenne est en effet la tentative des groupes impérialistes allemands de coaliser sous leur direction tous les capitalistes européens et leurs pays respectifs, en vue d'une nouvelle répartition du monde, contre la domination des groupes impérialistes des Etats-Unis et pour mieux assurer le maintien de la domination de la bourgeoisie impérialiste sur les masses populaires européennes, malgré le développement de la crise générale.

Le régime de la V République est en crise, mais la bourgeoisie impérialiste n'a pas de régime de rechange. D'où sa lente et douloureuse putréfaction.

Le régime avait proclamé qu'il était en mesure de résoudre le problème du travail et, en général, de la vie des masses. Dans cette optique, il avait accepté 'le défi du communisme', du moins celui mis en avant par les révisionnistes modernes. Le renoncement pratiqué et déclaré, par l'administration publique dans les années 90 d'assurer un travail à tous et à résoudre les problèmes de subsistance des masses populaires, est la déclaration de la faillite de la bourgeoisie impérialiste face à l'impasse dans laquelle elle a conduit le pays : la nouvelle crise générale.

L'abdication déclarée de l'administration publique de la bourgeoisie impérialiste, de son Etat, " à créer du travail " et en général à résoudre les problèmes de la vie des masses, est à peine masquée par quelques propos démagogiques et le RMI qui donne l'aumône. C'est d'autant plus grave :

....- parce qu'elle se produit dans un contexte économique où il est impossible que l'écrasante majorité de la population puisse résoudre individuellement ces problèmes. Le caractère collectif atteint par les forces productives ôte, aujourd'hui encore plus qu'il y a cinquante ans, la possibilité aux simples individus de résoudre sur un plan individuel les problèmes qu'ils rencontrent. La bourgeoisie qui rejette, en tant qu'assistanat, la charge de s'occuper avec les pouvoirs publics de la solution des problèmes de la vie des masses, les condamne à mort en les désignant comme étant de trop, parce que l'initiative privée des capitalistes n'y pourvoit pas à cause de la crise générale ;
....- parce que cette abdication survient alors que, dans toute l'Europe, la bourgeoisie impérialiste adopte la même attitude, contrainte qu'elle est par la concurrence avec les groupes impérialistes des Etats-Unis qui, dans la lutte engendrée par la crise générale, en plus de bouleverser la société américaine elle-même, jettent tout le poids de l'hégémonie mondiale dont ils ont hérité. Ils jettent tout le poids de leur rôle de fournisseurs de monnaie fiduciaire pour le monde entier, tout le poids du réseau de leurs intérêts qui, comme une pieuvre, écrase et vide presque tous les pays, bien que, dans ce dessein, ils doivent ressortir toujours plus souvent la politique de la canonnière qui marqua la fin de l'empire britannique.

La reconstruction du parti communiste

L'obstacle principal à ce que les masses puissent résoudre leurs problèmes est justement la direction exercée par la bourgeoisie impérialiste. Éliminer celle-ci et instaurer la direction de la classe ouvrière est la tâche historique qui se pose au parti communiste, pour les prochaines années.

Une bataille se joue entre les deux classes antagoniques autour de la défense dans notre pays du leg des conquêtes historiques du capitalisme à visage humain qui étaient une étape en avant de la civilisation, vers le communisme, tout en se maintenant dans le cadre de la société impérialiste de masse. Une bataille qui consiste :

....- Soit démanteler les créations et institutions du "capitalisme à visage humain", là où c'est possible après les avoir transformés de l'intérieur en leur contraire (privatisation) ou en avoir saboté le fonctionnement au point de coaliser les forces nécessaires à leur démantèlement et mener la répression des forces qui continuent à les défendre ;
....- Soit étendre les créations du "capitalisme à visage humain" et éliminer les autres institutions de la société bourgeoise incompatibles avec la permanence de ceux-là (la propriété individuelle des principales forces productives, le libre marché, les organisations politiques et secrètes des capitalistes, la mise à l'écart de la masse des travailleurs à la direction de la société, la direction des capitalistes sur l'appareil d'état), adopter toutes les mesures nécessaires pour rendre toutes les institutions de la société cohérente avec elles, les constituer dans un système organique et cohérent d'une nouvelle société, réprimer les forces qui s'opposaient à ces mesures ou les sabotaient : c'est-à-dire accomplir la révolution socialiste. Pour maintenir ce qui a été conquis, le prolétariat doit conquérir et assumer la direction de la société entière.

