Polémiques d'hier
et d'aujourd'hui !

Cet article sur la GP est extraite d'une brochure intitulée " Face au gauchisme moderne " éditée par l'Humanité-Rouge -supplément n°155 -juillet 1972- Pages 63 à 74 ce chapitre contient 8 points 

La Gauche Prolétarienne

I. -ORIGINE...

" L'établissement " - Les sabotages - La répression

II. -STRUCTURES...

III. -POSITIONS...

IV. -VOIE…

V. -OBJECTIF...

VI. -LIGNE...

VII. -INTERNATIONALISME...

VIII. -ASPECT PRINCIPAL...

 

La Gauche Prolétarienne

I. -ORIGINE...

..... Nous n'allons pas réécrire l'histoire de l'U.J.C. (m.-l.), qui nous conduirait à réécrire celle de l'U.E.C. On sait déjà quelles furent les erreurs capitales de la jeune organisation issue du Cercle des étudiants de l'Ecole normale de la rue d'Ulm, lors de sa confrontation avec les événements de mai-juin 1968. L'U.J.C. (m.-l.) ne survécut pas longtemps au printemps révolutionnaire, elle explosa en plusieurs tendances après avoir balayé d'une "grande critique " les minoritaires restés fidèles à ses dirigeants (18 à 20 % des militants). Or, ce sont précisément ces derniers qui assument aujourd'hui la continuité historique du courant auto-proclamé " maoïste " fin 1966, non sans que sa survie n'ait exigé de nombreuses autocritiques et rectifications de ligne sur tous les plans. Ce qui n'est nullement condamnable en soi, bien entendu.
..... Des militants de l'U.J.C.. (m.-l.) s'associèrent, non sans péripéties diverses, aux actions du Mouvement du 22 Mars à la faculté de Nanterre avant même la première explosion de mai 1968. Il y eut même de sévères controverses entre étudiants des deux tendances sur les questions de la place et de la fonction du mouvement étudiant dans le processus de la révolution prolétarienne. Finalement, le M-22 fut à la tête de la " Commune étudiante " dont l'U.J.C. (m.-l.) fut pratiquement absente. Mais cette première rencontre entre les activistes du M-22 et ceux de l'U.J.C. n'est pas sans signification historique, comme nous allons le constater. Vers cette période, l'U.J.C. créa le " Mouvement de soutien aux luttes du peuple " (.M.S.L.P .), destiné à permettre aux étudiants de " servir le peuple ". Les " établis ", c'est-à- dire les étudiants entrés dans les usines en qualité d'ouvriers en constituèrent l'ossature. Leur organe prit pour titre La Cause du Peuple.
..... L'activité de ces militants resta d'autant plus difficile que leur organisation subissait non sans difficultés l'épreuve des événements en cours. En fait, les clivages se discernaient déjà qui allaient déboucher sur la désintégration idéologique, politique et organisationnelle de l'U.J..C. (m.-I.).Mais la ligne " ouvriériste ",voire " populiste ", des étudiants du M.S.L.P. ne manquait ni de sincérité, ni d'enthousiasme, ni de courage. Aussi ses partisans se retrouvèrent-ils aux côtés des ouvriers en grève à l'usine Renault de Flins, quand se produisit l'intervention répressive des forces dites "de l'ordre ". Pendant quatre jours, de durs affrontements opposèrent grévistes, paysans et étudiants aux C.R.S. et autres gardes mobiles ou " républicains ". La violence de ces journées est attestée par l'assassinat de Gilles Tautin, noyé dans la Seine le 10 juin 1968, à la suite d'une charge policière.
..... A l'occasion de ces événements, les militants du M.S.L.P., auxquels s'étaient joints sans tambours ni trompettes quelques adhérents ouvriers et étudiants du P.C.M.L.F., se retrouvèrent avec les manifestants du M-22 organisés et dirigés par Alain Geismar, enseignant scientifique du cycle supérieur.
..... La future Gauche Prolétarienne était là. Elle naquit organisationnellement au printemps 1969, après le temps du repli et de la réflexion imposé par la contre-offensive fascisante du 12 juin 1968. En collaboration avec des dirigeants de l'U.J. dont la caractéristique réside dans le fait qu'ils sont toujours restés dans l'ombre (dont nous tairons les noms par conséquent, mais dont nous pouvons assurer au moins pour l'un d'eux qu'il est passé par l'école trotskyste), Geismar avait publié, entre-temps son ouvrage à prétention stratégique: Vers la guerre civile.
