L'article ci-dessous fut publié dans EP-Infos n°11 -mars-avril- 2000.

Dans Notre Histoire...

L'histoire du mouvement ouvrier, du marxisme-léninisme etc… est aussi en France l'objet de ré-écritures ou de déformations. Toute une pléthore d'individus " bien intentionnés" s'est attelée, depuis des années à faire "le bilan" de notre histoire. Cette histoire ne leurs appartient pas ! Il convient de nous la ré-approprier. C'est pourquoi nous lançons une nouvelle rubrique dans EP-I, elle s'intitule "Dans notre histoire". Cette rubrique a pour objet de présenter un ou plusieurs événements historiques, de montrer comment et pourquoi les communistes marxistes-léninistes y sont intervenus. Il s'agit aussi, au-delà des divergences et polémiques entre les organisations ML de l'époque, de faire une présentation concrète de ce que nous ne rejetons pas dans notre histoire.

Le premier thème de cette nouvelle rubrique concerne:
les suites de la catastrophe de Liévin (27/12/1974), avec la tenue du tribunal populaire de Liévin le 22 mars 1975.

 

Il y a 25 ans !
le Tribunal Populaire de Liévin

 

L'hebdomadaire du P"C"F du Pas-de-Calais "LIBERTE 62" titrait dans son n° 371 du 31 décembre 1999 "IL Y A VINGT-CINQ ANS ! Le 27 décembre 1974, la catastrophe minière de Liévin faisait 42 victimes - le souvenir reste intense". Il publiait également en page 2 un article sur cette catastrophe. Cependant, il est significatif que cet article se limite presque uniquement à rappeler cette catastrophe, mais par contre, rien, absolument rien sur la mobilisation des mineurs pour imposer une Commission Populaire d'Enquête (CPE), rien sur la bataille politique pour la tenue d'un tribunal populaire accusant le capitalisme.

C'est le PCRml (Parti Communiste Révolutionnaire Marxiste-Léniniste ) qui fut à l'initiative de la CPE et du tribunal populaire. Le P"C"F très présent dans cette région, a dans un premier temps, ignoré la CPE et dans un deuxième temps combattu et dénoncé ses initiatives.

Les éléments du dossier de cette rubrique sont extraits de Front Rouge organe central du PCR(ml).

 

--Le 27 décembre 1974: (extraits de Front Rouge spécial du 31 décembre 1974):

42 mineurs de la fosse 3 à Lens sont morts. Ils s'ajoutent à la longue liste de travailleurs qui, depuis un siècle, ont payé de leur sang la dure exploitation subie au fond de la mine. Toute la presse pourrie de la bourgeoisie, celle qui chaque jour se tait sur l'exploitation des mineurs ressortait les explications qu'elle avait sorties au moment de Fouquier les-Lens, de l'accident de la Fosse Barrois…, de la catastrophe de Courrières au début du siècle: fatalité ! titrent les journaux, la mine a encore tué. [[ La taille 72 était maudite ]], titre un journal du soir. Inexplicable, assurera la direction des Houillères

flanquée de ses ingénieurs, de ses spécialistes de la sécurité…
Assez ! Assez de mensonges et d'hypocrisie ! Tous les mineurs, tous les proches des mineurs connaissent ce qui se cache derrière ces paroles mensongères, derrières ces condoléances hypocrites. Il n'y a rien d'inexplicable dans la catastrophe de la fosse 3 ! Les risques quotidiens pris par les mineurs n'ont qu'une seule source, une seule origine, le refus du capitalisme d'assurer aux travailleurs la sécurité nécessaire. Non, ce n'est pas la mine qui a tué, mais le capital assoiffé de profits.

 

--HOUILLÈRES ASSASSINS !

--ÉXIGEONS DES COMPTES SUR L'ACCIDENT ET NON DES COMMISSIONS D'ENQUÊTES QUI TRAINENT DES ANNÉES ET QUI SE TERMINENT PAR DES NON-LIEUX.

