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CRITIQUE
DU
"MANIFESTE POUR LE SOCIALISME" (suite)

LA QUESTION DE LA RÉVOLUTION

.... Etudier l'histoire de notre pays et de sa classe ouvrière, analyser la situation concrète de la lutte des classes en France et la situation internationale est la base nécessaire pour fixer avec justesse les tâches actuelles de la révolution prolétarienne en France et sa place dans le combat gigantesque de notre époque, abattre l'impérialisme, instaurer le communisme à l'échelle de la planète.
.... C'est par cette étude et cette analyse que début le "manifeste ".
.... Le point de vue du manifeste sur l'histoire de la classe ouvrière et du PCF est étroitement lié à la question du parti. C'est donc dans la partie correspondante que nous en ferons mention.
Quant à la description de la situation actuelle, elle nous paraît ambiguë et décollant de la réalité des faits.

la situation actuelle

.... La première partie du "manifeste " amène à cette conclusion que la situation en France est une situation prérévolutionnaire ; la perspective du socialisme serait proche, très proche !
.... C'est ainsi que sans y faire explicitement référence, le "manifeste " s'appuie sur la célèbre citation de Lénine :
.... " C'est seulement quand "ceux d'en bas " ne veulent plus et que "ceux d'en haut " ne peuvent plus vivre à l'ancienne manière, c'est alors seulement que la révolution peut triompher ".
.... D'autres textes de Lénine étudient les critères d'une situation révolutionnaire, les conditions nécessaires à la réussite de la révolution ; l'un d'entre eux, extrait de l'ouvrage "la faillite de la IIe internationale " permet de mieux comprendre le célèbre "ceux d'en haut, ceux d'en bas " :
.... " Pour un marxiste, il est hors de doute que la révolution est impossible sans une situation révolutionnaire, mais toute situation révolutionnaire n'aboutit pas à la révolution. Quels sont, d'une façon générale, les indices d'une situation révolutionnaire ? Nous ne nous tromperons pas en indiquant les trois indices que voici :
1 - Impossibilité pour les classes dominantes de maintenir leur domination sous une forme inchangée ; crise du "sommet", crise de la politique de la classe dominante et qui crée une fissure par laquelle le mécontentement et l'indignation des classes opprimées se fraient un chemin. Pour que la révolution éclate, il ne suffit pas, habituellement, que "la base ne veuille plus" vivre comme auparavant, mais il importe encore que "le sommet ne le puisse plus".
2 - aggravation, plus qu'à l'ordinaire, de la misère et de la détresse des classes opprimées.
3 - accentuation marquée, pour les raisons indiquées plus haut de l'activité des masses qui se laissent tranquillement piller dans les périodes "pacifiques" mais qui, en période orageuse sont poussées, tant par la crise dans son ensemble que par le "sommet" lui-même, vers une action historique indépendante. Sans ces changements objectifs, indépendants de la volonté non seulement de tels ou tels groupes et partis, mais encore de telles ou telles classes, la révolution est, en règle générale, impossible…
…la révolution ne surgit pas de toute situation révolutionnaire, mais seulement dans le cas où à tous les changements objectifs ci-dessus énumérés vient s'ajouter un changement subjectif, à savoir : la capacité, en ce qui concerne la classe révolutionnaire, de mener des actions révolutionnaires de masse assez vigoureuses pour briser complètement (ou partiellement) l'ancien gouvernement, qui ne "tombera" jamais, même à l'époque des crises, si on ne le "fait choir" ".
.... Dans ce texte, Lénine distingue les "conditions objectives " d'une situation révolutionnaire et cet élément "subjectif " celui-là, nécessaire à la révolution : la capacité de la classe (et donc de son parti) à prendre le pouvoir.


Petersbourg 1917 - les milices ouvrières brises l'ancien gouvernement

.... Ces précisions fournies, l'analyse concrète de la France permet-elle de conclure comme le fait le "manifeste " à une situation prérévolutionnaire ?
.... Nous ne le pensons pas.
.... Pour prouver que "ceux d'en haut " ne peuvent plus gouverner comme hier et que "ceux d'en bas " commencent à ne plus vouloir, le "manifeste " prend des exemples.
.... Ainsi le "manifeste " parle de "l'usure prématurée et rapide " du personnel politique en place. N'est ce pas là un point de vue unilatéral quand on parle d'une bande de politiciens bourgeois mis en place par De Gaulle il y a plus de vingt ans ?


CEUX D'EN HAUT... peuvent encore gouverner.