La bataille politique actuelle entre ces deux voies est le fondement même pour comprendre les politiques en cours dans nos sociétés impérialistes modernes et donc la ligne de partage entre les forces politiques des deux classes antagoniques. Ce qui est devenu objectivement impossible (et donc politiquement perdant), c'est le maintien de la situation existante : conserver les institutions du "capitalisme à visage humain" déjà acquis et maintenir le reste de la société. S'ouvre une époque de révolution sociale, comme le disait Marx en 1859 dans l'avant-propos à la critique de l'économie politique. La crise politique et culturelle de la bourgeoisie impérialiste pousse les masses à la mobilisation. La défense des conquêtes arrachées au cours des trente années de capitalisme à visage humain, et la révolte contre le régime actuel jusqu'à son élimination, sont les deux composantes (défense et attaque) de la résistance des masses à l'avancée de la crise.
L'administration publique de la bourgeoisie impérialiste se retire, renonce à la tâche de créer du travail et en général de pourvoir à la solution des problèmes de la vie des masses populaires. Contre ce repli de la bourgeoisie impérialiste dicté par la crise générale (les déséquilibres financiers entre les parties qui la composent, la concurrence et la lutte au couteau entre groupes impérialistes, etc.), le nouveau parti communiste doit guider la mobilisation des masses dans tous les domaines, à tous niveaux et par tous les moyens.
Le parti doit diriger et susciter la mobilisation des masses pour défendre toutes les conquêtes que la bourgeoisie impérialiste tente d'éliminer ; il doit appuyer tous les groupes (grands ou petits) de travailleurs qui défendent une conquête (quelle qu'elle soit) contre la bourgeoisie impérialiste qui veut l'éliminer : les droits de grève, le poste de travail, la sécurité sur le lieu de travail, les retraites, la sauvegarde de l'environnement, le logement, l'instruction, la santé, les services. Dans les luttes de défense, les masses apprennent par expérience directe que chaque sacrifice que la bourgeoisie réussit à imposer en appelle d'autres ; que pour vaincre il faut élargir la lutte et la transformer en un problème d'ordre public, en un problème politique ; que les difficultés que l'on rencontre dans sa propre entreprise, dans sa propre institution, ne peuvent être résolues qu'au niveau politique ;
que la propriété et l'initiative privées sur lesquelles se fonde le capitalisme sont en contradiction avec la réalité et jettent les masses dans des difficultés inextricables et les soumettent à des souffrances croissantes.
Le parti doit diriger et promouvoir la mobilisation des masses pour prendre et se faire donner par la bourgeoisie impérialiste les ressources nécessaires à la solution des problèmes qu'elles rencontrent dans leur vie (argent, logement, moyens de production, moyens de transport, etc.), ressources que la bourgeoisie impérialiste gâche sur une grande échelle.
Le parti doit tirer et généraliser les enseignements des luttes de défense, apprendre et généraliser les lois selon lesquelles elles se déroulent. Une victoire sur une grande échelle et durable est impossible, vu la crise, mais dans chaque cas particulier il est possible de gagner, d'empêcher, de retarder ou réduire l'attaque de la bourgeoisie impérialiste. Dans chaque lutte, le parti doit favoriser l'organisation des masses, reconnaître la gauche, la renforcer et l'organiser afin qu'elle apprenne à conquérir le centre et à isoler la droite.
Tout cela est étroitement lié à la lutte pour le pouvoir. Seule la lutte pour le pouvoir peut conférer continuité, apporter l'expansion et assurer le succès à cette lutte des masses populaires pour la défense de ses conquêtes et pour la survie, pour mettre fin à la mise sur la touche, par la bourgeoisie impérialiste, d'une partie de plus en plus importante des masses, pour développer leurs forces et satisfaire leurs besoins.
Dans chaque lutte de défense, le parti doit rassembler les forces en vue de l'attaque. Si l'on ne développe pas l'attaque, il est impossible de développer la défense sur une grande échelle et augmenter les possibilités de victoire. Lorsque l'attaque est absente, la défense, elle aussi, est freinée.
Rassembler les forces pour l'attaque signifie comprendre et faire apparaître les raisons des victoires comme des défaites, généraliser les méthodes qui mènent à la victoire et combattre celles qui mènent aux défaites, élever par tous les moyens la combativité des masses et leur confiance en elles?mêmes, guider la partie la plus combative en vue de réaliser une plus grande mobilisation des autres, recruter pour les organisations de masse et pour le parti, renforcer l'organisation du parti, favoriser le rassemblement et l'organisation des masses, les réunir en un front dirigé par le parti et employer les forces disponibles aux tâches tactiques de l'attaque, pour acquérir de l'expérience et développer une ligne victorieuse de rassemblement et d'accumulation des forces révolutionnaires.
Tous ceux qui sont disposés à lutter contre le régime actuel doivent trouver dans le parti communiste la direction la plus sûre et la plus avisée, quelles que soient les raisons déclarées de leur lutte. La classe ouvrière doit devenir le centre de la mobilisation des masses, le guide de leur résistance aux effets de la crise générale du capitalisme.
Le nouveau parti communiste doit reprendre dans ses mains la thèse énoncée par le premier parti communiste à sa fondation (1921) et lorsqu'il a adhéré à l'Internationale Communiste : la France est un pays impérialiste et il n'existe aucune possibilité d'une révolution autre que la révolution socialiste. Il n'y a pas d'autre voie pour avancer pour la classe ouvrière, pour le prolétariat, pour les masses populaires que la révolution socialiste.

Les révisionnistes modernes, de Thorez à Marchais, avaient déclaré que la révolution socialiste n'était plus nécessaire à la classe ouvrière et aux masses populaires de notre pays, que les masses populaires de notre pays pouvaient résoudre leurs principaux problèmes en arrachant réforme sur réforme jusqu'à réussir à créer une société socialiste, que le système capitaliste n'aboutissait plus à des crises et à des guerres. La réalité a démontré que leurs thèses ne tiennent pas debout, qu'elles n'ont servi qu'à désagréger et corrompre le vieux parti et à l'amener à la dissolution.
Les conquêtes que les masses populaires ont arrachées avec leur sueur et leur sang au cours de la période 1945?1975 et que les révisionnistes avaient promis d'accroître jusqu'à parvenir à créer une société socialiste sont éliminées sous nos yeux ; les crimes de la bourgeoisie impérialiste se multiplient contre les masses populaires de notre pays, contre les travailleurs immigrés, contre les pays semi?coloniaux et contre les pays socialistes. Seule l'élimination de la bourgeoisie impérialiste permettra aux masses populaires d'employer leur énergie à satisfaire leurs besoins et à résoudre leurs problèmes. Seule la classe ouvrière peut éliminer la bourgeoisie impérialiste du pouvoir et prendre la direction des masses populaires et de la société tout entière et les conduire pour la réalisation de leurs objectifs.
Il faut donc :
S'unir étroitement et sans réserves à la résistance que les masses opposent et opposeront à l'avancée de la crise générale du capitalisme, comprendre et appliquer les lois selon lesquelles cette résistance se développe, l'appuyer, la promouvoir, l'organiser et faire prévaloir en son sein la direction de la classe ouvrière, jusqu'à la transformer en lutte pour le socialisme, en adoptant, comme méthode principale de travail et de direction, la ligne de masse.
Le devoir principal et de longue haleine du nouveau parti est de trouver, dans l'analyse concrète des rapports économiques, politiques et culturels de notre pays et de ses liens internationaux, la voie pour le rassemblement et l'accumulation des forces révolutionnaires.
La pratique de la ligne générale du parti, l'analyse de l'expérience faite en partant de la conception matérialiste dialectique du monde et par la méthode du matérialisme dialectique (marxisme ? léninisme ? maoïsme), permettront au parti de découvrir la voie pour être en mesure de rassembler et accumuler les forces révolutionnaires, jusqu'à ce que le rapport de force entre bourgeoisie impérialiste et classe ouvrière soit inversé et que la classe ouvrière puisse prendre le pouvoir (voie de la révolution socialiste dans notre pays).

