FRONT ROUGE n°157 -22 mai 1975- hebdomadaire
organe central du
Parti Communiste Révolutionnaire (m.l.)
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    LA CHARTE DES LIBERTES DU P"C"F :

            EN DROITE LIGNE DE LA CONSTITUTION DE LA BOURGEOISIE

    Décidément tous les partis bourgeois de France auront leur " charte des libertés ". Mitterrand pendant la campagne présidentielle avait promis une telle déclaration. Giscard pour ne pas être en reste a désigné une commission pour en faire une. Et voilà que les révisionnistes publient la leur.
    Le PS vient de nommer une commission d'experts qui devra préparer une telle déclaration pour... dans un an ; la " déclaration des libertés " s'inscrit ainsi en fait dans le cadre de la concurrence PS - P"C" et plus précisément dans une perspective électoraliste.
    Marchais le dit : " Les échéances électorales se présenteront dans quelques temps et nous savons que c'est sur ce terrain que nos adversaires vont tenter d'abuser l'opinion publique ". Aussi le but est-il double : d'une part se poser en défenseur de la classe ouvrière, tout en l'orientant vers la collaboration des classes ; d'autre part tout faire pour rassurer la petite bourgeoisie très sensible aux campagnes des autres partis bourgeois sur le danger que le P"C"F représente pour la " liberté ".

Un projet fait par qui ?

    Le projet de déclaration a été élaboré par une commission d' "experts", de " spécialistes ", qui comprend des universitaires haut placés, des avocats, des bonzes syndicaux révisionnistes et même un certain Braibant, maître des requêtes au Conseil d'Etat, auteur d'un ouvrage de droit administratif en collaboration avec... Marceau Long, ex-PDG de l'ORTF, grand spécialiste ès liberté.

    On comprend que tous ces spécialistes aient préféré comme garantie une magistrature inamovible à un contrôle des masses.

    Cette préoccupation n'est pas nouvelle. Déjà la rédaction par Marchais du " défi démocratique " au lendemain des législatives de mars 73, répondait au même type de besoins : combattre la campagne des partis bourgeois traditionnels qui présentaient, particulièrement en cette période électorale, le P"C"F comme un adepte de la dictature du prolétariat, amalgamée en la circonstance à la dictature terroriste qu'exercent les nouveaux tsars du Kremlin sur les peuples d'Union Soviétique. Un tel amalgame réactionnaire vise du point de vue de la bourgeoisie à deux choses : d'une part dévoyer les aspirations au socialisme avec la caricature repoussante que constitue aujourd'hui l'URSS, où le capitalisme a été restauré par les Khroutchev, Brejnev et compagnie...; d'autre part détourner du P"C"F toute une fraction de couches de la petite bourgeoisie particulièrement sensibilisées par les problèmes de libertés démocratiques bourgeoises. Sur le premier point le P"C"F n'a évidemment pas de réponse à offrir aux masses. Il ne peut reconnaître la vraie nature du social-impérialisme soviétique ; tout au plus se démarque-t-il des aspects les plus criants, les plus saillants de ses méfaits. Sur le second point, le P"C"F n'a évidemment d'autre choix que de réaffirmer plus clairement encore qu'il ne le fait d'habitude, qu'il n'est en rien un parti révolutionnaire, qu'il n'envisage pas d'enfreindre la démocratie bourgeoise, qu'il veut tout au plus " l'enrichir ".

DEFENSE DES INTERETS DE LA
CLASSE OUVRIERE
OU COLLABORATION DE CLASSES

UN PROJET A LA REMORQUE DES LUTTES

    Pour paraître en pointe, face au PS, pour sauvegarder son image officielle de représentant de la classe ouvrière, le P"C"F est contraint de reprendre à son compte les thèmes de nombreuses luttes récentes auxquelles il s'était même parfois opposé. Ainsi les luttes des prisons ou dans l'armée. Ainsi les luttes des travailleurs immigrés qu'il considère maintenant comme faisant partie à part entière de la classe ouvrière, après les avoir calomniés par CGT interposée. Il considère qu'ils ont les mêmes droits économiques, sociaux et culturels que les Français, mais curieusement il ne parle pas des droits politiques.

    La proposition d'interdire le lock-out, de généraliser le droit syndical aux petites entreprises, peut devenir une arme dans les mains des syndicalistes révolutionnaires.

    Mais il est clair que de tels aspects, en fin de compte assez rares dans le texte, d'une part y figurent pour faire passer le reste, d'autre part peuvent constituer dans les mains des révisionnistes des armes pour instaurer la collaboration de classes.

Les révisionnistes et les licenciements.