--PRENONS NOUS-MÊMES EN MAIN L'ENQUÊTE AFIN D'ÉTABLIR LA VÉRITÉ !

--DÉNONÇONS LA LOGIQUE DU PROFIT, SOURCE DES ACCIDENTS !

--ÉXIGEONS DES SALAIRES DÉCENTS ET LA SUPPRESSION DU SALAIRE AU RENDEMENT !

La fondation de la CPE (Commission Populaire d'Enquête).

-Le 5 janvier 1975: (Front Rouge n°138 du 9 janvier 1975):

Samedi 5 après-midi, se tenait dans un café de Liévin la réunion de création de la commission populaire d'enquête. Très vite 60 personnes vont se retrouver dans la salle. Une vingtaine de mineurs sont là, graves, ils sont venus pour parler. Des femmes de mineurs aussi, des ouvriers d'entreprises de la région, des jeunes, car comme le dira un membre de la commission: "il n'y a pas un travailleur sur Liévin qui n'ait dans sa famille un tué, un blessé, un silicosé". Un médecin de la région ouvre la réunion en rappelant les différentes catastrophes dans les mines; il explique que si le nombre des mineurs diminue, le nombre d'accidents n'en continue pas moins d'augmenter. Il rappelle aussi qu'à chaque accident les différentes commissions n'aboutissent pas, que la bourgeoisie finit toujours par étouffer l'affaire. Il conclut:: "Les commissions d'enquête sont composés d'expert qui ont appris dans les livres ce qu'est la mine. Seuls les mineurs qui travaillent au fond peuvent comprendre exactement ce qui s'est passé à Liévin, ce qu'est la sécurité dans les mines, ce qu'il faut faire. Il faut le dire et c'est le travail que nous voulons faire". La discussion s'engage alors sur les points précis touchant à la sécurité à la fosse 3. Sur tous ces points les mineurs, dont plusieurs de la fosse 3, vont s'exprimer tour a tour avec force, apportant chacun des éléments précis qui seront discutés par tous. Un mineur dira: "Aujourd'hui, ce qu'il faut c'est que les mineurs arrêtent de chercher à faire leur production à tout prix. Il faut dire la vérité. Maintenant que c'est arrivé au 3, c'est arrivé, mais il faut se défendre pour après, pour plus que ça se reproduise".

Un camarade du Parti interviendra alors, développant ce point et montrera comment cette question de la sécurité et du salaire au rendement en pose une autre, celle de savoir qui fixe les objectifs de production, qui a le pouvoir. Il montrera ensuite avec exemples à l'appui, que les Houillères sont une entreprise capitaliste, contrecarrant l'idée divulguée par les révisionnistes selon laquelle" Les Houillères c'est les mineurs puisque c'est nationalisé ". Le camarade dirigeant la réunion proposera alors de continuer les témoignages sur la fosse 3 de Liévin, mais aussi d'élargir l'enquête aux autres puits de façon à ce que cette enquête devienne une arme aux mains des mineurs dans leur lutte pour la sécurité.

A la fin de la réunion, un manifeste sera adopté et salué par de très vifs applaudissements. En voici quelques extraits: "Les mineurs, les ouvriers, les personnes ré-unies ici ce soir, décident de créer une commission populaire d'enquête afin de faire connaître la vérité sur la catastrophe de Liévin fosse 3, ainsi que sur les conditions de sécurité dans les puits. Cette commission prend l'engagement de publier et de diffuser largement les premiers éléments recueillis et de tenir à jour un cahier de témoignages des mineurs afin de permettre la publication d'un bulletin qui sortira régulièrement afin d'être diffusé largement (…) Mineurs, femmes de mineurs, filles et fils de mineurs, syndicalistes ouvriers, retraités, jeunes, lycéens: il faut se mobiliser pour crier la vérité et empêcher que d'autres camarades soient conduits à la mort. C'est les masses populaires qui trouveront la vérité".

