Une
première question jaillit spontanément des
livres de tous ceux à qui nous racontons notre voyage
au Kampuchea : "Et le génocide ? Les massacres ?
Les droits de l'homme ? ". A cela, nous pouvons apporter quelques éléments de réponse. De génocides, nous pouvons témoigner qu'il n'y en a point au Kampuchea. CE QUE NOUS AVONS VU Nous avons pu circuler
librement partout où nous sommes passés,
sortir seuls dans les rues de Phnom Penh, appareil photo en
main (en nous accueillant, nos camarades cambodgiens
regrettaient même que nous n'ayons pas apporter de
caméra). Au long de notre longue route en voiture,
émaillée d'arrêts imprévu, nous
avons pu bavarder à notre gré avec les
paysans, les charpentiers qui construisaient une maison
neuve, les menuisiers qui sciaient des planches au bord de
la route. Le geste furtif de ce vieux menuisier torse nu que
nous avons dérangé dans sa sieste et qui s'est
empressé de remettre sa chemise n'est qu'un
réflexe de dignité et de courtoisie que nous
avons souvent rencontré en Chine. UNE COOPÉRATIVE C'EST UNE GRANDE FAMILLE La collectivisation forcée ? Certes, la vie au Kampuchea est organisée d'une manière très collective. Les trois repas sont pris en commun dans la cantine de la coopérative ou de l'usine. On part aux rizières, la houe sur l'épaule, en groupes nombreux qui s'étirent au fil de la route. Mais la famille n'est pas détruite comme en témoigne l'objectif de construire rapidement une maison par famille. Les traditions anciennes du pays étaient déjà très communautaires, le village tout entier se considérait comme une grande famille où l'on s'appelait " oncle " et " tante " et " neveu ". L'entraide dans les rizières faisait partie des traditions de mise en valeur des terres. Et les terribles épreuves de la guerre ont encore rapproché les hommes et les femmes de ces communautés villageoises. Les maisons épargnées s'ouvraient aux sinistrés, les orphelins retrouvaient une famille chez les voisins. Ensemble, on se réunissait pour discuter de la situation, des tâches de la lutte. DES REGLEMENTS DE COMPTE NECESSAIRES Bon, dira-t-on, peut-être, va pour le génocide ! Mais les massacres à la Libération, il y en a quand même bien eu ? A cela, nous devons d'abord répondre honnêtement : nous n'y étions pas, nous ne pouvons en témoigner. Mais il est quand même possible d'apporter certains éléments de compréhension. Qu'il y ait eu une certaine
répression à la libération du pays,
c'est là une chose inévitable et
nécessaire. Le peuple cambodgien a été
exploité, opprimé, réprimé, des
dizaines d'années par le colonialisme français
et des despotes locaux. Devant les interminables
allées d'hévéas qui couvrent plusieurs
milliers d hectares, on nous a rappelé qu'un dicton
circulait parmi les ouvriers des plantations selon lequel "
chaque arbre est planté sur le corps d'un ouvrier
cambodgien ". LA LIGNE DU PARTI COMMUNISTE DU KAMPUCHEA Une répression
nécessaire, mais n'a-t-elle pas été
au-delà de ce qui était indispensable,
n'a-t-elle pas frappé des innocents ou des gens
simplement trompés ? Sincèrement nous ne
pouvons répondre. Mais nous pouvons affirmer que la
ligne actuelle du Parti communiste du Kampuchea est de
régler correctement les contradictions au sein du
peuple. Nous avions exposé très franchement
aux dirigeants qui nous recevaient le trouble que la
campagne de calomnies contre leur pays sème dans
l'esprit de bien des gens de chez nous. A cela, le camarade
Pol Pot, secrétaire du PCK, nous a répondu
notamment : " Nous sommes parfaitement au courant de
cela. Mais pour résoudre avec succès le
problème des vivres, pour défendre avec
succès notre pays, nous avons besoin des forces de
tout le peuple. Sans cela, nous n'aurions pu résoudre
le problèmes des vivres et défendre notre pays
car les attaques déjà lancées contre
nous ont été très puissantes et nous
nous sommes défendus par nous-mêmes, en toute
indépendance et souveraineté. Rien que
l'examen de cette situation répond à cette
question. S'il y avait réellement eu des massacres,
le peuple soutiendrait-il cette politique ? Vous avez pu
voir par vous-mêmes, en visitant nos provinces, s'il y
a insécurité ou non. Notre politique est de
mobiliser toutes les forces nationales qui, dans notre
histoire, par le passé, étaient
divisées. Nous en avons besoin pour édifier le
pays. Si le peuple ne participait pas à la
révolution, celle-ci échouerait certainement.
Nous le savons parfaitement nous-mêmes, inutile que
nos ennemis ou les forces réactionnaires nous le
prédisent ! Annie BRUNEL Quand Lon Nol était au pouvoir. Des actes que le peuple kampuchean n'a pas oubliés. | |