Notes

1. Yves Santamania. Histoire du Parti communiste français. Repères. La Découverte.1999. p.36.

2. Idem p.37.

3. Idem.p.38.

4. Kostas Mavrakis. Du trotskysme. Edition Francois Maspéro. Paris. 1973. p.235.

5. Togliatti, dirigeant du PC Italien, proclamait non sans raison à cette époque que la théorie des " réformes de structure " est une " ligne commune à tout le mouvement communiste international ".

6. Il est secondaire que au niveau des individus ce sont les mêmes qui soient à la tête de périodes opposées. C'est ce qui est arrivé dans les pays socialistes avant et après la prise de pouvoir des révisionnistes et dans les partis communistes tombés sous la direction des révisionnistes modernes. Ainsi on peut comprendre comment M. Thorez fut d'un coté à la tête de la lutte contre les thèses opportunistes de Jacques Doriot au milieu des années 30 et mena la lutte " contre la guerre impérialiste " qui se préparait en Europe et contre l'URSS, avant la guerre, et d'un autre coté, quelques années après décrète la nécessité d' " une seule armée, une seule police " (2 février 1945). De même il déclare aux ouvriers de " produire, produire et encore produire…c'est aujourd'hui la forme la plus élevée de votre devoir de classe, de votre devoir de Français " (à Waziers, 21 juillet 1945) et parle de la possibilité du passage pacifique au socialisme au Times le 19 novembre 1946. Les individus peuvent changer, mais ce qu'ils ont construit de positif est repris en main et continué par d'autres ; l'histoire de Plékhanov, de Chen Duxiu, de A. Bordiga, etc. est là pour nous le montrer.

7. Certains étaient des cadres régionaux ou nationaux du Parti. François Marty était membre du conseil national du Mouvement de la Paix. Certains comme J. Jurquet était entré au parti pendant la Seconde Guerre mondiale la guerre et pris les armes contre l'occupant allemand en tant que Franc Tireur Partisan(FTP). Il avait soutenu activement le FLN en France pendant la guerre d'Algérie.

8. A l'origine, la stratégie " classe contre classe " et du " front unique par en bas " a été adopté par l'IC à son 6 eme Congrès en 1928 et appliqué par le PCF jusqu'à la stratégie de front populaire antifasciste en 1934. La ligne de masse du PCMLF était " l'unité à la base, par, pour, dans l'action ".Par ailleurs, le 1er mai 1975, L'Humanité Rouge (journal du PCMLF) titre " Une guerre en Europe est imminente (…) Ce 1er mai sera ainsi placé sous le signe de la défense de l'indépendance nationale, contre les 2 superpuissances et en particulier le social-impérialisme et ses agents. Nous proclamerons bien haut comme hier face à Hitler que notre peuple n'acceptera pas la soumission. "

9. Une manifestation de l'économisme et du trade-unionisme, conscient ou non, du mouvement marxiste-léniniste français était la lutte syndicale considérée comme la base de la lutte politique.

" Les marxistes-léninistes considèrent l'entreprise comme le lieu fondamentale de leur activité ! " (L'Humanité Rouge, 8 novembre 1973. Journal du PCMLF). " le socialisme de demain se construit dans les luttes d'aujourd'hui " (PCRml). Comparons ces conceptions avec les pages de Que Faire ? de Lénine où sont analysées et critiquées les conceptions du genre 'La lutte syndicale est toujours le meilleur terrain pour la lutte politique' ou 'la lutte syndicale est le moyen le plus largement applicable pour attirer les masses à la politique'.

Une pratique très répandue qui en a résulté est l'établissement en usine et en entreprise des militants marxistes-léninistes français d'origine non-prolétarienne comme moyen de créer le parti. Même si l'établissement fut la volonté sincère des jeunes militants M-L de reconstruire l'unité vivante entre la pensée marxiste et la classe ouvrière, érodée par les révisionnistes modernes, cela n'a pas mené à la reconstruction du parti communiste. L'origine de la thèse de l'établissement vient en particulier de l'UJCml qui rejette l'idée de " Créer un parti qui ne soit pas un groupe de propagande encore isolé de l'avant-garde ouvrière et coupé des masses, mener une agitation anti-révisionniste par laquelle on espère, de l'extérieur, gagner l'avant-garde ouvrière et les masses dupées par le révisionnisme " qu'il faut selon elle remplacer par " l'organisation simultanée des luttes anti-patronales dans les usines, et de noyaux dirigeants clandestins m-l, l'unification dans la lutte (…) une action de sape des positions révisionnistes à la base, dans les usines, par laquelle on parviendra de l'intérieur à tracer une ligne de démarcation pratique, sur des milliers de luttes concrètes (…) " (Servir Le Peuple n°15. Journal de l'UJCml. Citation reprise de la brochure : Des " défenseurs " révisionnistes de la dictature du prolétariat : Althusser, Balibar et compagnie. Par Bernard Lisbonne. Edition NBE. 1976. p.94.) En résumé, cela revient à introduire un " noyau dirigeant " intellectuel qui vient politiser les ouvriers dans les usines comme l'abc de la pratique communiste ; cela revient au spontanéisme où est écarter l'idée que les ouvriers puissent se former de l'extérieur de l'usine et exercer un rôle politique sur toute la société. Il est absolument faux que seule les luttes syndicales soient des " luttes concrètes ". La Résistance, les mouvements anti-impérialistes, les luttes féministes, les luttes des immigrées n'ont -ils pas été et ne sont-ils pas aujourd'hui aussi des luttes concrètes ?