Ce numéro de FR publie également le texte de la pétition de la CPE, et indique quelle a recueilli près d'un millier de signatures.

- Dans ce n° 139 de Font Rouge du 16 janvier 1975, il est annoncé dans un article intitulé "Les travaux de la commission populaire d'enquête" que la CPE a publié le n°1 de son bulletin "Le Mineur Accuse". Ce bulletin a été bien accueilli dans les corons et sur les puits malgré les attaques dans la presse et les ragots colportés par les révisionnistes qui se résument à: "réagir contre la mort des 42, c'est faire le jeu des Houillères, leur donner des arguments pour

fermer la mine !". Ces ragots ont peu de succès, les mineurs veulent que la vérité soit faite !

Le soutien à la CPE se développe, elle a déjà 2000 signatures. FR recense dans un article "Créons partout des comités de soutien à la commission populaire d'enquête" les initiatives de solidarités menées dans toute la France, depuis 2 semaines et les premiers résultats de la CPE.

Vers le Tribunal Populaire…

-C'est lors d'une conférence presse à Lens (voir FR 139 ) que le PCR (ml) et un représentant de la CPE annoncent la tenue d'un tribunal populaire dans un délai assez proche. Dans cette conférence, il fut aussi question: …des travaux de la CPE, de la position du Parti sur l'accident, du pillage impérialiste des pays dominés, de la politique énergétique dans une France socialiste, de la campagne de ragots et de rumeurs contre le PCRml, de la dénonciation de la médecine des Houillères, de la critique des nationalisations proposées par l'union de la gauche.

-Le 23 janvier 1975 (FR n°140) "Liévin: Appel de la CPE pour la tenue d'un tribunal populaire"

A Liévin, face à la mort de leurs 42 camarades, les mineurs ont répondu en signant massivement la pétition:"42 mineurs envoyés à la mort, ça suffit."

Nous refusons: la logique du profit, les salaires de misère, le salaire au rendement.
Nous imposerons le maintien des puits avec une sécurité réelle, des logements décents entretenus par les Houillères, une médecine au service des mineurs et de leur famille.
Nous imposerons toute la vérité sur "l'accident" de Liévin, sur les conditions de travail dans les puits".

Plus de 2500 signatures ont déjà été recueillies sur la région dont la majorité est constituée de mineurs, de femmes et de fils de mineurs. Pour que les 42 mineurs de Liévin ne soient pas morts en vain, il faut faire la vérité sur la "catastrophe", déterminer clairement les responsabilités et remettre en cause les conditions que l'on nous impose. Aujourd'hui 42 morts à Liévin, 73 morts en 12 ans à Usinor-Dunkerque, 3 morts en moyenne par jour dans le bâtiment…c'est toute la classe ouvrière qui paie chaque jour de son sang les conditions de travail que lui impose la société actuelle…

Aujourd'hui de plus en plus de mineurs et l'ensemble de la classe ouvrière refusent de payer de leur vie la soif de profit des capitalistes. Comme l'ont souligné la 2é et la 3é réunion de la CPE de Liévin: "Notre perspective est celle de la tenue, dans un délai rapide, d'un tribunal populaire dont le rôle sera d'établir la vérité sur "l'accident de Liévin" et plus largement de mettre en accusation les conditions de travail et de sécurité imposées aux travailleurs dans les mines et dans les usines". Nous invitons les ouvriers à participer massivement à ce tribunal populaire à venir apporter leur soutien aux mineurs de Liévin et témoigner sur les conditions de travail dans les usines, sur leur chantier…

Dés maintenant nous appelons à constituer partout des comités de soutien à la CPE dans la perspective de ce tribunal pour populariser largement les travaux de la commission, pour faire signer massivement ce qui est en train de devenir le manifeste des mineurs de Liévin: "42 mineurs envoyés à la mort, ça suffit", pour ouvrir des dossiers sur les conditions de travail et de sécurité dans les entreprises… Il faut rassembler tous les éléments sur les conditions de travail que l'on nous impose aujourd'hui en autant d'éléments d'accusation de la société actuelle.

