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000km à travers le Kampuchea démocratique (Cambodge) (9)
L'agression
vietnamienne

Fusil mitrailleur RPR 7,62 de fabrication
soviétique récupéré
après l'offensive
vietnamienne (Photo
HR)
Nous
n'avons pas vu, de nos yeux vu, toutes les marques de
l'agression vietnamienne car nous n'avons pas eu le temps de
nous rendre à la frontière-est du pays. Des
camarades journalistes turcs du quotidien
marxiste-léniniste turc Aydinlink,
présents au Kampuchea pendant notre séjour,
sont allés dans la province de Takeo ; ils ont
visité un village qui a été
occupé par l'armée vietnamienne lors de son
agression de début 1978 ; ils ont rencontré
des " Khmers krom ", Khmers habitant le Sud-Vietnam qui
l'ont fui et se sont réfugiés au Kampuchea.
Nous publierons ultérieurement leur
témoignage.
Durant tout notre
séjour, nous avons senti en permanence combien
l'agression vietnamienne pèse d'un grand poids dans
la vie et la construction du pays. Nous avons senti la
menace de l'agression à tout instant dans la
gravité, la préoccupation des camarades qui
nous accompagnaient et dans les explications approfondies
des dirigeants du Kampuchea. Il y a aussi la forte
proportion de femmes au travail dans les champs car, de
nouveau, les hommes sont mobilisés, prêts
à défendre le sol de la patrie sur la
frontière orientale.
L'agression
vietnamienne contraint le Kampuchea démocratique
à maintenir cette situation d'alerte, cette situation
de guerre.
LA STRATEGIE " D'ATTAQUE-ECLAIR, VICTOIRE ECLAIR " A
ECHOUE
Car il ne s'agit pas d'une
simple question de frontières, encore moins d'une
agression du Vietnam par le Kampuchea comme ont voulu le
faire croire les dirigeants vietnamiens.
En Occident,
même ceux qui s'acharnent contre le Kampuchea ne
croient plus à cette fable. Comment peut-on agresser
son voisin en se battant sur son propre sol ? Les combats de
janvier et d'avril se sont tous, en effet,
déroulés sur le sol du Kampuchea.
Avant janvier 1978,
les dirigeants vietnamiens avaient préparé le
terrain ; tout en parlant " d'amitié spéciale
" avec le Kampuchea, ils ont procédé à
des incursions militaires ; ils ont provoqué des
incidents de frontière. Une délégation
de dirigeants du Kampuchea au plus haut niveau était
allée à Hanoï, en juin 1975, pour
régler tous les différends entre les deux pays
; le peuple du Kampuchea veut une amitié correcte,
basée sur le respect mutuel et non d'une "
amitié spéciale ".
Les dirigeants
vietnamiens ont mal reçu les dirigeants du Kampuchea
et n'ont pas cru bon de répondre à leurs
propositions. Leurs manœuvres d'intimidation ayant
échoué, ils ont lancé une offensive de
grande envergure.
En décembre
1977, ils avaient massé quatorze divisions à
la frontière et ont lancé leur première
" attaque-éclair". Pourquoi une telle tactique ? "
L'attaque-éclair " massive, suivie d'une
"victoire-éclair", aurait réglé
quelques problèmes épineux pour les dirigeants
vietnamiens :
- - Eviter la contre-attaque du Kampuchea
;
- Eviter la condamnation de l'opinion
publique internationale ;
- Eviter le mécontentement du
peuple vietnamien qui n'aurait pas à subir une
guerre de longue durée.
Phnom Penh pris en 24 heures,
les dirigeants vietnamiens auraient pu accomplir un terrible
forfait en douceur, sans grande casse pour eux, sans grande
vague dans l'opinion internationale. Cette tactique a
échoué... et les dirigeants vietnamiens ont
dû continuer leurs attaques toute l'année,
diminuant leurs divisions à la frontière sans
cesser les harcèlements pour autant.
LES DIRIGEANTS VIETNAMIENS S'EFFORCENT D'ANNEXER LE
KAMPUCHEA...
Leur but initial est
inchangé : ils veulent annexer le Kampuchea, ils
veulent " l'avaler ", comme dit le peuple kampuchean. De
longue date, ils ont développé la thèse
de la " Fédération indochinoise".
L'Indochine (Vietnam, Laos, Kampuchea) est une
création pure et simple des colonialistes
français ; les peuples des trois pays ont combattu
côte à côte contre les Français,
puis contre les impérialistes américains. Cela
ne justifie pas pour autant qu'ils se regroupent dans un
même pays, nécessairement sous la tutelle du
Vietnam, plus nombreux et puissamment armé.
Aujourd'hui, les
dirigeants vietnamiens veulent s'emparer du Kampuchea.
Pourquoi cela ? Cela est conforme à une
stratégie politique et militaire d'expansion de
devenir une grande puissance dans la région,
d'accumuler ainsi des forces pour dominer ou contrôler
d'autres pays du Sud-Est asiatique. Les dirigeants
vietnamiens sont " gourmands " et s'en cachent à
peine, puisqu'ils ont exprimé publiquement leur
regret de ne pas avoir annexé le Kampuchea pendant la
guerre contre les Américains.