10. Pourtant, aujourd'hui encore des groupes " marxistes-léninistes " répètent telle quelle la politique de l'IC et ses limites, en refusant de tirer un bilan à la lumière de l'héritage et des enseignements du maoïsme (la lutte contre le révisionnisme moderne en particulier à partir de 1956 dirigé par Mao; la Révolution Culturelle, etc.). Ainsi, le PRCF (pole de renaissance communiste en france), issu de la FNARC et avant de Coordination Communiste, une structure créée dans un premier temps à l'intérieur du PCF après 1989, veut mobiliser autour de la souveraineté de la nation. Dans un tract de la FNARC voilà ce qu'on pouvait lire comme revendication principale : " Nous appelons a signer notre manifeste pétition, qui sera adressé au président de la République. Exigeons un référendum pour dire : non a la nouvelle constitution, destructrice de la nation. Non a l'élargissement de l'europe. Non a Maastricht. 5 octobre 2003. ". En fait, cette position n'est pas loin de la conduite des altermondialistes et des réformistes qui restent dans le cadre bourgeois étroit de " la nation " et de la démocratie bourgeoise avec les idées de " résistance citoyenne " et pacifique et le " respect du droit international ".

11. C'est le cas du PCMLF : "Le révisionnisme au pouvoir, c'est le social-fascisme (…) L 'existence du social-fascisme détruit l'équation traditionnelle entre fascisme et extrême-droite historique (…) les dirigeants révisionnistes, meilleurs agents de la fascisation. " (L'Humanité Rouge, 18 avril 1974). " Qui menace notre indépendance nationale ? L'Europe n'est pas un 'îlot protégé'(…) Le danger peut venir de l'Ouest …mais bien plus encore de l'Est. " (H.R., 25 avril 1974)." L'indépendance de la France et des autres nations d'Europe occidentale est directement menacée… [il faut] réaliser un front uni nationale, et l'intégrer dans le front uni mondial contre l'impérialisme, l'hégémonisme, le racisme et le colonialisme (…) le peuple cambodgien a su forger l'irrésistible force d'un " front uni national " regroupant dans le combat patriotique des communistes, des bouddhistes, des royalistes, des paysans, des intellectuels, des personnalités diverses, souvent en opposition aiguë par le passé. " (H.R. 17 avril 1975). " l 'URSS révisionniste héritière de l'Allemagne nazie " (H.R. 22 octobre 1975).

X.Y -Mai 2004-


ANNEXE

En annex, voici des extraits partiels et partiaux d'une brochure intitulée Staline contre le révisionnisme. Et sous-titrée : La Conférence de formation du Kominform. Szklorska Pereba. [Pologne] 22-27 septembre 1947. Les partis frères font le procès du révisionnisme des partis communistes français et italien. Elle fut publiée par le groupe Ligne Rouge, en décembre 1969 qui présenta sa brochure comme un " fascicule d'éducation politique marxiste-léniniste-maoïste. " et d' " histoire du mouvement ouvrier et communiste ". Cette brochure est disponible en version numérique et intégrale sur le site des EP.

----[…]Pour un certain nombre de sincères révolutionnaires français (nous ne mettons évidemment pas dans le même sac la poignée de chefs et de chéfaillons trotskystes quasiment irrécupérables) le Parti " Communiste " Français est stalinien ; c'est là son défaut congénital. Or le PCF est stalinien depuis longtemps et il le resterait en dépit de la " déstalinisation " officielle. Il n'y aurait donc pas de rupture profonde dans son histoire jusqu'à aujourd'hui, c'est à dire jusqu'au PCF actuel. Actuel considéré unanimement par les vrais révolutionnaires comme une organisation jaune -au moins objectivement- au service de la bourgeoisie.
Ce qui a brouillé et brouille encore les cartes, c'est l'attitude de la direction du PCF elle-même et de Thorez en particulier. Jusqu'en 1956 Thorez et la direction du PCF se sont proclamés " staliniens ". Cela voulait dire abreuver le peuple français de nombreuses professions de foi et -il faut bien le dire- de flagorneries à l'égard de Staline. A l'extérieur comme à l'intérieur du Parti la tactique de la direction thorézienne consistait à louer constamment Staline pour se prévaloir de son appui et ainsi pour utiliser le grand prestige justement acquis par le dirigeant du Parti Bolchévik au service de sa ligne politique en France.
Or, entre la ligne de Staline et des Bolchéviks et celle de Thorez en France, il y a une différence fondamentale en particulier dans l'immédiate après guerre. A cette époque il y avait non seulement de divergences implicites sur la ligne et sur les positions politiques dont nous pouvons donner maint exemple (Exemple : en 1945, au moment de la défaite du colonialisme français au Liban l'Humanité se lamente sur les " erreurs " (du colonialisme français) qui compromettent " les intérêts et la présence française au Liban ". Au même moment à la tribune de l'ONU le délégué soviétique intervient pour exiger le " départ de toutes les troupes d'agression du Liban ", c'est à dire les troupes colonialistes anglaises et françaises.), mais aussi critiques et mises en garde explicites.(…) [comme] les discussions et les décisions qui ont été prises à la réunion de formation du Kominform de septembre 1947 en Pologne. Le contenu de cette conférence prouve :

1)

la fermeté sur les principes révolutionnaires de Staline et du Parti Bolchévik qui leur donne à cette époque le rôle de guide du MCI.