NON, NOUS N'ACCEPTONS PAS LES "ACCIDENTS" DU TRAVAIL COMME UNE FATALITE.

AVEC LES MINEURS DE LIEVIN, EN AVANT VERS LA TENUE D'UN TRIBUNAL POPULAIRE !

-Dans ce numéro 140 de FR, se trouve également l'article "à Liévin: Flics, Houillères, presse bourgeoise et révisionnistes, multiplient la démagogie et les pressions pour tenter de démobiliser les mineurs" et "La mine: une longue tradition de luttes ouvrières".

-Le 14 janvier 1975 (FR n°141) "Malgré les pressions des Houillères, La Commission d'enquête poursuit son travail"

-Dans le n° 144 du 20 février 1975 FR publie un article intitulé:

"Pourquoi le tribunal populaire ?" il y donne les grandes lignes de cette bataille politique.

Voici les thèmes qu'il développe:

Le tribunal populaire dénoncera l'exploitation et l'oppression des mineurs par les Houillères dans tous les domaines de leur vie.

Le tribunal populaire condamnera la politique énergétique de la bourgeoisie française.

Une autre société est possible !

Par leur témoignage les travailleurs de toutes les branches, feront le procès de notre société capitaliste.

Une autre société et une autre justice !

 -Sous le titre "Préparation du tribunal populaire", FR publie plusieurs articles:

le premier, "2 mineurs de la Commission Populaire d'Enquête expliquent à Front-Rouge comment ils mobilisent pour le tribunal".

Le second, "Qui retient l'argent versé pour les veuves des 42 ?"

Le troisième, "La politique des Houillères: amendes, déplacements, punitions, division des mineurs"

 

PROGRAMME DU TRIBUNAL POPULAIRE DE LIEVIN

 

-FR n° 147 du 13 mars 1975, présente le programme du Tribunal Populaire qui doit se tenir le 22 mars 1975.

 

"1ère partie Conclusion de la Commission Populaire d'Enquête sur la catastrophe du 3 de Lens et sur la sécurité dans les mines.

Avec les témoignages de mineurs rescapés et de sauveteurs de la fosse 3, de mineurs de la fosse 4, et de la fosse 7 de Lens, de l'UP 6 de Bruay, avec des ingénieurs des mines…

2ème partie Les mineurs accusent:

-le salaire au rendement

-la répression dans les fosses et les corons

-la médecine des mines qui les traite comme du bétail

-la silicose qui les fait mourir à petit feu…

avec des témoignages de mineurs silicosés, de femmes et de fils de mineurs, de jeunes licenciés par les Houillères, avec la participation de médecins et de travailleurs hospitaliers.

3ème partie Non, la mine n'est pas maudite

Oui, la lutte est possible

Avec des mineurs de Faulquemont et de Montceau-les-Mines…

4ème partie Compte-rendu du colloque sur les "accidents de travail"

qui aura lieu le samedi 22 mars au matin, avec des syndicalistes CGT et CFDT, des travailleurs de toute la France: des ouvriers de LIP, d'Usinor Dunkerque, des ouvriers du bâtiment, du textile de Roubaix, de Fos-sur-Mer…

 

-FR 147 cite également "La mobilisation pour le tribunal populaire", les motions de soutien.

Des adhérents du P"C"F en désaccord avec leur direction n'ont pas hésité à acheter des vignettes pour le Tribunal Populaire.

Un article rappel "Le P"C"F, défenseur du salaire à la tâche: une longue histoire…".

Il y est dit, que les dirigeants CGT de la Fédé Sous-sol sont pour le salaire au rendement, que cette position est conforme à celle du P"C"F parti révisionniste dont ils défendent la ligne dans le syndicat.