..... La " Gauche Prolétarienne " n'assura pas à sa naissance la liaison entre étudiants, intellectuels et classe ouvrière, mais manifesta concrètement la jonction organisationnelle entre d'anciens militants du Mouvement du 22 Mars (faculté de Nanterre) et d'anciens militants de l'U.J.C. (m.-l.), la plupart ayant appartenu au Mouvement de soutien aux luttes du peuple. La Cause du Peuple, alors Journal communiste révolutionnaire prolétarien, n'avait connu qu'une brève interruption, sa parution ayant repris dès avant la fin de 1968, avec la mention " nouvelle série ".
..... En avril 1969 parut, complémentairement, le premier numéro des " Cahiers de la gauche prolétarienne ". Nous y découvrions confirmation de ce que nous avions ressenti lors de nos entretiens de 1967 avec les représentants du Bureau politique de l'U.J.C. (m.-l.) dont les positions restaient relativement ambiguës sur la question de la rupture organisationnelle complète avec les organisations révisionnistes (ils critiquaient alors comme inopportun un Appel de nos militants à quitter l'U.E.C. et en exigeaient l'autocritique !). Ils présentaient enfin dans ce numéro 1 des " Cahiers de la G.P. " l'autocritique d'avoir espéré une " scission de masse " dans les organisations ouvrières contrôlées par les révisionnistes.
..... Mais allaient-ils pour autant comprendre la forme tactique et le contenu stratégique de notre mot d'ordre: " Arracher la classe ouvrière à l'influence du révisionnisme moderne " ?
..... Ce n'est pas du tout sûr. D'ailleurs ces militants, qui se réclamaient toujours très bruyamment de la pensée-maotsétoung, réagissaient de façon petite bourgeoise, en termes de " concurrence ", du fait qu'une masse importante de leurs anciens camarades rejoignaient alors nos propres rangs. Nous avions tenté de rencontrer la direction de l'U.J. dès la fin juin 1968, alors que nous ignorions la tempête mortelle qui secouait cette organisation. Malheureusement, nous n'avions établi le contact qu'avec des individualités et avec les deux tendances dites" de Lyon " et " de Toulouse " dont l'idéologie restait particulièrement éloignée de celle du prolétariat.
..... Nous savons depuis lors que le ralliement de ces éléments à nos rangs dissimulait leur intention d'y prendre le pouvoir et d'imposer une direction intellectualiste petite bourgeoise aux ouvriers et aux authentiques communistes marxistes-léninistes. Ainsi le groupe " Front rouge " de Lyon a-t il pour principaux dirigeants d'anciens militants de l'U.J.C. (m.-l.).
..... La salutaire crise d'octobre 1970 (non point celle de février qui correspond à toute autre chose) nous a permis de rejeter définitivement cette entreprise dangereuse. Les anciens adhérents de l'U.J.C. (m.-l.), dont nous nous sommes alors séparés, se sont éparpillés par la suite dans différents groupes comme " Vive la Révolution ! ", " Ligne Rouge -Le Prolétaire ", " Front Rouge ", mais très peu d'entre eux ont rejoint la " Gauche Prolétarienne ".
..... Il semble bien qu'après le 12 juin 1968 une importante divergence nous sépara des actuels responsables de la G.P. dans l'analyse de la situation. Pour eux, l'essor révolutionnaire se poursuivait. Pour nous, il y avait reflux temporaire, même si ce phénomène faisait partie intégrante d'une période historique dont l'aspect principal était et restait la tendance à la révolution.
..... L'analyse de la G.P. ne pouvait qu'avoir des conséquences " gauchistes " et conduire ses militants à de graves revers. Prenons un exemple: dans une édition spéciale de mai 1969, "La Cause du Peuple" publiait un " Appel des rebelles révolutionnaires du lycée Louis-le- Grand " avec pour énorme sous-titre " l'insurrection lycéenne ", A Louis-le-Grand c'était " le temps des brasiers " ! Le moment était enfin venu de faire " feu sur l'Université (pour) écraser l'infamie " !