.... De même il évoque l'instabilité de la justice, de la police et de l'armée pour justifier que "ceux d'en haut ne peuvent plus… " C'est là encore une appréciation bien optimiste ; certes il y a des remous dans l'appareil judiciaire animés par le syndicat de la magistrature, il y a de la grogne dans l'armée, et même s'il faut tenir compte qu'ils sont traversés par la contradiction entre bourgeoisie de droite et de gauche, ce sont là des indices tout à fait intéressants, dont il faut souligner la portée… Mais gardons les pieds sur terre, la bourgeoisie tient encore bien en main son appareil d'état répressif, elle peut encore gouverner !


CEUX D'EN BAS : de la lutte spontanée à "l'action historique indépendante".

.... Même remarque pour "ceux d'en bas " le "manifeste " évoque des faits réels : LIP, les viticulteurs… etc… autant d'indices qui prouvent la détermination et la capacité révolutionnaires de secteurs de la classe ouvrière et du peuple, autant d'espoirs et d'exemples pour l'ensemble de la classe ouvrière et du peuple encore trompés par le révisionnisme. Mais ces faits là ne constituent pas aujourd'hui cette "capacité à une action historique indépendante " dont parle Lénine.
.... Autant il faut exalter ce qui naît et grandit dans le sens de la révolution, autant il faut se garder de décoller de la réalité d'aujourd'hui.
.... De l'examen de la situation internationale, le "manifeste " ne retient de fait que la plus grande "vulnérabilité " de l'impérialisme français "ayant une place dans le maillon le plus faible de la chaîne des pays impérialistes ". Les pressions conjuguées du tiers monde et du premier monde accentuent la crise en France et rapprochent l'heure de la révolution, le "manifeste " s'en tient là.
.... Outre une attitude bien enracinée dans le mouvement ouvrier européen (ne voir la révolution qu'à sa sortie, sur son propre continent), le "manifeste " néglige le déclenchement tôt ou tard d'une troisième guerre mondiale. En effet d'après le "manifeste ", à côté de la tendance à l'unité du tiers monde contre l'impérialisme, l'un "des deux grands mouvements qui modifient les traits du monde contemporain " c'est la distinction entre impérialismes dominants (le premier monde) et impérialismes secondaires.
.... Cela n'est pas exact, l'inégal développement enter impérialismes est vieux comme l'impérialisme lui-même, par contre le fait nouveau des années 70 c'est l'arrivée du social-impérialisme sur la scène mondiale et sa rivalité avec l'impérialisme américain pour l'hégémonie mondiale. Reléguer à l'arrière plan cette contradiction fondamentale c'est finalement escamoter la question, fondamentale elle aussi, de la guerre inévitable.
.... Même s'il dit que chaque superpuissance se prépare à la guerre, le "manifeste " ne s'intéresse pas dans les faits à cette éventualité et n'envisage à aucun moment d'engager la lutte contre les deux superpuissances.
.... Ainsi en ne cherchant à voir que le socialisme demain dans notre pays, le "manifeste " en arrive à ignorer le rôle historique des peuples du tiers monde dans la révolution prolétarienne mondiale.
.... A ne pas envisager l'alliance nécessaire entre les prolétariats des pays impérialistes et les peuples en lutte pour leur libération nationale et sociale, et à oublier la question des peuples colonisés par notre propre impérialisme (DOM-TOM).
.... Ayant expliqué en quoi "la question du pouvoir est posée aujourd'hui " (1) le manifeste en vient logiquement à l'insurrection.

La révolution ne peut pas se réduire à l'insurrection

.... Dans son chapitre 4 intitulé "une seule solution, la révolution" le "manifeste" s'attache à décrire les "conditions politiques" qui doivent être réunies pour pouvoir déclencher avec des chances de succés l'insurrection, et rapelle sans la mentionner explicitement la thèse de Lénine ("l'insurrection est un art").
.... Cependant le "manifeste" répond-il ainsi aux préoccupations actuelles des marxistes-léninistes, des ouvriers et petits paysans révolutionnaires pour réunir toutes les conditions du renversement violent de l'état bourgeois ?
.... Dans un passage de "la maladie infantile du communisme ", Lénine explique la difficulté d'agir en révolutionnaire quand ces conditions sont encore loin d'être réunies (2) . Il prend pour exemple l'Angleterre et relève l'impossibilité de savoir quel "motif " incitera les masses à se mettre en mouvement et la nécessité pour les Communistes de conduire "leur travail préparatoire de façon à être ferrés aux quatre pieds ".
.... Autrement dit pour la classe ouvrière et son parti d'avant-garde, s'attacher à faire feu de tout bois pour préparer la révolution, pour accumuler à la fois de l'expérience et des forces dans sa perspective.
.... Ce sont là des questions pratiques actuelles qu'on ne doit pas gommer en exposant les conditions et principes généraux d'une insurrection prolétarienne.
.... Comme le dit Lénine en 1920 dans "Note d'un publiciste " :
.... " Le soulèvement victorieux exige une longue, soigneuse et ferme préparation, exigeant beaucoup de sacrifices ".
Une longue préparation. De quoi s'agit-il ?
.... Il s'agit de savoir quels sont nos ennemis et quels sont nos amis, de forger l'unité fondamentale de la classe ouvrière et de la petite paysannerie et l'alliance avec les autres couches populaire (le "manifeste " y fait référence en une phrase (3) ).
.... Faut-il nouer dès aujourd'hui cette alliance, comment, sur quelle ligne de classe, dans le cadre de quelles luttes communes ?
.... Il s'agit aussi, ce dont ne parle jamais le "manifeste ", de tisser des liens internationalistes avec les classes ouvrières et les peuples du monde entier.
.... Il s'agit d 'édifier le parti de la classe ouvrière, nous y reviendrons.