Déjà à la libération, c'est Maurice Thorez et d'autres dirigeants du P"C"F qui, alors qu'ils étaient ministres ont instauré le salaire individuel à la tâche dans les mines. "Pour relever la France" disaient-ils. En fait, la bourgeoisie française s'est servie de l'effort des mineurs pour relever son économie.

Les responsables CGT, n'hésitaient pas pour faire travailler les mineurs le plus possible sous le régime capitaliste d'après-guerre, à ajouter au salaire au rendement des primes en nature telles que: vélos, cochons de lait…et renforcer ainsi la concurrence entre ouvriers. La silicose s'est alors beaucoup développée. Thorez demandait aux médecins des Houillères de ne pas donner facilement des billets de malades de "ne pas encourager la paresse".(21 juillet 1945).

Ces gens-là agissent non pour le maintien des puits mais pour le maintien de l'exploitation capitaliste.

-Dans FR 146 du 6 mars 1975, plusieurs articles sur la mobilisation pour le tribunal populaire, dont: "Déclaration d'un mineur de la fosse 4 pour tous ses camarades, pour tous les mineurs qui lisent FRONT ROUGE" et "Liévin, Bruay: réunions contre la silicose et la politique des Houillères"

Colloque, Manifestation, Tribunal Populaire… le 22 mars 75

-FR 149 du 27 mars 1975: "En hommage aux 42, manifestation à la fosse 3", informe du déroulement d'une manifestation réunissant 1500 travailleurs dans les rues de Liévin. Cette manifestation s'arrête devant le portail de la fosse 3 "un seul cri retentit: "Houillères assassins, nous vengerons les 42".

La CPE va sceller devant l'entrée de la fosse, une plaque commémorative: "A la mémoire des 42 mineurs envoyés à la mort le 27 décembre 1974, la Commission Populaire d'Enquête."

 

La CPE et le PCR (ml) déposent chacun une gerbe de fleurs. Puis une minute de silence est observée par tous ceux qui sont rassemblés ici. Visages graves, crispés, parfois au bord des larmes, poing levé: le souvenir des camarades renforce la volonté de lutter contre un système où seul compte le profit" (…) "La manifestation s'achève après un appel à se retrouver tous au Tribunal Populaire".

 

"Liévin: 2500 travailleurs accusent le capital assassin"

 2500 participants dont plusieurs centaines de mineurs ainsi que leurs familles ont participé activement au Tribunal Populaire de Liévin.

Trois mois après la "catastrophe", crime du capital qui coûta la vie à 42 mineurs de la fosse 3, la Commission Populaire d'Enquête présentait les conclusions de ses travaux. "Il n'y a pas de fatalité, la vérité, la preuve de la responsabilité des Houillères, c'est à nous de les apporter"…

Dés 14 heures, la foule commençait à entrer dans le hall du cinéma Apollo. Les délégués des comités de soutien mettent la dernière main aux panneaux qui dénoncent le salaire au rendement, la course aux profits, l'absence de sé-curité…

Au bas les signatures: Piron, Michelin, Simflex. Au stand du GIS (Groupe

Information Santé) un panneau rappelle la lutte des travailleurs de Pennaroya… Il est 14h30, le Tribunal va commencer.

A la tribune: des mineurs de Montceau, de Faulquemont, de la Mure, de Bruay, de Liévin, un médecin, une ouvrière du textile…

Le camarade qui préside le tribunal lit alors la liste des 42 mineurs assassinés par le Capital, le 27 décembre 74. Debout, le poing levé la salle observe une minute de silence. Les interventions des camarades de Montceau et de

Faulquemont ouvrent le Tribunal. Un camarade de la Commission prend la parole et retrace l'activité de celle-ci." Nous avons fait l'enquête avec les masses aujourd'hui nous en rendons compte devant vous" soulignant ainsi le fait que ce Tribunal n'aurait pas été possible sans la mobilisation active de centaines de travailleurs, au premier rang desquels les mineurs.

