L'HUMANITÉ ROUGE n°957- Mardi 24 octobre 1978
Organe central du Parti communiste marxiste-léniniste

page 8 -rubrique : Dossier

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 1 000km à travers le Kampuchea démocratique (Cambodge) (9)

 L'agression vietnamienne


Fusil mitrailleur RPR 7,62 de fabrication soviétique récupéré
après l'offensive vietnamienne (Photo HR)

    Nous n'avons pas vu, de nos yeux vu, toutes les marques de l'agression vietnamienne car nous n'avons pas eu le temps de nous rendre à la frontière-est du pays. Des camarades journalistes turcs du quotidien marxiste-léniniste turc Aydinlink, présents au Kampuchea pendant notre séjour, sont allés dans la province de Takeo ; ils ont visité un village qui a été occupé par l'armée vietnamienne lors de son agression de début 1978 ; ils ont rencontré des " Khmers krom ", Khmers habitant le Sud-Vietnam qui l'ont fui et se sont réfugiés au Kampuchea. Nous publierons ultérieurement leur témoignage.

    Durant tout notre séjour, nous avons senti en permanence combien l'agression vietnamienne pèse d'un grand poids dans la vie et la construction du pays. Nous avons senti la menace de l'agression à tout instant dans la gravité, la préoccupation des camarades qui nous accompagnaient et dans les explications approfondies des dirigeants du Kampuchea. Il y a aussi la forte proportion de femmes au travail dans les champs car, de nouveau, les hommes sont mobilisés, prêts à défendre le sol de la patrie sur la frontière orientale.
    L'agression vietnamienne contraint le Kampuchea démocratique à maintenir cette situation d'alerte, cette situation de guerre.

LA STRATEGIE " D'ATTAQUE-ECLAIR, VICTOIRE ECLAIR " A ECHOUE

    Car il ne s'agit pas d'une simple question de frontières, encore moins d'une agression du Vietnam par le Kampuchea comme ont voulu le faire croire les dirigeants vietnamiens.
    En Occident, même ceux qui s'acharnent contre le Kampuchea ne croient plus à cette fable. Comment peut-on agresser son voisin en se battant sur son propre sol ? Les combats de janvier et d'avril se sont tous, en effet, déroulés sur le sol du Kampuchea.
    Avant janvier 1978, les dirigeants vietnamiens avaient préparé le terrain ; tout en parlant " d'amitié spéciale " avec le Kampuchea, ils ont procédé à des incursions militaires ; ils ont provoqué des incidents de frontière. Une délégation de dirigeants du Kampuchea au plus haut niveau était allée à Hanoï, en juin 1975, pour régler tous les différends entre les deux pays ; le peuple du Kampuchea veut une amitié correcte, basée sur le respect mutuel et non d'une " amitié spéciale ".
    Les dirigeants vietnamiens ont mal reçu les dirigeants du Kampuchea et n'ont pas cru bon de répondre à leurs propositions. Leurs manœuvres d'intimidation ayant échoué, ils ont lancé une offensive de grande envergure.
    En décembre 1977, ils avaient massé quatorze divisions à la frontière et ont lancé leur première " attaque-éclair". Pourquoi une telle tactique ? " L'attaque-éclair " massive, suivie d'une "victoire-éclair", aurait réglé quelques problèmes épineux pour les dirigeants vietnamiens :

- Eviter la contre-attaque du Kampuchea ;
- Eviter la condamnation de l'opinion publique internationale ;
- Eviter le mécontentement du peuple vietnamien qui n'aurait pas à subir une guerre de longue durée.

    Phnom Penh pris en 24 heures, les dirigeants vietnamiens auraient pu accomplir un terrible forfait en douceur, sans grande casse pour eux, sans grande vague dans l'opinion internationale. Cette tactique a échoué... et les dirigeants vietnamiens ont dû continuer leurs attaques toute l'année, diminuant leurs divisions à la frontière sans cesser les harcèlements pour autant. 

LES DIRIGEANTS VIETNAMIENS S'EFFORCENT D'ANNEXER LE KAMPUCHEA...