2)

L'opposition politique radicale qui existe entre la ligne de Staline et de Thorez, la contradiction entre les affirmations de la direction du PCF qui se dit " stalinienne " et la réalité : stalinien, marxiste-léniniste en paroles, anti-stalinien, opportuniste de droite, révisionniste en réalité voilà ce qu'est la direction du PCF dès cette époque.

[…]Le PCF et le PCI au banc des accusés.
Organisation de la lutte armée contre l'occupant (Partisans), Front Uni National avec tous les antifascistes y compris les bourgeois. Ce qui était juste. Mais incapacité d'avoir la direction effective du Front Uni National : en France par exemple les communistes représentent l'écrasante majorité des forces de la lutte politique et armée contre les Nazis mais ils laissent Bidault, agent de De Gaulle et des Anglais occuper la présidence du CNR.

[…] Le PCF et le PCI ont une grande popularité dans les masses mais ils n'ont pas du tout démasqué les agents doubles du genre de Gaulle. Au lieu de maintenir et de faire évoluer le rapport de forces en leur faveur ils capitulent devant les exigences de la bourgeoisie et tombent dans toutes leurs manœuvres. Ils acceptent la dissolution des milices populaires, ordonnent de rendre les armes détenues par le peuple à la bourgeoisie contre des strapontins ministériels au gouvernement. Dans ces gouvernements les postes clés sont détenus par les Partis social-démocrates et bourgeois " nouveaux " (MRP en France, Démocratie Chrétienne en Italie). L'administration bourgeoisie a été entièrement réédifiée, l'armée épurée de la plupart des éléments progressistes issus de la Résistance et reprise en main par la bourgeoisie. Dans ces conditions les communistes au gouvernement n'ont que très peu de poids et surtout leur politique de concession sur concession à la réaction les isole de plus en plus du peuple. La bourgeoisie les tolère car leur politique de " Retroussez vos manches " [(Thorez)] revient à la reconstruction de l'économie capitaliste au seul profit de la bourgeoisie ; malgré les plus honteuses concessions du PCF (comme le vote des crédits militaires pour l'Indochine en mars 1947 par les ministres communistes : Thorez dit qu' " il n'y a pas lieu de rompre la solidarité ministérielle " ( !) " le PCF est finalement chassé du gouvernement en mai 1947. Au moment de la conférence le PCI est encore au gouvernement mais il ne fait pas de doute qu'il va lui arriver la même chose.
Au moment de la conférence la situation PCF et du PCI n'est donc pas brillante ; Longo et Duclos ont quelque peine à camoufler que le bilan de la ligne politique de leurs Partis est un bilan de faillite.

Les interventions critiques

24 septembre :

1) Intervention d'Edward Kardelj, membre du PB du PC Yougoslave :

" […]Les partis français et italiens n'ont pas encore de perspective bien nettes. Ils participent à la lutte pour la reconstruction industrielle, pour les prix, pour résoudre les difficultés économiques. Je ne suis pas bien au courant. Mais je crois que dans les conditions du Capitalisme les Partis ne doivent pas appliquer pareille tactique. Un PC ne peut pas prendre une telle position à l'égard d'un gouvernement qui fait du pays un vassal de l'Amérique. C'est la voie de l'opportunisme, du parlementarisme. L'opposition dans ces conditions n'est plus q'une opposition de forme. Il n'est pas possible de ramener toute la politique à la simple lutte parlementaire. Pourquoi contribuer à l'amélioration de la situation économique d'un gouvernement que l'on se propose de renverser ? "
[…]

3) Intervention de Djilas (à ce moment jeune dirigeant du parti yougoslave. Devenu avec Tito chef de file du révisionnisme yougoslave, […] Mis à l'écart par les titistes il est devenu aujourd'hui totalement bourgeois.) :