"C'est cette mobilisation qui a permis de lutter contre les menaces et les multiples pressions des Houillères et de la police, c'est cette mobilisation, ce soutien qui s'est matérialisé par 1.500 signatures sur le bassin et plus de 10.000 en France, qui permet aujourd'hui à des dizaines de mineurs de prendre la parole…au Tribunal Populaire de se tenir".

A la tribune, un camarade ingénieur des mines commente les diapos projetées sur l'écran représentant le quartier des six sillons où les 42 sont morts. Ses explications démontent point par point les arguments des Houillères et de la presse réactionnaire. A côté des explications montrant que "l'ensemble des conditions étaient réunies pour provoquer l'accident", comme le dira un membre de la Commission, de nombreux témoignages, recueillis lors des réunions de la CPE étaient lus. Tous concourraient à l'accusation des Houillères: aérage insuffisant et mal adapté, peu ou pas d'arrosage, des taffanels qui ne marchent pas, un seul gazier au lieu de deux….

L'acte d'accusation pouvait être dressé et la salle unanime condamnait les Houillères.

Le camarade qui préside la CPE donne la parole au PCR (ml).

Dans son intervention, le camarade dénonce le capitalisme qui "exploite la sueur et le sang des mineurs", le salaire au rendement, la soif de profit. "Non ce n'est pas la mine, le travail de mineur qui doit disparaître. C'est le capitalisme qui est périmé, c'est le capitalisme qui a assez duré, c'est le capitalisme qui doit mourir. Il y en a assez d'une société où une minorité de capitalistes imposent leurs lois, disposent du travail, de la santé, de la vie de millions de travailleurs." De vifs applaudissements l'interrompent. "Le charbon, la mine, le pays en aura besoin quand nous aurons fait la révolution. Quand la France sera socialiste, quand la classe ouvrière et le peuple auront instauré leur nouveau pouvoir."

La salle unanime applaudit et scande "une seule solution, la révolution". "Parce que la France socialiste refusera de se soumettre aux superpuissances impérialistes, refusera de se joindre au pillage des peuples et pays dominés. Parce que la France socialiste construira son économie de façon indépendante… Alors les mineurs décideront eux-mêmes de l'organisation de leur travail, organiseront eux-mêmes le système de sécurité dans les mines". Le camarade dénonce alors ceux qui ont vraiment essayé de démobiliser les mineurs, de laisser sans réponse l'assassinat de 42 des leurs, ceux là même qui alors qu'ils étaient au pouvoir en 1944-1947, appelaient à la "bataille du charbon", ceux là même qui en 1948 envoyaient les CRS contre les mineurs en lutte: les soi-disant "communistes" et "socialistes" du P"C"F et du P"S". Il appelle les mineurs à venir construire avec nous un Parti nouveau. Un tonnerre d'applaudissement salue cette intervention.

A la tribune les messages de soutien affluent et il sera impossible de les lire tous, faute de temps.

Une femme d'une quarantaine d'année s'avance et prend le micro: "je suis membre du P"C"F…j'estime de mon devoir d'apporter mon soutien au Tribunal Populaire. Ceux qui n'ont pas riposté et ne font rien ont tort… je n'en dirais pas plus…" (tonnerre d'applaudissements dans la salle qui scande "une seule solution, la révolution").

Cette femme, venue au Tribunal Populaire avec son mari et ses trois enfants nous a expliqués malgré son émotion pourquoi elle tenait à apporter son soutien. "Je suis d'accord avec votre initiative et tout ce qui a été démontré à la tribune est vrai. C'est important pour tous les travailleurs que ce tribunal ait pu se tenir… On nous parle toujours de "gauchistes" qui "veulent tout casser", ce truc là, ça ne prend plus. (…) Son mari intervient: "Pour ce qui est de la révolution ce n'est pas encore très clair pour moi, mais en ce moment on est bien obligé de se poser des questions… Lip, Piron, et puis le Chili…au P"C"F il y a beaucoup de travailleurs qui s'interrogent." "Voilà pourquoi on n'a pas hésité à venir au Tribunal" ajoute sa femme.