..... La phraséologie des proclamations révolutionnaires de ce numéro très spécial (en effet) se rattachait nettement au langage des gardes rouges engagés dans la " Grande Révolution Culturelle Prolétarienne " en Chine. Les lycéens et étudiants français, qui mimaient alors des événements spécifiquement chinois, oubliaient simplement que ceux-ci s'étaient développés dans le cadre d'une dictature du prolétariat et à l'Appel du président Mao Tsé toung lui-même. Ils faisaient preuve d'un dogmatisme infantile en ne retenant de la Révolution Culturelle chinoise qu'un seul de ses aspects, isolé de tous les autres et mutilé dans son contenu: la révolte " anti-autoritaire " qui n'était autre, en Chine, qu'une révolte " anti-révisionniste ". " Nous appelons à la mobilisation générale des masses lycéennes anti-autoritaires ", clamaient-ils. " Lorsque les lycéens parisiens ne seront plus que ruines idéologiques, la gauche ,des lycéens ira partout, dans les C.E.T. et les lycées des régions ouvrières, allumer la flamme de la révolte idéologique anti-autoritaire ", écrivaient-ils et, conservant toute leur sincérité (!), ils traçaient ainsi leur ligne du moment :
..... " A Louis-le-Grand, plusieurs dizaines d'entre nous, armés de la pensée-maotsétoung, mènent les différentes batailles dans le but de renforcer l'avant-garde tactique qu'est le mouvement lycéen, de développer sa fonction essentielle: travailler à la formation d'une force autonome prolétarienne dans les usines ".
..... Bien entendu, la presse bourgeoise et les révisionnistes ne manquaient pas d'utiliser ces proclamations juvéniles en leur conférant la qualité de " maoïstes ", trompant à la fois l'opinion publique et les étudiants eux-mêmes qui en arrivaient à se prendre pour d'authentiques révolutionnaires: " Vivent les longues marches des lycéens et des étudiants dans les régions ouvrières! Vivent les bataillons de la jeunesse au premier rang des luttes populaires ! "
..... Marchais et Séguy avaient alors beau jeu, tout en sachant parfaitement à quoi s'en tenir, de dire aux travailleurs ainsi qu'aux militant de base du P."C."F. et de la C.G.T. : " Voyez, regardez, voici les " maoïstes " ! Voici les partisans de Mao Tsé toung dans notre pays ! "
..... Et peu à peu les militants de la G.P ., après avoir bénéficié du qualificatif de " Mao spontex ", devinrent pour tout le monde en France " les Maos ". C'est là évidemment une imposture que l'Histoire ne manquera pas de détruire. La situation. était alors identique à la faculté de Vincennes où quelques centaines d'étudiants impulsés par la G.P. affrontaient violemment l'Administration et ses défenseurs révisionnistes. Le fondement théorique et tactique de toutes ces activités consistait à faire fusionner la " révolution idéologique " de " forme anti-autoritaire " déclenchée par les " luttes étudiantes, avant garde tactique du mouvement révolutionnaire " avec " la révolution prolétarienne ". Il fallait édifier la " force révolutionnaire autonome " dont la conception n'était pas différente de celle de Cohn-Bendit et Geismar durant les événements de Mai-Juin 68 : " seule la liaison avec cette force prolétarienne peut garantir l'indépendance complète par rapport aux forces réactionnaires et aux groupuscules. Aujourd'hui, cette force est en constitution, cela veut dire que la gauche révolutionnaire dans les facultés doit être partie prenante du processus de constitution de cette force prolétarienne, du Parti communiste révolutionnaire prolétarien " ( " Cause du Peuple " n° 6 du 19 avril 19,69 - page 13). Précisons que par " forces réactionnaires ", il faut entendre le pouvoir bourgeois et ses serviteurs révisionnistes et que par " groupuscules " il faut entendre toute formation organisationnelle structurée se différenciant, par sa seule existence, du courant spontané des masses.
..... Nous allons nous rendre compte que l'idéologie et la pratique ultérieure de la " Gauche Prolétarienne " découlent exclusivement de cette conception spontanéiste et anti-autoritaire, qui n'a rien à voir en réalité avec l'authentique pensée-maotsétoung, pas plus qu'avec le marxisme et le léninisme.
..... Mais les prétendues " insurrections " lycéennes et étudiantes de 1969 permirent surtout à la nouvelle formation un appréciable recrutement dans le milieu social dont elle était elle-même issue, bientôt suivi d'une relance de " l'établissement " en usine.