" […]Le PCF a constitué des blocs de toute sorte, mais pas toujours sur la base de la lutte armée, de la Résistance, d'une insurrection qui viendrait au moment opportun, au moment où toute la Nation y compris la bourgeoisie serait prête. Cela à permis à Bidault d'occuper la présidence, comme au Mihailovitch français De Gaulle de devenir le sauveur de la patrie. Le PCF n'a pas fait l'insurrection. Ils se sont laissés influencer par des opportunistes, des capitalistes, par ceux qui attendaient les Anglais, qui affirmaient que les Allemands étaient encore forts [il s'agit des réseaux de " Résistance " gaullistes et bourgeois.]
Les politiciens tarés et corrompus ont eu gain de cause. Il aurait fallu réfléchir sur tout ce que nous avons appris de Lénine et de Staline, autrement dit que la guerre de l'URSS est une lutte prolongée. En dépit de l'héroïque lutte des Partisans français, le PCF n'a pas fait son devoir à l'égard de la Nation française. Après la guerre, le PCF a fait des concessions successives à la réaction, il a permis la dissolution des forces de Résistance, l'exclusion des Partisans des milices, etc… Le PCF espérait prendre le pouvoir au moyen des élections. Il était ainsi poussé sur le chemin de l'attente et de la passivité. Comment le PCF explique-t-il cette attitude ? Il dit qu'il ne pouvait rien faire avant que la guerre contre les Allemands fut terminée afin de ne pas compromettre les rapports entre les Russes et les Américains. De Gaulle, sous prétexte de mettre de l'ordre dans l'armée a exclu les vrais combattants de la lutte contre l'Allemagne.
Lutte de la Nation contre l'Allemagne. Moyens exclusivement parlementaires. Le deuxième argument est ridicule. Ce qui aurait apporté le soutien le plus efficace à l'URSS aurait été une action pour réduire l'influence américaine sur le peuple. Pendant la guerre contre les Allemands les Grecs n'ont pas hésité à s'opposer aux Anglais. Nous autres Yougoslaves n'avons jamais permis que les Anglo-Américains aient une influence déterminante. Les communistes français sont devenus de piètres représentants de la politique de l'URSS devant le peuple français pourtant combattant.
La Constitution française (Constitution de 1946 rejetée au 1er Référendum de mai 46) que les communistes comme les socialistes ont soutenu au cours du Référendum, était impopulaire, ce n'était pas une bonne Constitution. Les communistes l'ont votée par crainte d'être isolés, tandis que les socialistes ont essayé de la faire rejeter au moment du Référendum. Nos camarades ont été victimes de la machine électorale dans laquelle ils ont cru aveuglément. Une autre constitution a été faite ensuite et les communistes l'ont acceptée sous prétexte qu'il fallait en finir avec le provisoire.
Les communistes ont continué d'accroître leurs effectifs et son devenus le Parti le plus fort, mais les événements ne se sont pas déroulés selon leurs prévisions. L'impérialisme US devenait toujours plus puissant, les guerres coloniales s'aggravaient ; pour obtenir l'aide US, la bourgeoisie a commencé à marchander avec les USA. Les communistes exclus du gouvernement ont été les premières victimes. Bevin, Bidault (Ministres des affaires étrangères anglais et français) etc. savaient fort bien que les communistes n'auraient pas abandonné le terrain parlementaire sur lequel la réaction a réussi à constituer une majorité contre eux. Les communistes français ont toujours affirmé qu'ils n'auraient jamais quitté le terrain de la légalité. Tout le travail de leur Parti était fondé sur cette affirmation.
Aucun ordre, aucune discipline. N'importe qui peut entrer dans ce Parti. En 46 les effectifs atteignaient le million. En 47, 800.000. Où sont passés les autres ? Il n'y a pas eu d'épuration. Le mot d'ordre : augmenter les effectifs. Il s'agit d'une ligne politique et idéologique. De nombreux membres du Parti ne se considèrent tenus par aucune obligation. La réaction avait fort bien vu que si la direction du Parti avait fait la moindre tentative, la masse des adhérant n'aurait pas suivi. Les camarades français auraient du savoir que les Américains agissaient en vue de la domination mondiale et qu'ils auraient tout fait pour chasser les communistes du gouvernement.
Les communistes français auraient du savoir que la bourgeoisie est au pouvoir, que le Parlement est un instrument de ce pouvoir. Ils auraient du préparer le Parti à affronter une telle situation. Ils ne l'ont pas fait. L'ennemi en a profité. La politique pratiquée à l'égard des socialistes n'est pas juste. Elle n'a apporté aucun avantage. Blum était d'accord pour un Comité d'entente (Comité de discussions au sommet formé par le PCF et la SFIO fin 44 en vue de la fusion organique des deux partis en un " Parti Ouvrier Français " qui aurait été la réunification sur le plan politique du mouvement ouvrier français après la réunification syndicale de 44. L'échec fut rapide.) Il y eut des discussions, mais il n'y a plus ni Comité ni discussions. Les communistes français perdent leur temps en discussions aux échelons élevés mais ils n'ont rien fait à la base. Les ouvriers ont pensé qu'il était possible d'aboutir à un accord avec Blum.
[…] La politique du PCF à l'égard de De Gaulle n'est pas très claire. A [au Congrès de] Strasbourg, Thorez a critiqué De Gaulle, mais cela ne l'a pas empêché de souligner ses mérites pendant la guerre. C'est pourtant faux. De Gaulle n'a rien fait, c'est un agent de Churchill, en accord avec l'Intelligence Service, il a organisé des groupes qui ont entravé l'action des Francs Tireurs. Quelle différence avec Mihailovitch et avec Anders ?(Mihailovitch : chef du gouvernement yougoslave en exil à Londres. Agent des anglais.) Pourquoi ne pas dire la vérité aux Français, pourquoi faire de De Gaulle un héros national ? S'isoler des masses ? De quelles masses ? Certainement pas de la classe ouvrière, laquelle ne saurait être avec De Gaulle. Les communistes français sous estiment le danger de De Gaulle. Si un jour, Blum et Ramadier n'étaient plus utilisables, voilà De Gaulle tout prêt.
(…)Les perspectives du PCF sont loin d'être claires. Le Congrès n'a rien apporté sur ce point, il n'a été qu'une manifestation. Où aller ? Un membre du PCF ne sait que faire. Sur la politique étrangère Thorez s'est exprimé en ces termes : " La solution du problème allemand garantirait la sécurité, l'entente avec toutes les nations et d'abord l'Angleterre, l'Amérique et l'URSS. L'union franco-soviétique est la meilleure garantie contre le danger allemand, etc. " De tels propos pouvaient être tenus pendant la guerre. Mais aujourd'hui l'impérialisme US est à la tête d'une nouvelle croisade contre l'URSS ; mettre sur le même plan les Anglais et les Russes peut induire en erreur le Français moyen, lui dissimuler les vrais amis et les véritables ennemis. Lorsque je parle des erreurs des communistes français j'entends qu'ils devraient s'occuper de rectifier la ligne, laquelle ne correspond plus à la réalité de la situation internationale. Revoir leur travail, leurs erreurs et ensuite mobiliser le Parti avec la plus grande énergie. Ce n'est pas trop tard. Sous la conduite du PCF, la classe ouvrière pourra se battre et gagner la partie. […] "