    L'article 30 du projet dit : " Le comité d'entreprise est obligatoirement saisi avant toute fermeture d'entreprise et tout licenciement individuel et collectif. Il peut en suspendre l'exécution pour permettre de négocier ainsi que de consulter le conseil municipal, le conseil général ou le conseil régional, tant que les salariés intéressés n'ont pas été reclassés dans des conditions équivalentes ". Il faut " qu'aucun licenciement ne puisse intervenir sans reclassement préalable par l'entreprise intéressée ou par l'Etat ", (art. 19). Ce que propose le P"C"F c'est que les travailleurs " participent " au licenciement de leurs camarades, que les syndicats gèrent la crise de la bourgeoisie. Au lieu de proposer la lutte, il préconise la comédie parlementaire dans des assemblées où ses politiciens pourront bavarder.

Les révisionnistes veulent gérer le capitalisme.

    De nombreuses propositions visent à doter les comités d'entreprise d'organismes d'études économiques. S'ils permettront aux syndicalistes révolutionnaires de mieux connaître et donc de mieux combattre les projets du patronat, entre les mains des révisionnistes, ils risquent d'être un pas de plus vers la gestion de la crise et cette politique contractuelle que vantent tant Bidegain et autres patrons modernistes.

UNE OPERATION-SEDUCTION
EN DIRECTION DE L'ELECTORAT
PETIT-BOURGEOIS

TENTER DE SE DEMARQUER DES PAYS REVISIONNISTES.

    Plusieurs articles de la déclaration interdisent les placements arbitraires dans les établissements de soins, la privation de nationalité, le bannissement etc. Il leur faut en effet se démarquer du visage repoussant du social impérialisme et de ses sbires, c'est pourquoi, comme par hasard le P"C"F prend soin de condamner les internements arbitraires en asiles psychiatriques, si fréquents en URSS pour emprisonner des opposants politiques. Mais ces tentatives sont bien piètres ! Tout le monde sait que de telles déclarations ne peuvent pas annuler le soutien jamais démenti aux opérations de " normalisation " menées par le social-impérialisme en Tchécoslovaquie ces dernières années, ni le soutien toujours réaffirmé du P"C"F à l'URSS pays " socialiste " où ne sévirait pas l'inflation et le chômage. Tout en restant pour l'essentiel le défenseur des intérêts de l'impérialisme français, le P"C"F maintient avec le social-impérialisme certains liens que tous les discours du " défi démocratique " où " la chute des libertés " ne pourront voiler !

REPRIMER LES FORCES REVOLUTIONNAIRES

    Pratiquant comme la bourgeoisie l'amalgame entre les " extrêmes qui se rejoignent " le P"C"F promet : " Les mouvements qui utilisent la violence armée ou appellent à l'utiliser seront interdits ". Les révisionnistes exècrent tellement l'idée même de révolution qu'ils mettent dans le même sac la juste violence révolutionnaire et la violence réactionnaire. On se souvient que les révisionnistes en mai 68, et en 70 n'ont cessé d'intervenir auprès du gouvernement pour obtenir l'interdiction d'organisation se réclamant de la Révolution en France. L'exemple proche du Portugal où le P"C"P a largement contribué à l'interdiction d'organisations actives dans la lutte contre les tentatives de coups d'état fascistes, est encore dans toutes les têtes.

LES REVISIONNISTES ET L'ETAT

    Les garanties que proposent les révisionnistes sont une police et une armée " au service de la nation tout entière " et la protection des libertés par des magistrats inamovibles. Sur ce point se révèle leur conception de l'Etat.

    Tout travailleur conscient sait que toute tentative pour prendre le pouvoir, pour chasser la bourgeoisie, se heurtera nécessairement avec cet appareil d'Etat, lié par mille liens, financiers, idéologiques... à la classe bourgeoise; il sait que si sa classe n'est pas organisée pour briser cet appareil d'Etat, instrument décisif de la domination capitaliste, toute tentative de prise du pouvoir échouera.

    Mais cela le P"C"F, comme par hasard, l'ignore délibérément. Le projet de préambule à la constitution, aligne sans hésitation tous les traits caractéristiques du réformisme, du crétinisme parlementaire...

        - " La loi est l'expression de la volonté du peuple ", comme le confirme toutes les lois anti-grève, anti-ouvrière votées régulièrement depuis plus de 150 ans par le Parlement !

        - " L'organisation régulière d'élections au suffrage universel, libre, égal et secret permet au peuple... de déterminer souverainement et démocratiquement la politique de la nation... " comme l'a montré la dernière élection présidentielle où la bourgeoisie, monopolisant tous les moyens d'information au profit de ses candidats, a empêché notre camarade André Roustan, président du PCR (ml) de se présenter et de défendre devant les travailleurs les perspectives de la révolution socialiste.

        - " La police doit rester en permanence au service du peuple ", " l'armée est au service de la nation entière " comme le prouvent les exactions quotidiennes des forces de police contre les travailleurs immigrés, les expulsions régulières par les CRS des travailleurs qui occupent leurs usines, comme le prouvent les actions passées et actuelles des forces armées dans les anciennes colonies ou aujourd'hui à Djibouti, au Tchad ou aux Antilles.

Les "défenseurs" des libertés de la classe ouvrière !