" L'établissement "

..... Ici nous devons nous arrêter quelque peu, pour apprécier la pratique des jeunes intellectuels s'embauchant comme " ouvriers " et nous pouvons le faire d'autant plus sérieusement que plusieurs d'entre eux sont aujourd'hui dans nos rangs.
..... L'établissement en usine a été innové à l'Appel du président Mao au cours de la révolution chinoise. Il a connu un nouvel essor en Chine pendant et depuis la Grande Révolution Culturelle prolétarienne. Il a pour objet de transformer profondément l'idéologie bourgeoise des étudiants et travailleurs intellectuels en les soumettant aux conditions concrètes de la vie des ouvriers et des paysans. Ainsi les étudiants sont rééduqués par les travailleurs manuels et par le travail manuel lui-même. Il s'agit fondamentalement d'un moyen de rééducation sous l'autorité de l'idéologie prolétarienne. C'est le Parti Communiste Chinois qui décida et organisa, en temps choisi par lui, et par lui seul au nom du prolétariat, d'envoyer à la production certains étudiants.
..... L'U.J,C. (m.-l.) et, par la suite, la " Gauche Prolétarienne " ont-elles vraiment assimilé cette conception et l'ont-elles appliqué de manière juste et vivante aux conditions spécifiques de notre société ? Il est permis d'en douter, encore que certains " établis" aient, individuellement, parfaitement compris qu'ils s'installaient dans la classe ouvrière pour apprendre d'elle, et non pour éduquer les travailleurs, leur donner des leçons et les diriger.
..... Nous connaissons en effet plusieurs exemples où les établis se réclamant de la G.P. ont agi de telle sorte qu'ils ont totalement échoué, se sont isolés des travailleurs, n'ont eu finalement aucune autre issue que de renoncer à leur objectif.
..... A notre avis, l'établissement, pour mériter d'être considéré comme répondant à la pensée-maotsétoung, exige une extrême modestie et une persévérance de longue durée dont peu d'étudiants ont été capables jusqu'ici.
..... L'impétuosité révolutionnaire, ce que Mao Tsé toung nomme le " prurit révolutionnaire ", ne va pas du tout dans le sens de la profonde transformation idéologique indispensable, pour que les " établis " se soumettent consciemment et efficacement à l'idéologie du prolétariat.
..... Mais sans doute cette question mériterait-elle un examen plus approfondi et fondé sur la connaissance détaillée et statistique des nombreuses expériences réalisées. Plusieurs de nos militants, d'ailleurs issus de l'U.J., sont aujourd'hui ouvriers et jouent un rôle appréciable dans les luttes syndicales et politiques de leurs camarades au sein de l'entreprise. Signalons simplement comme premiers éléments d'appréciation que ces travailleurs occupent leur place depuis quelquefois cinq et six années et que par ailleurs la majorité d'entre eux, même s'ils ont été étudiants ou simplement lycéens pendant quelque temps, sont issus de familles ouvrières, ont grandi au sein du prolétariat. Ajoutons que tous ont compris depuis longtemps l'attachement profond des ouvriers au principe même du syndicalisme, même si les syndicats sont dirigés par des réformistes ou des révisionnistes, qui entravent leur fonction dans le domaine revendicatif. Ces " établis " sont devenus eux-mêmes des militants syndicalistes, certes en lutte avec les bonzes, mais souvent reconnus et soutenu par la masse de leurs compagnons de travail.
..... Ceci dit, revenons-en à la " 'Gauche Prolétarienne ". Son implantation s'effectua essentiellement, au cours de la seconde partie de 1969, dans des usines du Nord et du Nord-Ouest de la France, de l'Est sidérurgique et, dans une moindre mesure, dans la région parisienne, par exemple à la Régie Nationale des usines Renault de Boulogne-Billancourt. Ses tentatives d'établissement dans le Midi -Marseille notamment (usine Coder)- devaient rapidement échouer par suite de la double répression du patronat et des révisionnistes, trop heureux d'exploiter des pratiques " ultra-gauchistes " leur permettant d'isoler rapidement de la masse des travailleurs les " établis " facilement repérés.
..... Quelle fut concrètement la pratique des militants de la G.P. " établis " en usines ? Il suffit de feuilleter la collection de " la Cause du Peuple " ou de lire quelques brochures ou volumes consacrés à son activité pour s'en faire une idée assez précise.
..... S'abandonnant volontiers à une certaine ivresse du langage et des métaphores, ils entreprirent d'organiser la " Nouvelle Résistance " " pour construire la France populaire ". Pour cela, il leur fallait " former des partisans ". Aussi décrétèrent-ils en mars 1970 : " Patrons, c'est la guerre ! ". Et d'emblée ils précisaient " ce qu'ils voulaient : TOUT ! c'est-à-dire l'usine aux ouvriers " et ce qu'ils ne voulaient plus: " les cadences qui tuent, les petits chefs qui humilient, la hiérarchie des salaires qui nous divise, développe l'égoïsme et par là-même ne sert que le patron ".
..... N'hésitant pas à s'appuyer sur la " riche " expérience qu'ils avaient accumulée... depuis quelques mois, ils exposaient sans sourciller leur solution miracle: " Ce que nous avons compris, c'est que sur le chemin de notre révolte nous devons briser le syndicat ", à quoi ils ajoutaient: " Se passer des syndicats, s'organiser à notre façon ? Oui, cela est possible, c'est même le seul moyen. Nous devons nous organiser dans chaque atelier, nous tous, les ouvriers, et de façon permanente. Ainsi seulement on peut frapper le patron, avec des formes de lutte à nous, le frapper dans sa personne ou dans ses biens : occupation, séquestration, nous sommes tous des délégués... " ( "Cause du Peuple " n°18 du 13 mars 1970). S'il y avait dans ces intentions et dans ces pratiques certaines formes susceptibles de correspondre efficacement à la nécessaire violence de classe prolétarienne, il n'en restait pas moins évident que l'idée de détruire le syndicat pour le remplacer par une organisation spontanée de conception encore très diffuse, n'émanait en rien de travailleurs ayant une tradition et une expérience solides de luttes de la classe ouvrière. Le moindre responsable syndicaliste, réformiste ou révisionniste, pouvait démonter, sans grands efforts, la puérile tactique de ces nouveaux venus dans l'usine et dans la production.