Mais ont-ils des
difficultés que réglerait en partie,
croient-ils, l'annexion du Kampuchea ? Le Vietnam a
cinquante millions d'habitants, il manque de terres
cultivables ; le Kampuchea a sept millions d'hommes et ne
manque pas de possibilités, nous l'avons vu.
Les terres rizicoles
du Sud-Vietnam couvrent à peine les besoins
alimentaires du Vietnam ; annexer le Kampuchea, n'est-ce pas
la solution trouvée à Hanoï pour
résoudre la question ? Lors de son agression du
début 1978, l'armée vietnamienne est venue
avec des chars et aussi des camions et des grues : les
greniers à riz des villages kampucheans ont
été pillés ou détruits ! Des
ressortissants chinois de Saïgon, ayant fui le Vietnam,
n ont-ils pas témoigné que les
autorités vietnamiennes racolent des Vietnamiens
d'origine chinoise pour des " opérations-suicide " au
Kampuchea et qu'elles font du marché noir avec le riz
volé lors des incursions en territoire kampuchean ?
... ET LES SOCIAUX-IMPÉRIALISTES RUSSES LES
ENCOURAGENT
Mais les dirigeants
vietnamiens n'agissent pas seuls ; ils sont soutenus dans
leur sale entreprise. Brejnev leur fournit des armes, des
chars, des munitions.
Le Kampuchea est un
obstacle pour le contrôle du Sud-Est asiatique par
l'URSS. Or, l'impérialisme soviétique, ces
derniers mois, a déployé une attaque
d'envergure dans la région : il s'appuie sur le
Vietnam, y installe une base militaire navale à Cam
Ran Bay et cherche à étendre davantage sa zone
d'influence. Le point stratégique-clé, c'est
le détroit de Malacca qui relie l'océan
Pacifique et l'océan Indien. Pour le contrôler
- à des fins militaires -, il faut contrôler
tout le Sud-Est asiatique, faire sauter le " verrou " du
Kampuchea, s'infiltrer dans les autres pays de la
région et faire pression sur eux.
Il n'y a pas de
mystère : lors de son agression, l'armée
vietnamienne a utilisé des chars soviétiques
et des armes soviétiques ; dans l'état-major
de Lon Nol, nous avons vu exposé du matériel
de guerre vietnamien et soviétique : casques, fusils,
autos blindées, etc. Pendant l'agression, il y avait
des " conseillers " soviétiques sur le
terrain.
Certains, dans la
presse occidentale, ont parlé de " guerre fratricide
" entre Vietnamiens et Kampucheans. On le voit, ce n'est pas
le cas ; la guerre au Kampuchea, ce n'est pas l'affrontement
de deux peuples, hier unis par le combat commun ; c'est une
guerre d'agression, menée par les dirigeants
expansionnistes vietnamiens, soutenue par les
impérialistes de Moscou et qui pâtit au
peuple du Kampuchea ; elle est aussi contraire aux
intérêts du peuple du Vietnam et lui aussi en
pâtit.
Dans le passé,
nous avons soutenu pleinement le combat des peuples du
Vietnam, du Laos et du Kampuchea contre l'ennemi
américain. De tout temps, le soutien
internationaliste de notre Parti est allé et ira
à tous les peuples qui luttent les armes à la
main contre l'impérialiste pour leur
indépendance nationale et leur
liberté.
Il y a une nouvelle
situation ouverte dans le Sud-Est asiatique aujourd'hui ;
notre Parti en a déjà parlé et aura
encore à fournir des explications. Dans cette
nouvelle situation, le soutien internationaliste de notre
Parti va pleinement au Kampuchea démocratique qui
défend son indépendance face à
l'agression des dirigeants vietnamiens soutenue par le
social impérialisme.
Quand nous avons
quitté le Kampuchea à la mi-septembre, nous
avons appris que les dirigeants vietnamiens se
préparaient à une offensive contre le
Kampuchea lors de la saison sèche qui approche. Une
dizaine de divisions vietnamiennes ont été
regroupées sur la frontière ; un pont
aérien russe ravitaille à la hâte
l'armée vietnamienne en matériel. Le camarade
Pol Pot nous a indiqué, dans son exposé : "
L'évolution de la situation actuelle est la
suivante : ils (les dirigeants vietnamiens et
soviétiques) poursuivent leur agression militaire,
ils mènent des activités diplomatiques dans le
Sud-Est asiatique et dans le monde ", et il a
souligné les difficultés internes au Vietnam,
son isolement grandissant parmi les pays non-alignés
et certains pays du Sud-Est asiatique.
Il a réaffirme
la détermination du peuple et des communistes du
Kampuchea à défendre l'indépendance
nationale de leur pays ; il a réaffirmé sa
confiance dans les capacités du peuple du Kampuchea
à résister en comptant principalement sur ses
propres forces, sans toutefois cacher les difficultés
et les obstacles. Dans cette situation d'urgence, notre
soutien au peuple et aux communistes du Kampuchea doit leur
être pleinement acquis. Nous y reviendrons dans
d'autres articles.
Camille GRANOT
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