.... Cette question est abordée dans 44 pages
du "manifeste ". Les deux points fondamentaux que nous
étudierons concernant la lutte des classes
après la prise du pouvoir et la conception de la
dictature du prolétariat.
....
La lutte des classes est l'axe qui
entraîne tout le reste.
....
Voilà comment le
"manifeste " introduit la question :
....
" La
révolution socialiste qui a détruit la vieille
machine d'Etat, est immédiatement en face d'un
immense problème : comment assurer son fonctionnement
sans reconduire par la force des choses, c'est à dire
des habitudes, l'ancien ordre établi ".
....
C'est là une
présentation mal engagée à notre avis,
de l'instauration du socialisme et du danger de restauration
du capitalisme.
....
En effet, il n'y a pas de
séparation dans le temps ni dans les faits entre la
"destruction de la vieille
machine d'Etat " et la
création d'un nouvel appareil d'Etat ; ces deux
processus sont confondus, c'est la leçon de
l'expérience des révolutions socialistes ; les
soviets d'octobre 1917, instruments de lutte contre le
tsarisme deviennent les organes du nouveau pouvoir d'Etat.
Lénine en fait le bilan en décembre 1919, dans
"les élections à
l'assemblée constituante et la dictature du
prolétariat "
(8).
La dictature du
prolétariat
Le "manifeste "
décrit longuement la démocratie socialiste : "
que les fonctions d'Etat soient
remplies par tous les travailleurs "(13) . " La prise en
charge des affaires de tout le monde par tout le
monde "(14) "que le pouvoir
d'Etat soit effectivement entre les mains de la classe
ouvrière et du peuple travailleur " (15).
....
Nous souscrivons pleinement
à ces principes, mais à une condition, c'est
qu'ils soient dialectiquement liés à cet autre
principe de la centralisation nécessaire du pouvoir
prolétarien, car c'est bien le centralisme
démocratique qui régit le fonctionnement de la
société socialiste. La centralisation à
l'exercice effectif de la démocratie et vice et
versa… Sinon le "débat "
continuera à vide alors que les exploiteurs auront
insidieusement repris le pouvoir !
....
Dans le fond, le "manifeste ", par
sa conception de la "construction du socialisme par le
bas " oublie le rôle du
centralisme, de l'Etat centralisé, de la
volonté unique et en arrive à entacher tout
centralisme du défaut bureaucratique
contre-révolutionnaire :
....
" C'est pourquoi le socialisme authentique ne
peut pas être une construction par le haut, il ne peut
résulter non plus d'un simple consensus de la
majorité à une politique satisfaisant ses
intérêts objectifs, mais
élaborée, dictée, impulsée par
une minorité, si représentative soit-elle en
ses débuts. Que les fonctions d'Etat soient remplies
par tous les travailleurs, telle est bien l'immédiate
nécessité. Y parvenir ou non qualifie la
société issue de la
révolution "
(16).
....
La formule de Lénine
"que les fonctions d'Etat
soient remplies par tous les travailleurs " n'est en aucun cas contradictoire avec
l'Etat prolétarien centralisé et
discipliné. Pourquoi vouloir à toute force que
la "minorité "
qui élabore et impulse, qui de surcroît
"satisfait les
intérêts objectifs " du peuple soit opposée aux
"travailleurs " ? Voulant répondre par avance au
vieux procès des gauchistes et des anarchistes
à la dictature du prolétariat et à son
parti, le "manifeste "
retombe involontairement dans le même travers en
opposant la classe et les masses (17).
....
Quant au parti du
prolétariat, d'après le "manifeste " son
rôle consiste à rester prudemment sur la touche
et à donner "conseils " et
"éléments
d'analyse " (18) .
....
Quant à la garantie pour
"ne pas reconduire l'ancien
ordre établi ", elle ne
tient pas fondamentalement à une "bonne organisation " de la société, à
"un bon
fonctionnement " de la
société, mais avant tout à mener la
lutte de classe, la prendre comme "axe " de
l'édification socialiste sur les plans
économiques, politiques et
idéologiques.
....
Quand Lénine évoque
la "force de
l'habitude ", c'est pour
désigner le terrain sur lequel se crée une
nouvelle bourgeoisie et signifier que la lutte de classes
continue de longues années après la prise du
pouvoir (9); aucune "structure de base
", aucune organisation d'un "débat
démocratique " sans
précédent ne permet de faire l'économie
de la lutte des classes pour l'édification du
socialisme.
....
Quant à la direction de
cette lutte de classes, Lénine montre qu'elle
nécessite "un parti
de fer, trempé dans la lutte… un parti jouissant de
la confiance de tout ce qu'il y a d'honnête dans la
classe en question… un parti sachant observer l'état
d'esprit de la masse et influer sur lui pour mener avec
succès la lutte "
(10).
....
Quand il évoque le
socialisme, le "manifeste "
sous-estime la réalité et
l'âpreté de cette lutte pour assurer la
suprématie du prolétariat :
....
" Comment corriger cette
inégalité profonde dans laquelle se trouve
placé le prolétariat au début su
socialisme par rapport à ceux qui ont exercé
héréditairement le pouvoir " demande le
"manifeste ", qui ajoute "les formes que prend sa dictature
sont l'objet d'un ample débat au sein du peuple
travailleur " (11) .
Qui dirige, le
prolétariat ou la bourgeoisie ? Telle est la
question centrale du socialisme
|
.... " débat
" utile certes mais qui
espérons-le, ne tombera pas trop mal à propos
- en pleine bataille de classe, qui n'est pas la simple
"correction d'une
inégalité " mais
un affrontement sévère, complexe et sans
concession… si l'on en croit l'expérience historique
des révolutions passées…
....
D'après le "manifeste ", la
difficulté essentielle pour le prolétariat
c'est "d'acquérir la
capacité à exercer le pouvoir " ; " il faut
tout apprendre, diriger en tout " (12) ; or la bourgeoisie a "convaincu les travailleurs
d'ignorance ".
....
Voilà qui nous semble bien
pessimiste et fondamentalement erroné, sur les
capacités du prolétariat, quand par ailleurs
on glorifie les masses et leurs idées
justes.
....
Le prolétariat doit
apprendre à diriger son propre Etat, c'est tout
à fait juste, mais l'essentiel dans la question du
maintien du socialisme, ce n'est pas une question de
"savoir faire " (il y a déjà quelques exemples
non négligeables sur le sujet !), c'est avant tout
une question de pouvoir ; quelle classe détient le
pouvoir (avec son armée, sa justice, son
administration) ? Le pouvoir est-il aux mains du
prolétariat et de son parti ? Voilà la
question qui rend nécessaire la dictature du
prolétariat !
....
Outre des oublis, comme la
politique extérieure de la France socialiste
(19) ou la question des travailleurs
immigrés, le "manifeste "
n'envisage pas un seul instant l'éventualité
d'affrontements violents, d'une guerre.
....
Le "manifeste ", en
inventant de nouveaux termes (20) assez flous et en n'évoquant pas
l'expérience historique (Commune de Paris, les
soviets de 17, la Chine, l'Albanie…) se préoccupe
hors du temps de montrer le socialisme comme une sorte
d'immense assemblée générale
débattant sans trêve ni repos. Il veut donner
des "assurances
démocratiques " sur le
socialisme et en vient à nier fondamentalement le
rôle du centralisme, la nécessité de la
direction en tout de la classe ouvrière et de son
parti.
....
Cette conception du rôle du
parti dans la société socialiste, nous allons
voir qu'elle est la conclusion logique de la conception du
parti que développe le "manifeste " dans
son dernier chapitre.
|