Début 1968, Pompidou s'accorde avec les journalistes pour trouver la France "morose". Bel exemple de myopie politique. La France bouge au contraire... Toute l'année 1967, grèves et manifestations revendicatives se multiplient dans le pays. En mars 1967 un commissaire de police enfonce un piquet de grève devant Berliet : c'est l'occupation ! Ceux de Berliet renouent avec cette vieille tradition de lutte. Occupons les usines ! L'idée fait tilt et l'on "occupe" assez souvent lors des grèves de 1967. Elles sont nombreuses : celles des Rhodia, Besançon, St Fons et Vaise, celle de Sud-Aviation Rochefort en mai, celle de Renault Le Mans, des usines de Caen en octobre... Le plus souvent, des jeunes ouvriers combatifs entrent farouchement dans l'action, les directions syndicales freinent et composent avec le patronat, l'état capitaliste envoie ses CRS... Pourtant, le mouvement ne retombe pas ! Il faut dire que 1967 a été une mauvaise année pour la classe ouvrière : licenciements, lock-out, chômage, hausse des prix, tentatives de démantèlement de la Sécurité sociale. Ça bouge aussi dans les campagnes. En mars, les viticulteurs manifestent à Draguignan, Montpellier et Carcassonne. Le 26 juin, dix mille petits paysans bretons livrent une bataille rangée à d'importantes forces de CRS, laissant derrière eux les cadres syndicaux affolés ! Une grande bataille se prépare sourdement. Il y a les tressaillements de la jeunesse aussi. Les jeunes lycéens, les étudiants s'enflamment pour le Vietnam. A chaque victoire des combattants, on plante un petit drapeau rouge sur une carte du Vietnam accrochée dans une chambre, dans un foyer ou même dans une salle de classe... Pour soutenir le peuple vietnamien, on colle des affiches, on manifeste dans les rues, on apprend à militer. Un grand élan soulève la jeunesse intellectuelle de France, qui l'éduque en profondeur : la victoire du peuple vietnamien donne confiance en la voie révolutionnaire, dévoile la trahison des vieux partis, montre l'exemple. Les marxistes-léninistes au sein des comités de base- du Centre Information Vietnam ou des comités Vietnam de base, dont l'affiche ci-contre est l'emblème - sont extrêmement actifs au cœur de ce mouvement qui prend ampleur et vigueur. La tradition de célébration de la journée anti-colonialiste du 21 février est reprise avec éclat ; à Marseille, les anti-impérialistes tiennent la Canebière le 21 mars 67. Le 7 avril, Humphrey est hué dans les rues de la capitale, le drapeau US déchiré et brûlé... Autant d'expériences politiques qui serviront quelques mois plus tard. Admiratrice de Nguyen Van Troï, curieuse de la Révolution culturelle chinoise, tiraillée par les contradictions de l'Université bourgeoise, la jeunesse intellectuelle est prête à l'action. Il n'est pas possible de raconter le printemps 1968 ici. Ni même de prétendre écrire l'essentiel sur le formidable élan qui soulève la jeunesse intellectuelle les premiers jours de mai, ni sur le gigantesque mouvement gréviste de la classe ouvrière qui le relaie. Pour les "militants de 1968", comme pour les plus jeunes, simplement une suggestion : lire ou relire "Le printemps révolutionnaire de 1968" de Jacques Jurquet (republié dans "Arracher la classe ouvrière au révisionnisme" page 166); ils y trouveront des matériaux utiles pour la connaissance et la réflexion ; ils y verront des millions d'hommes de notre peuple prendre la parole et entrer en action; ils y découvriront la trahison des dirigeants révisionnistes mise à nu, fait après fait; ils y percevront l'optimisme révolutionnaire, fait de combativité et de fraternité, qui, par-delà le reflux, les reniements et les échecs, nous a, tous ceux de 1968, profondément transformés. Quoi de mieux cependant, pour évoquer mai 1968 que de montrer ses propres affiches ? Il y en a eu des centaines et des milliers; il y faudrait consacrer des ouvrages entiers ! Dans les ateliers populaires, nés autour des étudiants des Beaux Arts et qui essaimèrent à grande vitesse, est née une nouvelle forme d'expression militante, une nouvelle arme pour l'agitation et la propagande. La sérigraphie devint depuis lors l'une des connaissances de base du militant. La preuve... "Ouvriers, étudiants, tous unis", c'est le mot d'ordre de mai 1968. Malgré les manœuvres des dirigeants révisionnistes, il domine lors de la grande manifestation du 13 mai qui déploie un million d'hommes de République à Denfert-Rochereau, à Paris. Dès avant mai, la nécessité de l'union des luttes ouvrières et paysannes est apparue; lors de la grève des chantiers Schwartz-Haumont en janvier, près de la faculté des Sciences de Paris, il y a eu fusion des ouvriers du bâtiment, immigrés pour la plupart, et des étudiants de la fac; une solidarité matérielle a été organisée par les étudiants marxistes-léninistes. La grève a duré 17 jours mais les responsables syndicaux, furieux de l'unité des ouvriers et des étudiants ainsi réalisée, l'ont bradée honteusement. N'est-ce pas là raconter mai 68 en raccourci ? N'est-ce pas évoquer l'ardeur revendicative de la classe ouvrière, la volonté d'unité des ouvriers et des étudiants, et aussi l'action permanente des dirigeants révisionnistes pour briser l'unité, pour freiner le mouvement, pour éparpiller ses objectifs et parvenir - comme chacun sait - à la trahison de Grenelle ? La tempête révolutionnaire de 1968 nous a appris de manière vivante, parfois douloureusement concrète, cette vérité marxiste-léniniste : pour faire la révolution, il faut un parti révolutionnaire, il faut un parti communiste. Elle a fait comprendre à nombre de militants sincères, notamment ceux de l'UJCml, qui s'étaient fourvoyés à droite ou a gauche au gré de déclamations et d'illusions révolutionnaristes, qu'il fallait rejoindre le Parti communiste marxiste-léniniste de France. Le 13 mai 1968, sur la place de la République, pour la première fois, des milliers de voix reprirent avec nous ce nouveau couplet de l'Internationale, adopté par le Parti lors de son premier Congrès :
C'est toujours cette voie qu'il faut emprunter aujourd'hui.
"Pour un pouvoir populaire
révolutionnaire", c'est le mot d'ordre du Parti
en mai 1968. "...c'est dans l'union à la base des
ouvriers et étudiants révolutionnaires que le
mouvement anti-monopoliste et anti-fasciste doit puiser
toutes ses forces. Le facteur décisif des luttes en
cours, c'est le développement du mouvement des
masses. Aujourd'hui, les larges masses des paysans
exploités reprennent le combat. Pompidou et Séguy ont traité
à Grenelle, fin mai, sur le dos des travailleurs. De
Gaulle a jeté les élections
législatives aux politiciens révisionnistes.
Le piège électoraliste est en place ; il va
parfaitement fonctionner; dès le premier tour, le 23
juin, De Gaulle aura sa "chambre introuvable" ; le mouvement
de masse aura été brisé,
dispersé, trahi, vaincu. "Gilles Tautin, militant de l'Union des jeunesses communistes (marxiste-léniniste), ton nom restera à jamais comme le symbole vivant de notre admirable jeunesse intellectuelle désireuse de se lier profondément à la classe des révolutionnaires, à la classe ouvrière, ton sang figé par la noyade a cimenté à jamais cette union étroite et profonde qui conduira ensemble, dans l'action, étudiants et ouvriers, intellectuels et manuels, jusqu'à l'inéluctable victoire de la révolution; ton sacrifice si généreux, car ton âge était une fortune, est un ardent témoignage de ce que peuvent devenir les hommes, car tu t'es conduit comme un homme véritable, s'ils sont inspirés par l'idéologie prolétarienne... ". Le 12 juin, le gouvernement décrète
la "dissolution" des organisations "d'extrême-gauche",
parmi lesquelles le Parti communiste
marxiste-léniniste de France, invoquant un texte
élaboré en 1936 pour lutter contre les ligues
fascistes. |