4) Intervention d'Anna Pauker ( vieille militante et dirigeante du Parti Roumain, notamment chargée de sa réorganisation dans la clandestinité sous le joug fasciste. " Epurée " par les révisionnistes roumains après 1956 comme " stalinienne ".) : " […] Duclos a affirmé que Guy Mollet emploie les mêmes arguments que les communistes. (Duclos a présenté Guy Mollet comme chef d'une " gauche " dans la SFIO, avec qui le PCF pourrait s'allier). Mais en ce qui concerne le plan Marshall Guy Mollet a exprimé son approbation. Pourquoi Duclos enjolive t-il la vérité devant nous ? Il faut attaquer Guy Mollet. L'essentiel est le point de vue à l'égard du Plan Marshall. Il ne faut pas faire de pirouettes. Il faut dire non seulement devant le peuple mais devant la nation toute entière que Guy Mollet est d'accord avec Blum, qu'il trahit. […] A mon avis, les Américains et leur valet De Gaulle voient la situation mieux que nos camardes. Ils voient que les pays d'Europe Orientale marchent vers le socialisme, que la France pourrait y aller à son tour, car il existe une réelle possibilité. Si l'on mobilise la classe ouvrière il est possible de gagner le peuple. Voyez ce qui se passe en Italie. Il peut se produire la même chose en France. Il faut mobiliser le peuple français contre cette grave menace. Le MRP et bien d'autres sont les valets du capitalisme Américain et Anglais.

La lutte ne se ramène pas uniquement à l'organisation de meetings et de campagnes électorales. On ne peut se borner à affirmer : " Nous voulons éviter l'isolement ". Le PC n'est pas un parti de gouvernement à tout prix. On gouverne lorsque l'on peut appliquer une politique déterminée. La France et l'Italie constituent un avertissement pour tous les pays du monde. Des millions d'hommes ont voté pour le Parti. Au lieu de les mobiliser et de les convier à la lutte, nous leur disons : " Nos n'avons pas été chassés, nous avons quitté le gouvernement de nous-même. " C'est là le plus sur moyen de démobiliser les masses. Lors des évènements de Hongrie nous avons mobilisé le peuple, nous avons dit : " Voyez ce qui se passe ". Si l'on disait la vérité au peuple français qui a tant souffert de la trahison des Daladier, des Pétain, etc., il comprendrait certainement. Longo [PCI] a affirmé que nous avons besoin de l'aide US à certaines conditions. Si nous disons cela au peuple, celui ci pensera : " Si les communistes qui sont des honnêtes et des courageux disent cela, nous devons prendre l'argent des Américains. " Nous devons tenir un autre langage, nous devons dire que nos pouvons nous passer de l'aide américaine. Lorsque le peuple russe avait faim, les Russes n'ont pas dit : " Nous avons absolument besoin d'aide. " En placant toute notre confiance dans les forces du peuple, nous pouvons nous tirer d'affaire dans tous les pays, sans l'aide américaine. Ce sera plus long, ce sera plus difficile, mais nous y parviendrons. Mobiliser le peuple : le peuple Yougoslave a donné des millions d'heures de travail.
Duclos a affirmé que nous dirons aux peuples : " Nous voulons l'amitié des Anglais, des Américains et de l'URSS. Pourquoi les mettre tous ensemble ? Il faut montrer le vrai visage de ces soi-disant alliés. Dunkerque (le rembarquement des troupes anglaises en 1940). La Ruhr (Les américains et les anglais ont entravé la prise des réparations dans la Ruhr prévues par les accords pour la France. Pendant ce temps ils manœuvrent pour restaurer les Krupp, Thyssen et Cie…). Montrer les chiffres au peuple, démasquer des alliées qui les exploitent. Dire que d'autres ont une toute autre attitude. Ainsi le peuple français saurait qu'il peut compter sur une amitié qui ne se démentira jamais. Il connaît la force de l'URSS. Un allié qui est fort et qui de son coté dispose de bien d'autres alliés, une centaine de millions d'hommes. Il faut dire clairement qu'il faut se ranger aux cotés de l'URSS. Si l'impérialisme américain s'efforce de soumettre la France et l'Italie, il n'est pas encore trop tard pour consolider le front de la Résistance, pour appeler à la lutte.
Il faut reconquérir le terrain perdu. Nous souhaitons au Parti Français et au Parti Italien qu'ils acquièrent enfin une vue claire de la situation de sorte qu'ils puissent progresser ".
[…]

Autocritique de Duclos. 25 septembre 1947 :

[…]Je veux répondre à la critique de Jdanov sur notre formule du " Parti de gouvernent ". Comment peut-on imaginer que nous voulons assumer la responsabilité de la politique du gouvernement ? Si nous voulons dire pas là que notre Parti est un parti capable de gouverner, qui a fait ses preuves et qui peut reprendre le pouvoir. "
JDANOV : Ne croyez vous pas que le peuple aurait mieux compris si vous aviez dit que le PC est un Parti d'opposition ? Je n'ai jamais lu ce mot dans les discours de Thorez ni dans ceux de Duclos depuis le mois de mai "
DUCLOS : Aussitôt après notre sortie du gouvernement, il y a eu un certain flottement c'est exact.
JDANOV : Lorsqu'un Parti comprend qu'il s'est trompé, il doit le dire urbi et orbi. Vous ne l'avez pas fait.
[…]

Intervention de clôture de Jdanov. 27 septembre 47 :

Jdanov (est entré au Parti Bolchévik en 1913 à l'age de 17 ans ; théoricien du réaliste socialiste ; dirigeant du PC (b) depuis les années 30.) est intervenu très souvent au cours du débat notamment dans la critique du PCF et du mot d'ordre de Thorez " le PCF est un Parti de gouvernement. " :

" […]Nous sommes d'accord que lorsque nous parlons de la tactique et de la stratégie des Français et de Italiens nous avons en vue non des modifications de détail, mais une orientation, une politique nouvelle. L'une des taches essentielles de la Conférence est celle là. (…) Pour dissiper toute équivoque je veux dire que nous ne sommes pas du tout contents de la déclaration de Duclos selon laquelle le PCF est un parti de gouvernement. "
[…]

Conclusions : portée et limite de la Conférence.