 

Le verdict du Tribunal Populaire

 

La Commission Populaire d'Enquête accuse les Houillères d'être responsables de la mort des 42 camarades du quartier des Six Sillons pour les raisons suivantes:

--1° Maintient d'un état de risques d'accumulation de grisou et de la poussière.

--2° Absence de contrôle de la teneur en grisou dans les endroits les plus dangereux

--3° Pratiquement inexistence d'arrêt-barrage dans le quartier (puisque les quelques rares qui étaient posés n'ont pas fonctionné).

 

Cette absence de sécurité n'est pas seulement imputable à quelques boucs émissaires (ceux que l'enquête est prête à inculper). Il est presque certain que tel ou tel ingénieur n'a effectivement rien fait pour modifier cet état de fait ; mais l'absence de sécurité au quartier des Six Sillons, qui est générale dans toutes les fosses du Bassin et de tout le pays, cette absence de sécurité au quartier s'inscrit dans la politique générale des Houillères d'intensification du travail, de course au rendement. Elle s'inscrit aussi plus particulièrement dans la politique actuelle de relance partielle qui se traduit notamment par la réouverture d'anciens quartiers sans que les investissements correspondants soient faits en matière de sécurité.

Cette absence de sécurité, elle s'inscrit dans la logique du Capital la loi du profit.

 

-C'est sous le titre: "Accidents du travail, maladies professionnelles: De toute la France, les travailleurs ont témoigné aux 2 colloques du matin" que FR 149 retrace l'initiative de ce colloque qui avait lieu avant la manifestation et le tribunal. L'article explique que les dossiers préparés par le TPL sur la santé," pourront servir à la préparation d'Assises sur la santé avec la participation de médecins, de travailleurs de la santé qui se mettent au service de la lutte révolutionnaire des travailleurs."

-Dans ce même n° de FR un article explique comment "contre le tribunal populaire, houillères et révisionnistes conjuguent leurs efforts"

-La tenue victorieuse du Tribunal Populaire n'est pas du goût de tout le monde, notamment du PS, c'est pourquoi, FR 150 du 3 avril 1975 publie un article "LIEVIN: Après le succès du Tribunal Populaire, attaques hystériques des "socialistes" contre la Commission Populaire d'Enquête"

-FR 151 du 10 avril 75 indique comment après le succès du Tribunal Populaire, la CPE compte dans un avenir proche tenir des "assises sur la santé pour démasquer largement en quoi le capital détériore quotidiennement l'état de santé des travailleurs, ne les guérit pas, tout au plus les répare, en quoi l'extension de ce phénomène est particulièrement caractéristique de nos jours."

-FR 153 du 24 avril 75 publie le bilan d'un an d'activité du PCR (ml), un article retrace "La bataille pour le tribunal populaire de Liévin" 27 décembre 1974: 42 mineurs sont tués par un coup de grisou à la fosse 3 de Lens. Le jour de l'enterrement, notre Parti intervient. Une affiche dénonce la venue de Chirac, opération démagogique. Un "Front Rouge "spécial dénonce la responsabilité des Houillères, la logique du profit, le salaire au rendement. Une Commission Populaire d'Enquête est aussitôt mise en place à l'initiative du PCR (ml). Durant 3 mois, par leurs témoignages, les mineurs vont préparer dans cette commission le réquisitoire contre les Houillères, qui sera prononcé au Tribunal Populaire du 22 mars. Pour démonter point par point l'argumentation de la bourgeoisie sur la fatalité, la Commission Populaire a réuni des centaines de témoignages. Sous l'impulsion du Parti, les mineurs ont réuni les éléments nécessaires pour faire triompher le point de vue juste sur "l'accident". La lutte ainsi engagée avec la participation active des masses, a fait reculer le scepticisme, le découragement, imposés dans les mines par la bourgeoisie, et l'inaction des révisionnistes à la tête de la CGT, largement majoritaire dans le bassin minier.