    Leur but initial est inchangé : ils veulent annexer le Kampuchea, ils veulent " l'avaler ", comme dit le peuple kampuchean. De longue date, ils ont développé la thèse de la " Fédération indochinoise". L'Indochine (Vietnam, Laos, Kampuchea) est une création pure et simple des colonialistes français ; les peuples des trois pays ont combattu côte à côte contre les Français, puis contre les impérialistes américains. Cela ne justifie pas pour autant qu'ils se regroupent dans un même pays, nécessairement sous la tutelle du Vietnam, plus nombreux et puissamment armé.
    Aujourd'hui, les dirigeants vietnamiens veulent s'emparer du Kampuchea. Pourquoi cela ? Cela est conforme à une stratégie politique et militaire d'expansion de devenir une grande puissance dans la région, d'accumuler ainsi des forces pour dominer ou contrôler d'autres pays du Sud-Est asiatique. Les dirigeants vietnamiens sont " gourmands " et s'en cachent à peine, puisqu'ils ont exprimé publiquement leur regret de ne pas avoir annexé le Kampuchea pendant la guerre contre les Américains.
    Mais ont-ils des difficultés que réglerait en partie, croient-ils, l'annexion du Kampuchea ? Le Vietnam a cinquante millions d'habitants, il manque de terres cultivables ; le Kampuchea a sept millions d'hommes et ne manque pas de possibilités, nous l'avons vu.
    Les terres rizicoles du Sud-Vietnam couvrent à peine les besoins alimentaires du Vietnam ; annexer le Kampuchea, n'est-ce pas la solution trouvée à Hanoï pour résoudre la question ? Lors de son agression du début 1978, l'armée vietnamienne est venue avec des chars et aussi des camions et des grues : les greniers à riz des villages kampucheans ont été pillés ou détruits ! Des ressortissants chinois de Saïgon, ayant fui le Vietnam, n ont-ils pas témoigné que les autorités vietnamiennes racolent des Vietnamiens d'origine chinoise pour des " opérations-suicide " au Kampuchea et qu'elles font du marché noir avec le riz volé lors des incursions en territoire kampuchean ?

... ET LES SOCIAUX-IMPÉRIALISTES RUSSES LES ENCOURAGENT

    Mais les dirigeants vietnamiens n'agissent pas seuls ; ils sont soutenus dans leur sale entreprise. Brejnev leur fournit des armes, des chars, des munitions.
    Le Kampuchea est un obstacle pour le contrôle du Sud-Est asiatique par l'URSS. Or, l'impérialisme soviétique, ces derniers mois, a déployé une attaque d'envergure dans la région : il s'appuie sur le Vietnam, y installe une base militaire navale à Cam Ran Bay et cherche à étendre davantage sa zone d'influence. Le point stratégique-clé, c'est le détroit de Malacca qui relie l'océan Pacifique et l'océan Indien. Pour le contrôler - à des fins militaires -, il faut contrôler tout le Sud-Est asiatique, faire sauter le " verrou " du Kampuchea, s'infiltrer dans les autres pays de la région et faire pression sur eux.
    Il n'y a pas de mystère : lors de son agression, l'armée vietnamienne a utilisé des chars soviétiques et des armes soviétiques ; dans l'état-major de Lon Nol, nous avons vu exposé du matériel de guerre vietnamien et soviétique : casques, fusils, autos blindées, etc. Pendant l'agression, il y avait des " conseillers " soviétiques sur le terrain.
    Certains, dans la presse occidentale, ont parlé de " guerre fratricide " entre Vietnamiens et Kampucheans. On le voit, ce n'est pas le cas ; la guerre au Kampuchea, ce n'est pas l'affrontement de deux peuples, hier unis par le combat commun ; c'est une guerre d'agression, menée par les dirigeants expansionnistes vietnamiens, soutenue par les impérialistes de Moscou et qui pâtit au peuple du Kampuchea ; elle est aussi contraire aux intérêts du peuple du Vietnam et lui aussi en pâtit.
    Dans le passé, nous avons soutenu pleinement le combat des peuples du Vietnam, du Laos et du Kampuchea contre l'ennemi américain. De tout temps, le soutien internationaliste de notre Parti est allé et ira à tous les peuples qui luttent les armes à la main contre l'impérialiste pour leur indépendance nationale et leur liberté.
    Il y a une nouvelle situation ouverte dans le Sud-Est asiatique aujourd'hui ; notre Parti en a déjà parlé et aura encore à fournir des explications. Dans cette nouvelle situation, le soutien internationaliste de notre Parti va pleinement au Kampuchea démocratique qui défend son indépendance face à l'agression des dirigeants vietnamiens soutenue par le social impérialisme.
    Quand nous avons quitté le Kampuchea à la mi-septembre, nous avons appris que les dirigeants vietnamiens se préparaient à une offensive contre le Kampuchea lors de la saison sèche qui approche. Une dizaine de divisions vietnamiennes ont été regroupées sur la frontière ; un pont aérien russe ravitaille à la hâte l'armée vietnamienne en matériel. Le camarade Pol Pot nous a indiqué, dans son exposé : " L'évolution de la situation actuelle est la suivante : ils (les dirigeants vietnamiens et soviétiques) poursuivent leur agression militaire, ils mènent des activités diplomatiques dans le Sud-Est asiatique et dans le monde ", et il a souligné les difficultés internes au Vietnam, son isolement grandissant parmi les pays non-alignés et certains pays du Sud-Est asiatique.
    Il a réaffirme la détermination du peuple et des communistes du Kampuchea à défendre l'indépendance nationale de leur pays ; il a réaffirmé sa confiance dans les capacités du peuple du Kampuchea à résister en comptant principalement sur ses propres forces, sans toutefois cacher les difficultés et les obstacles. Dans cette situation d'urgence, notre soutien au peuple et aux communistes du Kampuchea doit leur être pleinement acquis. Nous y reviendrons dans d'autres articles.

Camille GRANOT 

 

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article de Claude Liria (HR 958)è

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