La question du pouvoir est la question principale

.... Le "manifeste " évoque les luttes des LIP, des viticulteurs, des ouvriers, pour de meilleures conditions de travail, les luttes des femmes et affirment que ces luttes "jettent les bases d'une politique cohérente pour la société de demain ".
.... Il conclut :
.... " Remettant en cause l'organisation d'ensemble du fonctionnement de cette société, qui est directement à la source de la crise d'aujourd'hui, les travailleurs inévitablement e viennent à poser la question du pouvoir, ce ceux qui l'exercent au profit d'une minorité " (4) .
.... La question du pouvoir est effectivement la question la plus importante de toute révolution. Au cœur de cette question, il y a celle de l'Etat. Quelle classe détient l'appareil d'Etat ?
.... Quand les LIP produisent des montres et les vendent, quand les viticulteurs, le fusil à la main, lancent le mot d'ordre "nous voulons vivre et travailler au pays ", ils mènent leur combat avec la plus grande détermination, sans compromis ni concessions, mais ils ne posent nullement la question du pouvoir en tant que telle.
.... Les "bases d'une politique cohérente " qu'ils jettent sont celles d'une politique nécessairement réformiste, "autogestionnaire " ici, "régionaliste " là… La question politique, la question du pouvoir se trouve posée par l'intervention des CRS, de l'armée, de l'appareil judiciaire de l'Etat bourgeois qui vole au secours des capitalistes au cours de la lutte.
.... Une chose est de comprendre et de combattre l'exploitation de l'homme par l'homme, une autre est de saisir la nature de l'Etat capitaliste et d'engager ses forces pour l'abattre ;
.... Voilà longtemps que Lénine dans "Que faire ?" a prouvé l'importance de cette distinction et mis en évidence le rôle irremplaçable du parti, seul à même de poser et de résoudre correctement la question de l'Etat.
.... Le "manifeste " applaudit à juste titre aux interrogations des plus combatifs de notre pays, mais il attend que se multiplient d'autres LIP, d'autres mouvements de viticulteurs et "alors la crise prendra un nouveau cours ".
.... Cette position attentiste amène à ne pas combattre de fait les solutions réformistes de tous les courants petits bourgeois à la mode (autogestionnaire, écologie, féministe et autres…) auxquelles ces mouvements aboutissent sans l'action consciente du parti.
.... Nous ne pouvons pas applaudir les mouvements de la classe ouvrière et attendre leur développement !

.... Il faut répondre aux questions que posent les ouvriers et petits paysans en lutte, au parti du prolétariat.
.... Comment briser l'appareil d'Etat bourgeois (son armée, sa police, sa justice, son administration…) et surtout comment s'y préparer dès aujourd'hui ?
.... Et à ces questions le "manifeste " n'apporte pas de réponses pratiques !
.... Cette première partie du "manifeste " concernant la révolution présente donc une grande ambiguïté sur la situation actuelle qui serait "la crise politique qui mûrit en crise révolutionnaire ".
.... La situation actuelle, sur le plan politique est beaucoup plus terre à terre, c'est la bataille électorale de 78, l'éventualité de l'arrivée de la "gauche " au pouvoir, la grande foire aux illusions de "la France socialiste, ici et maintenant " (5) .
.... C'est aujourd'hui même, dans les rangs ouvriers, que doit être mené le combat pour "arracher la classe au révisionnisme et lui redonner confiance en l'organisant " (6) , or sur ce point le "manifeste " semble présenter comme une condition de la révolution, la nécessité pour les masses de faire l'expérience du révisionnisme au pouvoir (7).
.... Il faut laisser mûrir les choses, c'est ce qui ressort du "manifeste ", et c'est la même attitude qu'on retrouve face aux masses en mouvement.
.... En suivant cette voie, on en arrive vite à négliger l'importance des préparatifs à la révolution, leur complexité, de même que l'éducation politique nécessaire de la classe ouvrière et des masses AUJOURD'HUI MÊME, on ne prépare que des escarmouches et non pas un combat déclaré contre le réformisme ou le révisionnisme.

  

NOTES

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