En expliquant "ce n'est pas la mine qui est périmée, c'est le capitalisme", le Parti a su lier concrètement la perspective du socialisme à la situation immédiate des mineurs, faisant reculer ainsi la démobilisation entraînée par la récession des Houillères.

22 Mars. 2500 travailleurs avec des délégations venues en cars de toute la France, participent au Tribunal Populaire. Les Comités de soutien impulsés par notre Parti, ont mobilisé et préparé des dossiers sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour accuser le capitalisme et montrer que les mineurs ne sont pas un cas isolé. Des mineurs, des travailleurs, des syndicalistes de dizaines d'usines, des travailleurs handicapés, des médecins, des ingénieurs qui se mettent au service de la classe ouvrière ont témoigné. Avec le Tribunal Populaire tenu à l'initiative du Parti, les travailleurs ont montré leur volonté de se rassembler en une force unique pour abattre l'oppression capitaliste. A Liévin: aujourd'hui, la Commission Populaire continue à réunir les mineurs pour organiser la lutte, et le Parti d'édifie.

-FR n°154 du 1er mai 75, précise la poursuite du combat de la CPE et du TPL dans un article "En avant pour la tenue des Assises sur les Accidents du Travail et les Maladies Professionnelles !"

-Dans FR 158 du 29 mai 75, sur "La préparation des Assises sur les Accidents et les Maladies Professionnelles" deux médecins témoignent…

-Dans le n°159 (supplément) FR du 9 juin 75, un article annonce que le 14-15 juin 1975 aura lieu à Paris, les Assises sur les maladies professionnelles et les accidents de travail. Un autre article explique qu'à "Liévin: 3 mois après le tribunal populaire, un ingénieur est inculpé"

-Les assises tenues en juin 75 seront fondatrice du CLISACT (Comité de Liaison et d'Information sur la Santé et les Conditions de Travail) qui donnera naissance à la revue "Lutte Santé Sécurité".

 

... et aussi lire en pdf l'article extrait du n°3 -avril 1975- de Révolution Prolétarienne :
Liévin : les leçons de la tenue du TRIBUNAL POPULAIRE

pages 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - 10 - 11 - 12 - 13 - 14  

lire également :
Mobilisation pour le Tribunal Populaire
(Reportage de Jean Paul Gay)
-pages 4-5- FRONT ROUGE n°146 -06 mars 1975-

FR 150 -3 avril 1975- :
Liévin : après le succès du Tribunal Populaire
-page 4-
-Attaques hystériques des " socialistes " contre la Commission Populaire d'Enquête

FR 156 -15 mai 1975-
Préparons les Assises sur la santé -page 4-

FR 157 -22 mai 1975-
LIÉVIN : RÉUNION DE LA COMMISSION POPULAIRE

FR 158 -29 mai 1975
La préparation des Assises sur les Accidents du Travail et les Maladies Professionnelles :
deux médecins témoignent ... -page 5-

FR 159 -05 juin 1975-
Assises sur les accidents du travail et les maladies professionnelles -page 1 suite page 7-

FR 160 -12 juin 1975-
14 - 15 juin : Assises sur les Accidents du Travail et les Maladies Professionnelles -page 6-
- Interview du professeur Minkowski Assises sur les Accidents du Travail et les Maladies Professionnelles
- Liste des signataires soutenant Assises sur les Accidents du Travail et les Maladies Professionnelles (suite)

FR 161 -19 juin 1975-
- Plein succès des Assises sur les Accidents du Travail et les Maladies Professionnelles
(Yvon Chevet) -page 6-
- Chausson - Asnières : débat sur la santé et le travail

 

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