Les sabotages

..... Nous avons suivi de près l'expérience réalisée en 1969-1970 à l'usine Coder de Marseille, où deux adhérents de la G.P .avaient réussi à se faire embaucher. Rapidement l'un des deux fut licencié. Le second entreprit une activité qui gagna, au début, quelques travailleurs mécontents de l'inactivité et de l'inefficacité syndicales. Mais bientôt les pires erreurs furent accomplies (provocation patronale ou gestes effectifs des " maoïstes " ?). Une trentaine de camions furent sabotés (sable dans les boîtes de vitesse). Personne ne s'avisa dès lors de prendre la défense résolue d'un groupe de trente ouvriers licenciés, non sans que les bonzes C.G.T. ne s'en réjouissent. Cet exemple nous conduit à préciser que la G.P. considérait -et sans doute continue à considérer- que le sabotage des outils, des machines, des produits d'une usine constitue une forme de lutte efficace pour combattre le patronat.
..... Pour riposter à des accidents du travail, ses militants se livrèrent aux A.D.N. (Aciéries du Nord), à Dunkerque, à toute une série de sabotages successifs. Et nous ne l'écrivons que parce qu'ils l'ont eux-mêmes proclamé publiquement.
..... Etait-ce là une juste application de la pensée-maotsétoung ou tout simplement la résurgence de pratiques anarchistes plus que centenaires et révolues, dénoncées en leur temps par tous les révolutionnaires conséquents, de Marx et Engels à Lénine, Staline et Mao Tsé toung ? La réponse ne saurait être équivoque. Le sabotage, oeuvre d'une minorité agissante coupée des larges masses de la classe ouvrière, n'a jamais été reconnu comme utile à la révolution prolétarienne ni conforme aux caractéristiques fondamentales de l'idéologie du prolétariat.