La question du pouvoir, de la prise du pouvoir. " parlementarisme, opportunisme, légalitarisme " tels sont les mots que Malenkov a bien du mal à arracher de la bouche de Duclos. Jdanov intervient avec force à plusieurs reprises pour dénoncer le mot d'ordre opportuniste de Thorez " Le PCF est un Parti de gouvernement ". De fait, ce mot d'ordre résume très bien la dégénérescence révisionniste de la direction du PCF : Jdanov montre que ce mot d'ordre fait assumer au Parti la responsabilité de la politique anti-populaire et pro-américaine du gouvernement bourgeois tripartite pro-américain. C'est par anticipation le procès de la " Démocratie avancée " du PCF d'aujourd'hui. De fait la critique est celle du révisionnisme quoique le mot en lui-même ne soit évoqué que par un orateur (Kardelj). C'est là une des premières limites de la critique faite à la conférence.

La pseudo-rectification du PCF

[…] l'attitude honteuse du PCF par rapport au mouvement de libération nationale des colonies " françaises ", son soutien de fait à l'impérialisme français. Sous couvert d'être un Parti National ( ce qui peut être en soi même juste), le PCF est en fait complètement social-chauvin ; Dans son intervention " auto-critique " Duclos est obligé de concéder que le PCF a commis des déviations de " légalitarisme, opportunisme et illusions parlementaires " mais il essaye de se défiler soit en esquivant les critiques soit en présentant les déviations somme de simples insuffisances.
Dans la réalité, après la conférence, le PCF n'a pas fait de réelle auto-critique devant le Parti et les masses. " L'autocritique " de Thorez citée par certains comme bonne et anti-révisionniste n'en est en fait pas une. Elle n'insiste que sur l'aspect " unité à la base " contre " l'unité au sommet " sans aborder le problème du contenu de cette unité, de la ligne politique ce qui est pourtant l'essentiel.
[…] Quant à la rectification des erreurs : elle a eu lieu sur certains points importants et a permis de faire éclater plus nettement la lutte entre les deux voies au sein même de la direction du PCF. Mais cela a été une pseudo-rectification superficielle. En effet, les mêmes thèses révisionnistes ont été reprises et justifiées après 1956.
En 1946 (avant la Conférence) Thorez avait accordé sa tristement célèbre " interview " au Times prônant le " passage pacifique au socialisme ". Cette thèse fut provisoirement mise en vieille mais les révisos s'y réfèrent aujourd'hui.
La rectification fut la plus nette par rapport à l'impérialisme américain. Celui-ci fut dénoncé comme principal fauteur de guerre et d'agression dans le monde. L'appel de Stockholm et la création du mouvement de la paix : en dépit de l'ampleur de la campagne la mobilisation des masses se fit souvent de façon défensive et pacifiste.
Sur l'internationalisme et en particulier la lutte contre l'agression du colonialisme français contre les peuples d'Indochine le PCF osa enfin qualifier cette guerre de colonialiste (c.f. l'intervention de Jeanette Thorez-Vermesch [épouse de Thorez] à l'assemblée) mais le travail du Parti fut insuffisant. Comme l'a écrit A. Marty dans son livre après son exclusion (L'affaire Marty. 1955), l'esprit des Marins de la Mer Noire ne se réveilla pas parce qu'il ne fut pas suscité par le PCF et c'est uniquement la lutte résolue des Vietnamiens qui leur permit de vaincre l'impérialisme français et l'impérialisme américain. Les tracts pour lesquels Henri Martin fut condamné avaient un contenu purement pacifiste. Un exemple typique : en 1949 les camarades vietnamiens demandèrent au CC du PCF de leur fournir une aide en armements. Thorez considéra cette demande comme complètement farfelue.
Les actions anti-colonialistes et anti-impérialistes les plus résolues furent menées par le PCF au moment de la maladie de Thorez et du séjour de celui-ci à Moscou. (c.f. la manifestation contre Ridgway la Peste fin 52 à l'initiative d'André Marty qui le dirigea personnellement). A son retour Thorez était furieux et stigmatisa " l'aventurisme ". De fait ce fut la véritable raison de l'exclusion de Marty. Celui-ci avait fait devant la direction du PCF un rapport sur le soutien aux luttes de Libération nationale et critiquant les déviations du PCF à ce sujet. Il avait d'autre part publié dans les cahiers du Communisme un grand article sur Blanqui mettant en lumière les aspects positifs et fondamentalement révolutionnaires de ce grand révolutionnaire prolétarien du XIX eme siècle.(…) le débat sur Blanqui portait la question de la violence révolutionnaire, chose qui effraie le plus les révisionnistes. Le triomphe de Thorez sur ce point marqua aussi la victoire du révisionnisme thorézien dans le PCF sur le plan idéologique et théorique.
Il est juste de parler de la lutte entre les deux voient au sein du Parti à cette époque, y compris au niveau de la direction. (…) Marty et d'autres camarades (tels Georges Guingoin qui fut l'héroïque dirigeant des FTP du Limousin, le foyer de Résistance le plus avancé tant sur le plan politique que militaire. Dirigeant de la fédération de la Haute Vienne il est exclu en 1953.) ont représenté un moment un courant de résistance mais inconséquent au révisionnisme qu'ils ne caractérisaient d'ailleurs pas de ce mot […]. Marty fut exclu comme un chien et à son exclusion un grand nombre de camarades écœurés quittèrent le PCF.  

 

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