    Le projet révisionniste dit : " Chacun est libre de parler, d'écrire, d'imprimer, d'éditer, de publier, de diffuser, de faire représenter " (art. 57); nous espérons que Marchais ira l'expliquer aux membres de la J"C" révisionniste qui le 1er mai dernier agressaient nos diffuseurs et tentaient de déchirer nos journaux.

    Le projet prévoit aussi : " Les droits d'organisation et d'expression des partis politiques sur le lieu de travail sont reconnus et garantis. "
    C'est sans doute pour cela que le P"C"F dénonce souvent nommément nos camarades à la direction, expulsant quand ils le peuvent les vrais communistes des syndicats des travailleurs...! C'est sans doute pour cela que par exemple. Sylvain le révisionniste, bien connu de la CGT Renault agressait nos camarades quand ils dénonçaient, avec le soutien des travailleurs, les manœuvres de la direction CGT de Billancourt, responsable de la non extension de la grève !

    En matière de liberté, la position des révisionnistes est assez claire : l'extension des libertés pour la bourgeoisie, pas de libertés pour les vrais communistes, pour les travailleurs révolutionnaire qui s'organisent !

    Comment passer de cette police, de cette armée, de cette justice que les travailleurs connaissent bien, à la situation décrite par le projet des révisionnistes. Aucune indication évidemment ! Comment ces gens-là, forgés dans un anti-communisme militant, entraînés à casser du prolétaire, liés a la classe dominante par une série de liens évidents, vont-ils subitement se ranger du côté du peuple. Par la simple adjonction d'un préambule à la constitution. Par l'adjonction d'un chiffon de papier a un chiffon de papier !

    C'est effectivement là le raisonnement que tiennent les révisionnistes aux travailleurs. Flics, officiers... tous ces individus seraient simplement détournés de leurs fonctions par les gouvernements de droite ; viendrait un gouvernement de gauche et ils se mettraient au service du peuple spontanément !

    Sous couvert d'enrichir les libertés, le P"C"F ne fait que reprendre et ré-exploiter les fondements de la démocratie bourgeoise tels qu'ils ont été formulés il y a près de 200 ans lors de la révolution de 1789. Révolution bourgeoise d'Etat au détriment des anciens féodaux, elle n'a été que cela, même si le peuple ouvriers et paysans, en a été l'artisan essentiel. La bourgeoisie au pouvoir a eu comme souci de gommer tout ce qui soulignait les antagonismes de classe, de masquer le rôle exact de l'Etat, instrument de domination d'une classe sur une autre. En 1975 préserver cet acquis de 89, est une préoccupation des révisionnistes qui présente l'Etat comme au-dessus des classes, au-dessus des intérêts contradictoires qui animent ces classes. Il y a plus de 100 ans, Karl Marx mettait déjà en garde les ouvriers français : " les ouvriers français ne doivent pas se laisser entraîner par les souvenirs nationaux de 1792... Ils n'ont pas à recommencer le passé mais à édifier l'avenir. " Notre avenir, ce n'est pas de rabâcher la constitution de 89, c'est de renverser la bourgeoisie en brisant son appareil d'Etat, c'est d'instaurer le pouvoir des ouvriers et des paysans.

Yves BEAUMONT

PONIATOWSKI
ET LES OCCUPATIONS

    Déclaration de Poniatowski au Sénat le 13 mai en réponse à une question sur les activités de Nicoud : " J'ai donné instruction permanente aux préfets de faire intervenir la police dans tout cas de séquestration ou d'occupation... Les tribunaux disposent depuis 1970 d'un texte pénal adapté à cette nouvelle délinquance : il appartient donc aux juges de sévir avec toute la fermeté souhaitable... La violence ne peut apporter la justice ni la paix sociale... Il appartient au garde des sceaux de donner instruction aux procureurs généraux de requérir avec fermeté, voire d'aller en appel de décisions trop indulgentes... La France doit donner l'exemple du respect de la loi, parce que celle-ci est le rempart de la liberté ".

    Ainsi les nouvelles initiatives de Nicoud (séquestration d'un percepteur dans l'Isère) sont le prétexte pour la bourgeoisie de faire passer comme naturelle une mesure répressive qui pourra tout aussi bien s'appliquer aux ouvriers qui occupent leurs usines pour défendre leur emploi. Monsieur Poniatowski défendra la liberté : comme à Usinor ou chez Bourgeois il n'hésitera pas à faire intervenir ses C.RS. pour faire évacuer les travailleurs. Par contre on ne les a jamais vus faire ouvrir une usine lockoutée. C'est sans doute que pour Monsieur Poniatowski il y a en France deux types de liberté, celle des patrons, qu'il défend, et celle des travailleurs qu'il ignore et combat.
    Voilà notre ministre de la police qui donne des ordres à la justice. Ainsi elle apparaît bien pour ce qu'elle est dans la démocratie bourgeoise : une annexe de la police. La démocratie bourgeoisie, c'est toute la liberté pour les patrons et l'exploitation pour les travailleurs.

 

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