La répression

..... Naturellement vint la répression, à laquelle riposta la " Gauche Prolétarienne ", non sans courage. Ces " maoïstes " croyaient-ils à l'efficacité du fameux tryptique de Che Guevara : " Provocation - répression -révolution " ? Ce n'est pas impossible. D'ailleurs, dans leur ouvrage " Vers la guerre civile ", Geismar et ses co-auteurs avaient consacré de larges passages à " l'utilisation révolutionnaire de la répression " et à " la dialectique de la répression " que n'eut certainement pas désavoués feu le " révolutionnaire " sud-américain. Certains prétendent en outre que le leader de la G.P. se serait rendu à Cuba aussitôt après le printemps révolutionnaire de 68, mais on peut se demander quel fut l'accueil reçu là-bas lorsqu'on connaît le jugement négatif et totalement erroné de Fidel Castro sur les luttes qui venaient d'ébranler le capitalisme français, jugement comparable à celui des Soviétiques.
..... Toujours est-il que, sans hésiter à entrer en contradiction avec ce qu'avait aussi publié ce livre à propos de " l'attitude de la petite bourgeoisie ", face à la répression, la " Gauche Prolétarienne " engagea de grandes luttes contre la violence de la classe qui frappait ses militants. Geismar fit le 25 mai 1970 une déclaration tonitruante, lors d'un meeting tenu dans la salle de la Mutualité. Un mois plus tard, il était arrêté et, poursuivi par la Cour de Sûreté de l'Etat, se retrouvait à la prison de La Santé, avec quelque soixante autres militants de la G.P. Le 20 octobre suivant, il était condamné à dix-huit mois de prison.
..... Une grève de la faim soutenue par 29 des emprisonnés de la G.P., ne manquant certes pas de résolution, leur permit d'obtenir un régime pénitentiaire amélioré. Le jour de la comparution de Geismar devant la Cour de Sûreté de l'Etat, environ trois milliers de manifestants lycéens et étudiants affrontèrent la police et lancèrent quelques cocktails Molotov, mais la classe ouvrière, en tant que telle, resta massivement indifférente. Nous ignorons quel bilan objectif ont dressé de ces événements les militants responsables de la " Gauche Prolétarienne ".
..... Pour notre part nous ne pensons pas que les interventions des " gauchistes prolétariens " pour éveiller et impulser le mouvement ouvrier révolutionnaire aient exercé quelque influence profonde et durable. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer la valeur et la nature virtuelles de certaines formes de violence de classe qu'ils ont mises à l'épreuve. La séquestration des patrons, les luttes anti-hiérarchiques, (que nous-mêmes préconisions également), la démocratie prolétarienne directe réapparue à travers de larges assemblées ouvrières dictant leur volonté aux responsables syndicaux, constituent des expériences concrètes dont l'efficacité viendra s'ajouter en temps voulu aux vieilles formes des luttes de classe qui constituent le patrimoine traditionnel plus ancien du prolétariat: piquets de grève, autodéfense des mouvements, occupation des usines, organisation de la solidarité, etc.
..... L'aspect négatif de l'activité des établis de la G.,P. découle évidemment de leurs conceptions spontanéistes : de manière générale, après la flambée des luttes, il ne reste absolument rien; l'organisation révolutionnaire des travailleurs se dissipe aussi rapidement qu'elle s'était cristallisée.
..... Aujourd'hui, par exemple, à l'intérieur de l'usine Coder à Marseille, il n'y a plus un seul militant de la G.P. Chez Renault à Boulogne-Billancourt, après l'assassinat de Pierre Overney et les licenciements de tous les ouvriers soupçonnés d'être des militants de la G.P., que reste-t-il ? Rien.
..... Est-ce en déplaçant continuellement le point d'application de leurs efforts, de leur combat, que ces " maoïstes " croient remporter des succès et faire avancer la révolution ? Si tel est le cas, nous ne croyons pas à l'efficacité de leur tactique. Le problème capital qui reste posé, pour eux comme pour nous, n'est pas de gagner et entraîner les couches intellectuelles qu'incarnent des personnalités aussi marquantes que Jean-Paul Sartre ou Maurice Clavel, ou même Jacques Debu-Bridel (même s'il convient d'attacher de l'importance au soutien que l'intelligentsia peut apporter au prolétariat révolutionnaire). Le problème-clé, sans la solution duquel ne pourra s'ouvrir la voie de la préparation concrète de la révolution prolétarienne, c'est de soustraire au révisionnisme non seulement l'avant-garde, mais aussi la masse de la classe ouvrière. Et cela ne se réalisera jamais par une incitation artificielle venue de l'extérieur, mais seulement à l'initiative, sous l'impulsion et sous la direction d'un Parti révolutionnaire prolétarien, constituant cette avant-garde ouvrière, reconnu par la masse elle-même des travailleurs.
..... Tous les échecs de la G.P. ont leur source dans la méconnaissance, voire le mépris délibéré de la fonction historique du " Parti de type léniniste " qui a pourtant largement fait la preuve de son efficacité, ne serait-ce qu'en Russie en Octobre 1917, en Chine le 1er Novembre 1949.
..... Si cette vérité, sans cesse rappelée par Mao Tsé toung, n'est pas appliquée concrètement aux conditions spécifiques de la révolution en France, les plus remarquables flambées, comme la puissante manifestation de masse à laquelle donnèrent lieu les obsèques du courageux Pierre Overney, continueront à rester sans lendemain.


