LE QUOTIDIEN DU PEUPLE n°668 -vendredi 31 mars 1978-

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informations générales

Procès des 4 détenus de Lisieux
VERS UN PROCES DES QHS ?
 
    l Ce mercredi 29 mars devait débuter le procès, devant la cours d'Assises de Paris, de quatre détenus des Quartiers Haute Sécurité (QHS) de la maison d'arrêt de Lisieux. Accusés de séquestrations, de violences à citoyens chargés d'un ministère public (les gardiens) et tentative d'évasion, les détenus quant à eux espèrent pouvoir faire le procès des QHS. Pour complément d'information le procès est reporté.
 
    Bloch, juge d'application des peines et membre du syndicat de la magistrature, rappelle les conditions de création de ces quartiers particulièrement aménagés. Les quartiers de Sécurité Renforcée (QSR) et les QHS ont été créés dans le cadre de la réforme des institutions pénitentiaires, après les révoltes qui agitèrent les prisons en 1973 ! L'administration montrait la conception qu'elle avait de cette réforme, qui devait humaniser les maisons d'arrêt ! Mais les QSR, s'ils sont légaux dans une dizaine de prisons, trouvent leurs répliques (les QHS) tout à fait illégales dans quantité d'autres prisons. Les QHS en effet ne sont que le produit d'une simple circulaire de septembre 75, due au directeur de de l'administration pénitentiaire du moment , Maigret. Aucune loi ou décret ne sont venus confirmer leur création. Contrairement aux QSR, les chefs d'établissements n'ont pas besoin de demander une autorisation à la direction pénitentiaire pour y enfermer des détenus. Ils sont seuls à juger de l'opportunité d'un séjour dans un QHS. De même conception, les QHS et les QSR se différencient des autres détentions par un mobilier scellé, une porte doublée d'une grille et l'isolement du détenu.
    "Les QHS c'est l'enfer". Pour tenter d'y échapper les quatre détenus, en juillet 76, attirent des gardiens dans un guet-apens, et sur la menace de leur exécution monnaient leur liberté. Ils seront mis en échec par le groupement d'intervention de la gendarmerie nationale. Les quatre révoltés de Lisieux seront alors répartis dans des prisons de la région parisienne.
    Pour que les jurés comprennent leur action désespérée, les détenus et leurs avocats, demandent à ce que ceux-ci connaissent les QHS, et dans le cadre ont demandé un supplément d'information. Leur demande a été retenue, et ce mercredi après-midi le procès a été reporté. Il semble bien que la défense puisse donc tenir sa tribune pour y faire le procès de ces prisons dans les prisons que sont ces quartiers spéciaux. Parallèlement à la démarche de la défense, le comité d'action des prisonniers (CAP) adressait une lettre à chacun des membres du jury faisant référence aux protestations récentes des jurés d'Aix-en-Provence et de ceux du procès Willoquet, faisant état de pressions et d'abus de la part de certains magistrats, cette lettre rappelle aux vingt trois jurés des quatre de Lisieux, le principe du délibéré d'un jury. Le CAP rappelle notamment aux jurés : "Vous n'êtes pas des fonctionnaires magistrats, le président n'est pas votre supérieur hiérarchique, il n'a pas à vous dicter votre conduite, vous n'avez en réalité qu'un seul devoir légal : celui de juger sans pressions extérieures".
 
    Ce procès, par l'action conjuguée de la défense afin que les jurés aient une vision plus réaliste des conditions de détention, et de la lettre du CAP mettra en pleine lumière les pratiques du milieu carcéral et judiciaire.
 

 

Pierre CHÀTEL    

 

 

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