II. -STRUCTURES...

..... Y a-t-il des structures organisationnelles à la " Gauche Prolétarienne " ? Il ne semble pas. Il y a certes une direction, il y a des: dirigeants connus et certainement d'autres dirigeants qui restent dans la clandestinité, il y a nécessairement un groupe de rédacteurs et d'administrateurs de " la Cause du Peuple ". Mais à la base, les conceptions organisationnelles, si elles existent, nous sont inconnues. Les militants de la G.P. agissent à travers des " Comités " lancés dans les masses en différentes occasions ( exemples: les tribunaux populaires, le comité de lutte Renault, les occupations de logements vides, etc.). Pendant une période donnée les efforts sont concentrés sur une tâche centrale, et sans doute est-ce là une application juste des enseignements de Mao Tsé toung. Mais ont-ils une tâche principale donnée pour une période donnée ? On peut en douter. Les effectifs de la G.P. sont tout aussi difficile à estimer. Si l'on parle de ses sympathisants, on peut alors assurer qu'ils sont plusieurs milliers à Paris et nettement moins nombreux en province, à l'exception de quelques grandes villes peu nombreuses.
..... Le contenu social de la G.P. est essentiellement intellectuel et petit-bourgeois, en dépit du fait qu'elle soit parvenue à recruter de jeunes ouvriers français et immigrés.
..... Son idéologie, nous l'avons constaté, ne s'apparente pas encore solidement à celle du prolétariat. Son activisme, ignorant délibérément la théorie (le mépris et le rejet de la "théorie" est explicitement proclamé dans le livre " Les Maos " ), s'apparente au populisme et au spontanéisme. La G.P. bénéficie de l'appui de nombreux intellectuels bourgeois libéraux. Outre son journal " la Cause du Peuple " dont la périodicité est irrégulière, et qui édite de nombreux numéros spéciaux, elle publie des brochures en nombre relativement modeste.


III. -POSITIONS...

..... La " Gauche Prolétarienne " attaque le Parti " Communiste " Français et la C.G.T. sans faire aucune distinction entre dirigeants et militants de base. A leur égard, elle emploie plus souvent l'injure que l'argumentation. Elle utilise valablement la qualification de " révisionniste " et, sans jamais défendre quelque aspect que ce soit de l'oeuvre de Staline, elle ne met jamais en cause, du moins publiquement, le " stalinisme ". Toutefois, en privé, nombre de ses militants, comme par exemple Le Dantec (nous ne le citons en exemple que parce que nous avons eu écho de ses propos et non pour faire une critique " personnelle " ) s'avèrent franchement hostiles à Staline.
..... La G.P. s'occupe peu des questions internationales. Lorsqu'elle le fait, c'est en général en adoptant de justes positions. Elle dénonce le social-impérialisme " russe ". Elle soutient la juste politique des camarades chinois. Elle a publié récemment deux plaquettes intéressantes sur la République Populaire de Chine. Elle commet parfois des erreurs d'appréciation mais jusqu'ici les a rectifiées rapidement. Enfin, nous ignorons pourquoi la G..P. ignore totalement le Parti du Travail d'Albanie et la République Populaire d'Albanie.


IV. -VOIE…

..... Pour passer du capitalisme au socialisme, la G.P. récuse sans équivoque la voie " pacifique " et électoraliste et proclame l'inéluctabilité de la voie de la " violence révolutionnaire armée ".


V. -OBJECTIF...

..... Cependant, la G.P. ne se prononce pas explicitement pour la " dictature du prolétariat ". Elle parle de" pouvoir populaire ", envisage la gestion des entreprises par les travailleurs eux-mêmes, mais semble en avoir une conception différente de celle des partisans de l'autogestion excluant tout pouvoir centralisé.


VI. -LIGNE...

..... La ligne politique de la G.P. consiste à opposer immédiatement, sans préparation prolongée, la contre-violence de classe du prolétariat à la violence permanente de la bourgeoisie. Elle vise à faire la démonstration constante que la légalité en vigueur peut être contestée tout de suite et même battue. C'est là, pour la G.P., un moyen efficace d'éducation révolutionnaire des masses. Chacune de ses actions est pensée et développée comme devant servir d'exemple et de suggestion.
..... La G.P. agit en alliance avec tout groupe dit" gauchiste ", mais s'efforce de préserver son autonomie et son indépendance dans l'action. Au cours de la période des manifestations consécutives à l'assassinat de Pierre Overney, la G.P. a même fait preuve d'opportunisme de droite en abandonnant temporairement l'initiative et la direction du courant petit-bourgeois révolutionnariste à la " Ligue Communiste ".
..... Les dirigeants de la G.P. paraissent divisés sur l'attitude à notre égard. Certains n'éprouvent qu'indifférence, peut-être même quelque intérêt à s'unir avec nous en certaines circonstances. D'autres nous sont franchement hostiles pour des raisons que nous ne nous expliquons pas, mais qui appartiennent sans doute au passé et se situent au niveau de l'idéologie.
..... La G.P. n'hésite pas à s'unir à des personnalités en vue, y compris des gaullistes de gauche notoires comme Maurice Clavel ou Jacques Debu-Bridel.
..... Enfin, la G.P. est contre les syndicats par principe; en certains cas récents, elle a même condamné le recours à la grève en le qualifiant d'inefficace, lui préférant des formes d'action violentes comme la seule séquestration des patrons.

..... On sait aussi dans quelles circonstances la " Nouvelle Résistance Populaire ", organisation clandestine, a procédé à des enlèvements, tels celui du député U.D.R. de Grailly ou plus récemment du cadre répressif de la Régie Renault, Nogrette. Nous en traiterons plus loin pour dire que s'il s'agit d'actes" ultra-gauchistes ", nous n'avons aucune raison de les tenir systématiquement pour " manipulés par la police ". C'est là la position des révisionnistes, avec laquelle nous n'avons absolument rien à voir.


VII. -INTERNATIONALISME...

..... La Gauche Prolétarienne est attachée au principe de l'internationalisme, mais elle n'a pas poursuivi l'initiative positive de l'U.J.C. (m.-l.) qui avait réussi à développer un grand nombre de " Comités Vietnam de base " soutenant activement 1a guerre de résistance du peuple vietnamien (à l'époque; aujourd'hui, il s'agirait de tous les peuples indochinois) à l'agression de l'impérialisme américain et de ses fantoches. Il semble même que 1a G.P. participe maintenant aux manifestations organisées sous l'égide des trotskystes de la " Ligue " par le" Front Solidarité Indochine ".
..... La solidarité prolétarienne de la G .P. s'exprime largement et continuellement vis-à-vis des travailleurs immigrés, spécialement vis-à- vis de ceux venus d'Afrique du Nord ou d'Afrique Noire.
..... A noter que la G.P. n'hésite pas à s'ingérer dans les affaires intérieures du peuple algérien en lançant de vigoureuses attaques contre son gouvernement, ses représentants diplomatiques et l'Amicale des Algériens en France. C'est là une attitude qui ne correspond en rien à l'analyse réaliste et à la juste attitude de nos camarades chinois pour qui les pays récemment débarrassés du colonialisme ont avant tout à consolider leur indépendance.


VIII. -ASPECT PRINCIPAL...

..... Sur le plan idéologique, l'aspect principal de la G.P. reste qu'il s'agit d'une formation petite-bourgeoise. Sur le plan politique, sa ligne est " opportuniste de gauche ", mais dans certains cas débouche sur des pratiques de droite comme cela arrive souvent pour 1es " ultra- gauchistes "

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